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Estimée 300 000 à 400 000 francs suisses, cette montre de pochesignée Samuel Roi et Fils est (peut-être) la première connue pour afficher une « équation du temps marchante ».
Ce monument d’histoire horlogère est largement sous-évalué dans le catalogue Christie’s...
••• SAMUEL ROI & FILS : MONTRE ASTRONOMIQUE À ÉQUATION DU TEMPS « MARCHANTE »...
Samuel Roi a fondé sa fabrique d’horlogerie à La Chaux-de-Fonds en 1770 et il a travaillé avec Breguet sous la Révolution française, notamment pour développer des mécaniques horlogères « décimales » (Business Montres du 31 octobre), mais en se contentant de rester un des sous-traitants de mouvements compliques, sans vouloir s’associer avec lui. Ceci pour poser le profil de ce maître-horloger respecté de tous les initiés.
••• POUR INDIQUER L’IMPORTANCE de la montre qui passera sous le marteau d’Aurel Bacs (lot n° 92 de la vente genevoise du 15 novembre), il faut rappeler que ces montres de poche à équation du temps sont plutôt rares dans la production de ces deux derniers siècles et celles qui proposent une « équation du temps marchante » doivent se compter sur les doigts des deux mains. En montre-bracelet, il aura fallu attendre 2004 pour que Blancpain lance la toute première Equation du Temps Marchante de poignet : deux siècles après la montre de Samuel Roi, datée de 1820, dont on peut considérer qu’elle est la première connue à afficher cette complication « astronomique » en version « marchante » (et non « sectorielle »)...
••• DE QUOI S’AGIT-IL ? On ne va pas réexpliquer ici ce qu’est l’« équation du temps », paramètre astronomique déployé pour évaluer l’écart du temps entre l’heure solaire vraie (celle de la Terre sur son orbite) et l’heure solaire moyenne (celle de nos montres), qui peut varier de + 14 mn 15 (le 11 février) à + 16 mn 25 s le 3 novembre. Traditionnellement, les horlogers ont indiqué cet écart par une aiguille sur un secteur gradué de + 14 à – 16 : il suffisait d’ajouter ou de retirer ces minutes à l’heure légale pour avoir l’heure solaire vraie.
••• L’ÉQUATION DU TEMPS MARCHANTE se distingue par son aiguille « centrale » qui permet de lire directement et instantanément (en cours de « marche ») cette heure solaire vraie : plus besoin de soustraire ou d'additionner, la lecture est instinctive des minutes « vraies » (solaires) est aussi simple que celles des minutes « moyennes » (celle de la montre et de l'heure légale)...
••• SUR LA MONTRE DE SAMUEL ROI, c’est l’aiguille-soleil (rétrograde) du cadran décentré qui indique « Soleil retarde » ou « Soleil avance » sur les côtés du cadran. Dans le guichet, un soleil en or sur fond émaillé bleu indique la place du soleil sur l’horrizon. Cette complication « marchante » – autrement plus difficile à mettre au point qu’un tourbillon – est considérée par les horlogers comme le sommet de leur art : il s’agit pour eux d’ajuster, sur l'axe des minutes et selon des calculs astronomiques de haut niveau, une came d’équation non circulaire (analemme en forme de 8). Comme quoi les engrenages horlogers non circulaires ne datent pas d'aujourd'hui...
••• L’ESTIMATION ULTRA-DÉFENSIVE d’Aurel Bacs (300 000-400 000 francs suisses/240 000-310 000 euros) pour une vraie « pièce de musée » traduit sa perplexité sur l’audience de ces chefs-d’œuvre mécaniques dont on cerne aujourd’hui aussi mal le public traditionnel (musées, grandes collections d’horlogerie de poche antérieure au XXe siècle) que les nouveaux amateurs (néo-collectionneurs de pièces uniques, dans les pays développés ou sur les marchés émergents). C’était la spécialité d’Osvaldo Patrizzi, dont le marteau était capable d’enchanter les ventes de tels objets. Trouvera-t-il un successeur ? La valeur réelle d’une telle pièce – qui nous est parvenue dans un état impeccable – devrait se situer autour du million de francs suisses, sinon d’euros : un bon test sur la résistance de la grande « horlogerie historique »...
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