Recherche avancée
A propos
Emplois

Achat - Vente

Relations d'affaires

Contact
 

Pour ce dixième Grand Prix d'Horlogerie, Qui bene amat, bene castigat
 
Le 19-11-2010
de Business Montres & Joaillerie

Sous les paillettes, derrière les plumes et au-delà des propos stupides ou lénifiants des un(e)s et des autres, que de questions sur un Grand Prix arrêté au milieu du gué pour son dixième anniversaire !

> Episode 1 : « L’horlogerie fait son grand théâtre à Genève »
(Business Montres du 19 novembre)...


5)
••• AU FAIT, ET LES PÈRES FONDATEURS
DU GRAND PRIX D'HORLOGERIE, ILS ÉTAIENT OÙ ?

Dixième anniversaire, mais pas une bougie sur le gâteau, pas un mot pour les deux fondateurs « historiques » de la manifestation : Gabriel Tortella et Jean-Claude Pittard, deux acteurs de l’horlogerie sans lesquels ce Grand Prix n’existerait pas et sans lesquels la montre n’aurait pas connu bien des sommets qu’ils ont aidé toutes les marques à escalader. Pas même une citation de leur nom : comme à la grande époque stalinienne, on a effacé leur visage de la photo et leur nom du grand livre, comme on avait « oublié » de les inviter à la soirée d’inauguration de l’exposition à l’UBS (Business Montres du 2 novembre, info n° 8)...

••• UNE ABSENCE DE DÉLICATESSE et de courtoisie pas si étonnant que ça de la part du groupe Edipresse (propriétaire du GPGH) et de ses vaines prétentions à comprendre quoi que ce soit au luxe. En tout cas, une absence remarquée, qui a choqué et suscité de nombreuses interrogations des cadres de l’horlogerie et des autorités genevoises présents au Grand Théâtre. Pas d’explication officielle, mais sans doute beaucoup de dépit et de tristesse de la part des intéressés face à une telle et si mesquine ingratitude. Ce dixième anniversaire était sans doute l’occasion rêvée pour leur rendre un hommage mérité : tous ceux qui les aiment – pour leurs qualités humaines et en dépit de leurs faiblessses – ont été blessés de voir cet événement éclaboussé par une absence aussi présente...


6)
••• EST-CE QU’ON A VRAIMENT BESOIN D’EN FAIRE AUTANT ?

Pour avoir vertement fustigé la prestation médiocre de Christian Lüscher l’année dernière (Business Montres du 15 novembre : « Une mise en scène lamentable »), on ne peut que se féliciter de la nouvelle approche déployée cette année, avec des girls (emplumées ou pas trop déshabillées) techniquement parfaites, dont on aurait bien repris quelques séquences, à la place d’un baryton totalement décalé dans l’ambiance ainsi créée : vin blanc ou vin rouge, OK, mais pas les deux dans le même verre. Entre nous, les plumes de ces dames valent bien les accords du Steinway & Sons de ces messieurs...

••• L’HOMMAGE À NOS DISPARUS (Nicolas Hayek et Gino Macaluso) aurait gagné à être maîtrisé. Pour notre « papy Hayek », le discours sur scène ressemblait trop à une allocution de funérarium pour ne pas être légèrement raté : pas de vraie émotion, alors que celle de la salle était palpable. Pour notre ami « Gino », la vidéo de Franco Cologni était si mal exploitée qu’elle en perdait toute pertinence, alors qu’elle était forte. Autre question : pourquoi avoir oublié dans cet hommage une aussi « grande dame » de l’horlogerie que Simone Bédat, ou encore Remo Bertolucci ? Au bon moment (c’est-à-dire en début de cérémonie, et pas après les premières plumes), un montage vidéo de tous ces disparus, avec une voix off, auraient suffi à provoquer le recueillement de la salle – pour laquelle une symbolique minute de silence n’aurait pas été déplacée...

••• AUCUNE PRÉCISION DANS LE TIMING, ce qui est un comble pour des horlogers : on n’inflige plus deux heures et quart de spectacle assis (sans grand confort) dans le noir sans proposer une entracte ou une pause. Le défaut de maîtrise des séquences en laissait certaines s’étirer, alors que d’autres auraient mérité un répit : le tout manquait de rythme, avec beaucoup de déséquilibre entre les différentes parties. Bon tempo en début de séance, les lauréats jouant bien le jeu : un Jean-Christophe Babin clair et net, un Laurent Ferrier touchant d’émotion, Max Busser impertinent avec élégance, l’excellent Shu Yoshino et Juan-Carlos Torres souverain. Sommet de sensibilité avec Stanislas de Querciez qui osait nous parler d’amour et de « baisers qu’on donne et qu’on reçoit ». On perdait un peu de substance avec le duo de Caroline et Karl-Friedrich Scheufele, puis François-Paul Journe interloquait l’assistance par une allocution pertinente, mais plutôt mal reçue. Le ballet de ces dames sur Fever tentait de raccrocher les wagons. Pour l’épisode AHCI, Aurel Bacs (percutant, mais la cause était désespérée !) et Svend Andersen (affectueusement embrouillé) peinaient à rétablir la cadence, avant que Philippe Wurtz, le président de l’AHCI, ne plombe définitivement la soirée, qui devait ensuite s’effilocher et mourir d’ennui, entre les gorges desséchées, les estomacs affamés et les prostates traumatisées...

••• PASSONS SOUS UN SILENCE GÊNÉ la désastreuse explosion finale des paillettes d’une Hollywood de sous-préfecture, emblématique d’un luxe à deux dirhams qu’on veut confondre avec l’essence même de l’élégance attachée à l’image d’une horlogerie qui se prétend « de prestige ». Le mot « luxe » n’est pas déposée, sinon Edipresse serait traîné en justice pour usurpation d'identité commerciale ! Confirmation de cette pathétique fin de soirée avec la toute aussi désastreuse photo de groupe des CEO entourées de créatures emplumées qui n’avaient rien à faire dans une fête des « meilleures-montres-de-l’année-et-de-tous-les-temps » : oui quand c’est un vrai final de grand événement, non quand c’est la clôture un peu miteuse d’une fête de patronage provincial !


7)
••• ET LES DEUX PINTADES QUI PÉRORAIENT SUR SCÈNE ?

Soyons justes et retirons ce qualificatif à la blonde, dont la prestation était impeccable, mais qui a été littéralement « tuée » par la brune, totalement hors sujet du début à la fin, tant par sa tenue SM façon Pigalle que par la nullité de sa gouailleuse vulgarité. Il faut faire une pétition pour demander à Pierre Jacques de nous épargner ces volatiles qui détruisent de la valeur dans son spectacle plutôt que de l’épicer. Le luxe est un métier, un vrai métier, qui a ses propres codes, dont les organisateurs du groupe Edipresse semblent délibérément ignorer les fondements. Exemple au micro du non-professionnalisme de cette animation : appeler Laurent Ferrier... Laurent Perrier pour, ensuite, inviter les participants à déguster une coupe de Laurent... Ferrier !

••• IL FAUDRAIT AUSSI RENONCER à la prétention de créer un événement international quand tout le monde y parle français [même notre cher Shu Yoshino, plus pétillant d’esprit français que bien des autres lauréats, en dépit de son décalage horaire] et quand les insertions en anglais ralentissent un rythme déjà pesant. Pour l’instant, le GPHG est genevois, la langue « officielle » de l’horlogerie est le français et les invités sont francophones à 99,9 %. On aurait pu réserver le charme réel de la dame blonde à la remise des prix ou à tout autre mission..

••• UNE FOIS DE PLUS, Laurent Picciotto s’est retrouvé enfermé dans un rôle marginal, avec 30 secondes pour expliquer des montres qu’il faut 30 mois pour mettre au point, voire 30 ans d’expérience pour concevoir. A quoi bon mobiliser tant de personnalités horlogères (Laurent Picciotto et tous les autres détaillants internationaux présents sur scène) pour un aussi médiocre résultats et une telle déperdition de talents. Comme dans d’autres compartiments de cette soirée, quel gâchis !

••• RECOMMANDATION : si le Grand Prix est une fête de famille, pourquoi ne pas la faire animer par des membres de la famille (y compris des musiciens s'il en faut absolument sur scène). L’horlogerie ne manque pas de personnalités qui parlent bien (parfois trop) et qui pensent clair en marchant droit : tout plutôt que des pintades écervelées qui font perdre du temps et de la substance à l’événement ! Décidément, que de choses à revoir pour donner satisfaction à tout le monde...


8)
••• COMMENT DÉCODER CE QUI S’EST PASSÉ SUR LA SCÈNE DU GRAND THÉÂTRE ?

Une brève analyse critique des discours, des comportements et de la mise en scène : c’est parce que ce Grand Prix était un des plus riches et sans doute un des plus importants de ces dernières années que ses non-qualités et ses non-satisfactions ont été plus vivement ressenties que les autres années par les participants...

• Primés et déprimés : à l’issue de la cérémonie, quelques responsables de marques ne cachaient pas leur mécontement. D’une part, beaucoup de CEO avaient boudé une cérémonie qu’ils n’auraient pour rien au monde manqué les années précédentes. Absents remarqués, parmi les marques en compétition : Jean-Christophe Bédos (Boucheron), Jean-Claude Biver (Hautlence), Thierry Fristsch (Chaumet), Georges Kern (Roger Dubuis), Rolf Schnyder (Ulysse Nardin), etc. Chez Audemars Piguet (zéro prix pour trois montres engagées), on se posait déjà la question de revenir l’année prochaine. Côté Zenith (zéro prix pour trois montres engagées), même réflexion : beaucoup de spectateurs se demandaient comment on avait bien pu préférer une vieille Seiko (2008) à la nouvelle El Primero Striking 10th (lecture du dixième de seconde)...

• Cris et chuchotements : le meilleur discours – le plus commenté comme le plus dénué de langue de bois – restera sans doute celui de François-Paul Journe, qui a réussi à exprimer à la fois son relatif dédain du prix reçu (« Ah oui, celui-là me manquait à ma collection »), sa satisfaction de faire les plus belles montres du monde, son indignation impossible à dissimuler face au prix reçu par Seiko (message reçu 5/5 par l’intéressé) et sa ferme intention de rester le seul deux ex-machina du Grand Prix, dont il préempte la future fondation avec un aplomb qui a estomaqué les organisateurs. Du grand art en quelques secondes, par un grand François-Paul égal à lui-même. La salle en était bouleversée, autant d’indignation que de stupéfaction. Evidemment, à côté de ce chef-d’œuvre ciselé au laser et conclu par un grand clin d’œil adressé au président du jury (!), les autres intervenants faisaient « petits joueurs »...

• Lyrisme et péroraisons : on donnera la palme de la poésie à Stanislas de Quercize (Van Cleef & Arpels), qui a su parler d’amour sans mièvrerie à des horlogers assez peu portés sur la sentimentalité. Citer René Char (« Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance », Le marteau sans maître, 1934) entre les belles emplumées et la bavarde pintade bottée de cuir, ce n’était pas évident, mais quelle pertinence, là aussi pointée au laser ! Le prix du mot juste et post-psychanalytique revient à Jean-Christophe Babin pour sa description des montres comme des « machines désirantes » : Lacan aurait adoré !

• Politique et politique : soyons clairs, les honorables représentants de la ville, du canton, du conseil et de la République de Genève [on en oublie ?] n’ont décidément rien à faire dans un GPHG dont ils pétrifient le déroulement. Verrait-on Nicolas Sarkozy s’imposer à la cérémonie des Césars ou Barack Obama aux Oscars d’Hollywood ? Incontestablement gonflant pour tout le monde, le mélange des genres n’est ni heureux, ni productif...

• Réglement et règles du jeu : une des revendications les plus pressantes des membres du jury portait sur la révision drastique du règlement intérieur et du « système électoral » du GPHG. Quelques montres, dont certaines ont reçu un prix, n’auraient pas dû être sélectionnés puisqu’elle ne répondaient pas aux critères de base (notamment le fait d’être en production ou le fait d’être une nouveauté de l’année). Les catégories sont devenues absurdes. Design ou concept ? Femme , joaillerie ou haute joaillerie ? Y a-t-il du sens à faire concourir ensemble une montre éditée à 5 exemplaires (Laurent Ferrier) et une Grand Seiko diffusée à 5 000 ou 50 000 exemplaires ? Plus que d’un « commissaire », le Grand prix a besoin d’un comité des sages pour redéfinir un règlement intérieur qui tienne la route et pour le faire respecter. De même, il faut absolument élargir de jury de sélection à l’ensemble de la communauté professionnelle (du moins, à ses éléments représentatifs) et varier le recrutement du jury de décision finale. Etc. Etc...


9)
••• COMMENT IMPOSER UN NOUVEAU CONCEPT DE GRAND PRIX POUR LES ANNÉES DIX ?

Vaste problème, qui ne se résoudra pas sans douleur, ni révision déchirante d’une formule usée : la maladie inoculée au Grand Prix par son rachat commercial (qui a sonné la fin d’un artisanat sympathique et profitable au profit d’une exploitation devenue déficitaire !) n’est pas forcément guérissable par la création d’une fondation. Le mal est plus profond et sans doute lié à la nature même d’un prix genevois au cœur du particularisme suisse, ainsi qu’aux archaïsmes d’une profession horlogère enferrée dans ses querelles de clocher. Une réflexion urgente s’impose, sur le fond comme sur la forme – ce qui aura un impact décisif sur le mode de financement – ainsi que sur l’exploitation des résultats de ce Grand Prix par les marques.

••• UNE ÉTAPE A ÉTÉ FRANCHIE pour ce dixième Grand Prix, qui a révélé à la fois ce qu’une telle manifestation pourrait être et ce qu’elle ne devait plus être. Le GPHG doit sortir du stade infantile de bricolage provincial à celui de référence majeure pour l’ensemble d’une profession, avec des prix capables de représenter toute l’horlogerie et d’intéresser toutes les marques, soit à travers leurs montres, soit à travers les hommes qui les font.

••• UNE DERNIER MOT pour remercier l’équipe de direction de ce grand Prix, Pierre Jacques et Carine Maillard, qui font ce qu’ils peuvent entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire entre le groupe propriétaire de l’événement et les marques bénéficiaires de ce même événement. Quand on sait à quel point ils se démènent, avec une urbanité jamais démentie et toujours avec le sourire, on aurait envie de ne leur faire que des compliments. Tous les deux savent, cependant, qu’on ne les critique qu’au nom d’une conception élevée du Grand Prix dont l’industrie horlogère a besoin, à une heure où les amateurs du monde entier attendent la mise en place d’une référence indispensable et indiscutable. Ils connaissent la traduction du Qui bene amat, bene castigat et ils ont besoin de « retours d'expérience » objectifs pour s’améliorer d’année en année. Ils ont également conscience que ce qui s'exprime dans ces colonnes ne fait que réfléter et exprimer publiquement des opinions dont ils ont eu connaissance en privé dès hier soir. Et souvent avec des mots plus durs...

 



Copyright © 2006 - 2024 SOJH® All Rights Reserved

Indexé sous  WebC-I® - Réalisation Events World Time