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La « chenille éthiopienne » faisait rêver les Anglais de l’aube du XIXe.
Elle s’est muée en « ver à soie » pour faire rêver les Chinois de l’aube du XXIe siècle...
A chaque époque ses exotismes rémunérateurs sous le marteau !
••• UN VER À SOIE QUI SE TROMPE D'EMPEREUR CHINOIS...
Pour les uns, ce serait une sorte nano-Jabba the Hutt, mais dans une version ultra-précieuse qui irait chercher dans le demi-million de francs suisses. D’autres repenseront aux créatures de sable imaginées par Franck Herbert dans Dune, mais dans une version qui n’avalerait que les dollars, l’épice étant ici l’adrénaline de toute vente aux enchères un peu disputée. Il s’agit du lot n° 138 (image ci-dessus) du catalogue Sotheby’s Genève du 14 novembre prochain...
••• LA « CHENILLE » DONT ON PARLE est un chef-d’œuvre de micro-mécanique, conçu vers 1820 pour reconstituer en émail, perles, rubis, émeraudes, diamants et turquoise, une « chenille éthiopienne » capable de se déplacer par reptations assez réalistes qui mettent en jeu tous les « anneaux ». On ne connaît que six de ces automates attribués à Henri Maillardet (qui était un associé de Jaquet Droz, à Londres, lors de la première exposition publique de cette pièce, en 1811), dont seulement deux avec cet assortiment de pierres, et ils se trouvent tous dans les plus grands musées [dont le Patek Philippe Museum, bien entendu].
••• COMME LA MODE EST AUX « CHINOISERIES », on parle également de « ver à soie » à propos de cette pièce, mais ce doit être pour attiser l’appétit des enchérisseurs asiatiques, ravis d’apprendre que cet automate, véritable « jouet de garçon », aurait pu être commandé par la cour impériale chinoise – mais certainement pas celle de l’empereur Qianlong, comme le suggère le catalogue Sotheby’s, puisque le règne de cet empereur mandchou s’est arrêté en février 1796, dix à vingt ans avant la date supposée de création de cette pièce ! Suggestion habile et poétique : « Il est facile d’imaginer que cette chenille était destinée à la cour de Qianlong », note le catalogue, ce qui n’engage à rien...
••• AINSI, À DEUX SIÈCLES DE DISTANCE, c’est « la chenille qui redémarre » – comme le dirait la chanson populo-populaire de la fin du XXe siècle [pour ceux qui ne connaissent pas, une petite leçon de karaoké]. Et elle pourrait prendre ou reprendre la route de la soie. Grâce à de très subtils jeux de cames et de rouages, ses ondulations enchantent : il se trouvera bien quelque néo-milliardaire néo-communiste néo-chinois pour « s’imaginer » – sur la foi du catalogue ! – que le grand Qianlong se délassait de ses loisirs guerriers en jouant avec ce « ver à soie » enchanté...
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