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Les collectionneurs ne sauront plus où donner de la tête dès la fin de cette semaine. Les lots proposés s’annoncent grandioses.
Des ventes aux enchères qui s’annoncent tout à fait exceptionnelles dès le 13 novembre prochain à Genève. Avec évidemment le diamant phare de Sotheby’s, dont l’estimation plafond est à pas moins de 38 millions. Mais aussi des collections dont les maisons concernées n’ont pas à rougir, et s’avouent unanimement «fières». «Pour cet automne, nous avons essayé de trouver la crème de ce qu’on trouve aujourd’hui, précise Jean-Marc Lunel, qui dirige le département bijoux chez Christie’s Genève. Cette vente réunit à la fois des objets très différents, d’époques variées, avec des pierres extraordinaires.»
Genève se distingue
Si Genève s’était déjà naturellement imposée comme lieu de prédilection pour la vente de montres, face à New York, Londres ou Hongkong – rappelons la vente d’un chronographe Patek Philippe pour 6,2 millions de francs en mai dernier – elle est désormais en passe de devenir la capitale du diamant. Surtout les diamants colorés, très en vogue actuellement, comme le précise David Bennett, président du département de joaillerie chez Sotheby’s pour l’Europe et le Moyen-Orient. L’année passée, un diamant bleu d’Afrique du Sud s’est vendu au prix record de 10,5 millions, et son homologue vert à plus de 3 millions. «Les records que nous avons obtenus à Genève montrent qu’elle devient une véritable place de confiance», se réjouit le spécialiste, qui estime la vente de bijoux de cette saison autour de 38 millions de francs, et ce sans compter le diamant rose.
Outre les bijoux et les montres, cette saison sera celle des vins exceptionnels, avec la bouteille la plus chère jamais mise en vente, un Saint-Emilion de 1947. «La vente de vins va être particulièrement exceptionnelle, avec une fabuleuse collection personnelle que nous proposerons», se réjouit la directrice de Christie’s Genève, Evelyne de Proyart. Une vente est même prévue en soirée, afin de satisfaire les agendas des nombreux amateurs.
Qualité et diversité
Non seulement une qualité exceptionnelle est au rendez-vous, mais elle se marie avec une très grande diversité. Que ce soit en montres, ou en joaillerie. Chez Sotheby’s, ce sera plus de 500 lots, et environ 300 chez Christie’s. «Avec des pierres qui proviennent de mines légendaires, aujourd’hui taries», explique Jean-Marc Lunel. «C’est très rare d’en avoir de cette qualité et de cette couleur», poursuit-il, décrivant le bleu très velouté d’un saphir cachemire, estimé entre 1 million et 1,5 million. Sans parler du «top lot» de la maison, un diamant d’une limpidité et d’une transparence indescriptibles. «Il est de catégorie D, c’est-à-dire qu’il est caractérisé par une absence de couleur totale, c’est comme de l’eau vive», s’enthousiasme le spécialiste.
L’activité ne connaît pas la crise. «La vente aux enchères, c’est un marché un peu à part, avoue Cristiano De Lorenzo, porte-parole de chez Christie’s, qui estime cette saison à 60 millions. C’est un marché de passionnés.» Il explique que la difficulté lors de période économique creuse est surtout de trouver des vendeurs. «Mais à chaque fois que nous avons pu proposer un objet rare, nous avons trouvé acheteur.» Des acheteurs intéressés par l’investissement, certes, mais avant tout mus par la passion de ces objets exceptionnels.
Quant à ceux qui ne peuvent que se permettre de rêver, les objets sont exposés publiquement dès ce vendredi.
Les objets extraordinaires qui vont emballer les collectionneurs
Collier d'impératrice
Il est plutôt rare de connaître l’histoire des bijoux lors des ventes aux enchères, discrétion oblige. On glisse parfois que celui-ci ou celui-là a obtenu à une famille royale, mais rien de plus. Or la valeur peut aussi augmenter, en connaissant le passé d’un lot. En l’occurrence, ce collier du joaillier avant-gardiste parisien Boivin fut une commande de Nam Phuong, l’épouse du dernier empereur vietnamien, née en Cochinchine mais élevée en France. «Elle possédait un goût très affiné pour la mode, l’art et la joaillerie françaises», explique Jean-Marc Lunel. Originellement, l’objet était une tiare, mais il a la particularité d’être entièrement articulé et démontable, et peut se combiner en un collier et en des boucles d’oreilles.
Diamant fancy intense pink
C’est une pierre «joyeuse», explique David Bennett, spécialiste en joaillerie chez Sotheby’s, décrivant le lot phare de toutes ces ventes genevoises, le Fancy Intense Pink. Un diamant très éloquent, aux coins arrondis qui lui confèrent un aspect féminin, précise-t-il. «Il faut le voir pour comprendre.» Une des pierres préférées de toutes celles que l’expert a pu admirer durant toute sa carrière, ces 35 dernières années. «Oui, et c’est sans conteste l’un des diamants les plus importants des ventes de ces trente dernières années.»
Bordeaux Saint-Emilion
Il pourrait en parler des heures, de ce vin exceptionnel. Et pourtant, Michel Ganne ne trouve pas les adjectifs idoines pour décrire ce Château Cheval-Blanc 1947, pour expliquer «cette émotion qui nous a saisis lorsqu’on l’a dégusté». La bouteille a été parfaitement conservée, et le vin reconditionné au château. «C’est quelque chose de normal, un bouchon en liège par exemple n’est pas fait pour durer 100 ans», précise le spécialiste en vins chez Christie’s. Un vin rare, surtout dans ce format Impérial (6 l), quasi impossible à trouver sur le marché.
Patek Philippe 1953
Genève est évidemment la capitale des montres. C’est là que les enchères battent tous les records. Les catalogues des ventes proposées font plusieurs centaines de pages. En mai dernier, une Patek Philippe avait été vendue au prix vertigineux de 6,2 millions de francs chez Christie’s. Des objets très rares, voire uniques, d’une sophistication extrême. Ainsi, il n’existerait que deux exemplaires de cette Patek Philippe de 1953 en or rose.
Toujours plus haut
La passion n’a pas de prix. Et autorise toutes les folies. AU printemps dernier, le 14 juin, une statue de l’artiste Amedeo Modigliani avait pulvérisé tous les records pour une œuvre d’art. La tête de caryatide était l’une des rares sculptures de cet artiste italien à appartenir à un collectionneur privé, toutes les autres sont dans des musées. On craignait l’explosion des prix. Elle a bel et bien eu lieu chez Christie’s à Paris: Plus de 43 millions d’euros, soit près de dix fois son prix estimé! Le tout réglé en 15 minutes. L’acheteur de cette tête de 65 cm, sculptée vers 1910, est resté anonyme. Tout au plus sait-on qu’il était Américain ou Européen, la fin du match s’étant jouée entre ces deux régions géographiques. La sculpture provenait de la collection de l’homme d’affaires Gaston Lévy, créateur de la chaîne de magasins Monoprix. Acquise en 1927, elle n’avait jamais été montrée au public jusqu’au 14 juin dernier. Gageons qu’on ne la reverra pas de sitôt.
Muriel Jarp - LeMatin.ch |