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Révélation ce soir des montres récompensées par le Grand Prix de Genève, en l'absence des principales marques genevoises et suisses.
Regrettable, mais il faut faire avec...
En attendant, il n’est pas interdit de (se) poser quelques questions sur l'actualité...
1)
••• QU’EST-CE QU’UNE « PIÈCE UNIQUE » ÉDITÉE À 29 EXEMPLAIRES ?
« Unique » ? Définition du Trésor de la langue française : « qui est un seul, sans aucun autre du même genre ». Du coup, on se pose des questions sur une « pièce unique » qui serait tout de même éditée en série limitée à 29 exemplaires. Soyons gentils et admettons que, pour des numismates ou des spécialistes de la médaille, la notion de pièce est singulière et qu’elle peut désigner une frappe unique, comme l’est celle de Cartier pour la Monnaie de Paris (image ci-dessus) : un kilo d’or pour chacun de ces 29 médailles, avec une représentation du Taj Mahal (Inde), une des « sept merveilles du monde ». Sur cette médaille, le dôme de ce palais de marbre blanc inscrit au patrimoine mondial de l’Unescoa été serti de 68 diamants par Cartier [la marque nous précise que « chacun des 29 exemplaires de cet objet unique sera mis en ventes aux enchères au profit de l’Unesco »]. Chacune des de ces médailles sera présentée dans un écrin Goyard en forme de mini-amme. Tarif non communiqué, mais sans doute pas trop câlin (autour des 100 000 euros, prix « non officiel », pour une valeur faciale de 5 000 euros, absurde compte tenu du poids d'or) : tant mieux pour l’Unesco – mais vendre 100 000 euros ce qui n'est affiché qu'à 5 000 euros, ça, c'est du luxe !
2)
••• QUELS SERONT LES ANIMATEURS SURPRISE DU GRAND PRIX DE GENÈVE ?
On sait déjà qu’il y aura des strip-teaseuses dans le style Crazy Horse ! Depuis la publication de cette excellente nouvelle par Business Montres (17 novembre, info n° 8), le standard du GPHG frôle l’apoplexie : tout le monde veut venir ! Donc, un conseil : venez tôt, sinon ce sera le poulailler. Ce qui serait idiot : le spectacle est tout de même bien meilleur de l’orchestre...
• Séquence émotion et hommage à nos disparus récents : Nicolas Hayek et Gino Macaluso, dont la mémoire mériterait bien un instant de recueillement symbolique (dix secondes suffiraient), avec tous les participants debout pour une standing ovation silencieuse et concentrée [mais pourquoi avoir oublié Simone Bédat ou Remo Bertolucci ?].
• Innovation de l’année : la remise des prix, sur scène, par un certain nombre de célèbrités de la distribution horlogère (John Simonian, Michael Tay, Mohamed Seddiqi, Gino Cukrowicz, Elena Ivanova), sous le contrôle de Laurent Picciotto, qui sera cette année plus libre de ses mouvements et de ses commentaires. Le piquant de cette innovation : tel ou tel de ces détaillants – très courtisés par les marques – risquent de devoir remettre un prix à tel ou tel créateur dont ils n’ont pas voulu prendre la marque dans leur point de vente. Dilemme...
3)
••• QUE DISENT LES DERNIERS ÉCHOS AVANT LA CÉRÉMONIE DU GRAND PRIX ?
On a frôlé le pire : l’avion de Bernard Cheong, un des plus remuants membres du jury, était très en retard et il a failli manquer la réunion du jury, hier après-midi ! Comme c’est un des plus farouches défenseurs de l’autonomie du jury et un de ceux qui avaient le plus plaidé la cause des « petites marques » et des créateurs indépendants, son absence aurait été un coup dur pour ces derniers, qu’il a cependant défendu bec et ongles face aux autres membres du jury. Pas vraiment de quoi faciliter les « rééquilibrages » [certains diront les rafistolages] que certains projetaient à la dernière minute...
• D’autant qu’il y avait un autre absent de taille : notre ami Eugenio Zigliotto, très malade depuis plusieurs mois, n’a pas pu assurer son rôle de « doyen » du jury, dont il est le plus ancien membre et le modérateur naturel. En « vieux grognard » de la garde qui ne se rend pas, il savait résister avec diplomatie aux pressions, même à celles de ses amis des marques, et aux tentations des « petits arrangements »...
• Pas de changements majeurs par rapport aux pronostics d’hier, le jury s’étant échauffé pour trier entre les finalistes plus ou moins ex-aequo pour le Prix du jury et pour l’Aiguille d’or. Ces scores serrés sont toujours le problème des jurys aux jurés trop peu nombreux pour marquer des différences très nettes entre les candidats, ce qui réclame beaucoup de tractations pour procéder aux arbitrages nécessaires. On espère seulement que les organisateurs du Grand Prix prendront en compte les demandes des jurés pour réformer les procédures de vote et la définition des catégories de prix...
• Donc, restent en piste ou tiennent la corde, avec toutes les chances de grimper les marches pour recevoir leur parchemin, mais en tenant compte des possibilités de désinformation des uns ou des autres et de l’engagement à la confidentialité des jurés qui ne sauraient en dire trop (avec indice de probabilité et par ordre d’apparition sur la scène) :
••• Montre Femme (5/5) : quasi-unanimité du jury pour le Pont des Amoureux de Van Cleef & Arpels, mais le suspense reste entier pour l’Aiguille d’or, le reclassement de l'un faisant le bonheur des autres...
••• Montre Homme (5/5) : même unanimité du jury pour le tourbillon néo-classique de Laurent Ferrier, les votes négatifs émanant de jurés qui n’avaient vu la montre qu’en photo [ce qui en dit long sur les réformes nécessaires des procédures internes du GPHG]...
••• Montre Design (4/5) : les membres du jury étaient plus partagés, mais la « machine » n° 4 de MB&F (Max Busser) semble avoir le mieux répondu à l’idée que les jurés se faisaient d’une montre « design-concept watch »...
••• Montre Joaillerie (3/5) : aux deux tiers, ce serait toujours Chopard, mais les jurés consultés – même historiens ! – ont parfois la mémoire déficiente quand une catégorie ne les passionne pas...
••• Montre Complication (2/5) : aux dernières nouvelles, le jeu restait très ouvert, les pressions des différentes factions s’annulant pour faire émerger tantôt Harry Winston, tantôt Greubel Forsey, mais pas forcément FP Journe (deux montres en compétition dans cette catégorie, mais pas vraiment fraîches de 2010 au gré de certains jurés), qu’on aurait pu repêcher ailleurs...
••• Montre Sport (4/5) : large enthousiasme des jurés autour de Richard Mille, qui a de toute façon son rond de serviette au Grand Prix de Genève et qui a relégué très loin ses concurrents...
••• « Petite Aiguille » (2/5) : belle remontée de Frédérique Constant, qui talonne Bell & Ross et Vulcain, sans qu’on puisse encore affirmer qui montera sur scène...
••• Meilleur concepteur-constructeur (3/5) : on parle toujours de Jean-François Mojon (Opus X, Harry Winston), mais aussi de Felix Baumgartner (Urwerk) ou du couple Robert Greubel/Steven Forsey (Greubel Forsey) s’il s’agissait [simple hypothèse] de compenser un arrangement diplomatique dans la catégorie complication
••• Prix spécial du jury (2/5) : une récompense taillée cette année sur mesures pour François-Paul Journe en personne, abonné aux récompenses du GPHG, et un lot de consolation concédé par les jurés un peu étonnés des sollicitations à ce sujet...
••• Aiguille d’or (3/5) : deux marques la méritaient de plein droit au total des points recueillis, dans l’ordre Van Cleef & Arpels et Laurent Ferrier, mais les tractations d’hier après-midi ont pu l’emporter. Le jeu reste très ouvert si Van Cleef & Arpels libérait la place en « Montre Femme »...
••• Prix du public (0/5) : pas de pronostic pour une récompense discrétionnaire aux procédures pour le moins entachées de régularité...
4)
••• QUEL BILAN TIRER DES RÉCENTS « THE WATCHES DAYS » DE GENÈVE ?
En quelques chiffres : plus de 4 000 bulletins de vote pour le prix du public (trois catégories). Un échantillon largement représentatif, et de l’opinion de la profession, et de celle des amateurs : pas facile de procéder au dépouillement d’une telle masse de bulletins !
• La fréquentation ? Un total de 4 520 visiteurs (avec un pic de 1 800 personnes le jeudi et un creux de 760 le samedi). Soit un premier succès, qui n’est pas un triomphe, et qui est un encouragement à continuer sur cette voie et dans le couplage avec la Nuit de l’Horlogerie. Sans doute faudra-t-il favoriser pour la prochaine édition un plan de communication donnant la priorité aux médias les plus réactifs du « bassin de clientèle » franco-suisse (messages radio et campagne Internet)...
5)
••• QUE FONT LES MONTRES D’OSVALDO PATRIZZI DANS UNE VENTE KOLLER DE ZURICH ?
On a beaucoup parlé, pendant les enchères genevoises, de la vente de montres organisée par Koller, auctioneer zurichois, le 30 novembre prochain. Dans le catalogue, on trouve beaucoup de montres de poche et de montres émaillées, mais aussi, dès la page 3 et jusqu’à la page 10, une petite centaine de montres-bracelet dont beaucoup ont été identifiées comme appartenant au stock d’Osvaldo Patrizzi, qui affirmait récemment dans Business Montres (révélation du 10 septembre) vouloir « quitter le marché des enchères en Europe et aux Etats-Unis ». Quelques-unes de ces montres – notamment les plus précieuses, Patek Philippe, Rolex ou Cartier – figuraient effectivement sur les derniers catalogues des ventes de Patrizzi & Co...
• Retournement d’opinion ? Pas forcément. D’une part, certaines de ces montres avaient été vendues et pas payées par les enchérisseurs : il faut bien les remettre sur le marché, pour le compte des clients qui les vendaient. D’autre part, Osvaldo Patrizzi procède actuellement à la restructuration de Patrizzi & Co, mais il ne souhaite plus s’impliquer directement dans le business des enchères, créer un catalogue, le promouvoir et organiser une vente. Il cède donc à un « confrère » une partie de son inventaire, ne serait-ce que pour ne pas avantager un de ses ex-concurrents genevois, ni entamer une nouvelle année fiscale qui serait trop coûteuse pour lui en charges diverses. Donc, on trouvera à Zurich fin novembre des montres qui auraient fait très bonne figure dans les ventes du week-end dernier à Genève (Patek Philippe World Time réf. 5110 lot n° 2271, Patek Philippe chrono réf. 1463 lot n° 2272, Rolex « Jean-Claude Killy réf. 6036 lot n° 2276 notamment)...
• Donc, pas de reniement, mais, au contraire, l’amorce d’une nouvelle façon de travailler en Europe, dans l’esprit de ce qu’Osvaldo Patrizzi a entrepris en Chine, où il procédera bientôt à une seconde vente du côté de Beijing...
6)
••• QUI S’ATTAQUE AU MARCHÉ FRANÇAIS DES ENCHÈRES HORLOGÈRES ?
Business Montres évoquait hier (17 novembre, analyse n° 3) l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché des enchères horlogères comme un facteur de « déstabilisation inéluctable ». Exemple de nouveau venu en France, où la maison Artcurial semblait cependant bien partie pour un monopole sur les ventes de belles montres : l’étude Gros & Delettrez, qui se contentait jusqu’ici de modestes catalogues papier, attaque très fort avec un riche catalogue en ligne (vente du 27 novembre, expert : JeanChristohe Guyon), qui prend le risque de montres à 40 000 euros (un déstockage de montres Jaquet Droz : lots 106 à 110, p. 65-69) au milieu des montres classiques dans ce genre de ventes (bonnes marques entre 500 et 5 000 euros – Breitling, Jaeger-LeCoultre, Longines, Omega – avec beaucoup de montres « militaires »), mais avec un bel effort de présentation dans les notices [hélas, fréquemment fautives] et d’originalité dans la cadence du catalogue (bel ensemble de Lanvin pour les amateurs d’horlogerie fashion et beau tir groupé de prototypes « militaires » T.O.T. : lots n° 266 à 296, p. 163-178). Quelques raretés : la pendule ATO-ORTF (lot n° 370, p. 216), la Gubelin qui réinterprète la Grande Aviateur en style Swatch (lot n° 336, p. 199) ou la massive Breitling Chrono-Matic « Yachting » calibre 11 (lot n° 13, p. 8)...
7)
••• QUI VEUT CHRONOMÉTRER DES CHAMPIONS ?
La première édition de la « Haute Route » aura lieu cet été du 21 au 27 août, dans les Alpes, entre Genève et Nice : il s’agit de la course cycliste la plus difficile et aussi la plus haute du monde. Sept jours réservés aux amateurs, avec 15 cols mythiques dans l’univers du vélo (Madeleine, Galibier, Télégraphe, etc.), 700 km, 18 000 m de dénivellée et 5 arrivées au sommet dans des villes-étapes de référence, ave village départ et arrivée, couverture presse internationale et communication « lourde ». Du jamais vu dans l’univers du cyclisme, un sport qui reste le premier pratiqué en France, le troisième préféré des Européens et le cinquième le plus suivi des médias européens. Qui sait que le vélo – sport dans lequel aucun horloger de luxe ne s’est encore aventuré – est en train de dépasser le golf en termes de pénétration sur la cible CSP+ ?
• Problème ou opportunité : la « Haute Route » n’a pas encore de chronométreur de référence, alors que son côté unique (difficulté, altitude, circuit, fréquentation) annonce une visibilité médiatique exceptionnelle. Qui veut être partenaire titre de l’épreuve ? La barre est à 60 000 euros (renseignements : ThirdPole/Benjamin Chandelier, au + 33 672 201 837)...
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