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Le Grand Prix de Genève a-t-il pour vocation de ridiculiser l’horlogerie genevoise ?
Après le scandale de la montre érotique China Made, on découvre que même l’Aiguille d’Or, considérée comme la récompense suprême, est « Made in China ».
A ce niveau de stupidité, une urgence : retirer au pôle Luxe d’Edipresse l’organisation de ce Grand Prix..
1)
••• IL N’Y A PAS QUE LES MONTRES ÉROTIQUES
DU GRAND PRIX QUI VIENNENT DE CHINE...
Après avoir tenté de faire payer le lampiste en attribuant à Jean-Claude Pittard, un des co-fondateurs du Grand Prix, la responsabilité du cadeau « China Made » offert aux membres du jury (Business Montres du 22 novembre et du 24 novembre, info n° 2), le pôle Luxe d’Edipresse – opérateur du Grand Prix, racheté aux co-fondateurs voici quatre ans – s’enfonce dans le ridicule...
••• CHACUN AURA COMPRIS que le malheureux Jean-Claude Pittard n’est pour rien dans cette affaire : simple consultant d’Edipresse pour ce dixième Grand Prix, il n’est que le vendeur de cette « montre érotique » dont le goût est probablement discutable, mais là n’est pas la question. Cette montre lui a été achetée par le Grand Prix, en tant que cadeau officiel pour les jurés, et c’est là que réside la faute : on n’offre pas une montre « Made in China » aux jurés internationaux d’un Grand Prix de Genève. C'est simple, clair et induscutable. Que la direction d’Edipresse Luxe considère ce cadeau comme un « clin d’œil sympathique » en dit long sur le dévoiement moral et sur la perte de sens déontologique d'un actionnaire qui s’affirme défenseur des valeurs de l’horlogerie suisse.
••• ACCUSER AUJOURD’HUI Business Montres de « pinailler » au sujet de cette montre chinoise, c’est prouver sa méconnaissance totale des enjeux médiatiques en termes d’image, de cohérence du message et de substance. C'est là, précisément, que la réputation internationale de la place de Genève est engagée. Là où tout se joue sur des détails infimes et subliminaux...
••• IL Y A PIRE ! Au-delà de cette incompréhension ahurissante des codes du luxe en général, et du luxe horloger en particulier, il faut vraiment se pincer pour y croire quand on obtient la réponse à la question : « Au fait, d’où vient le trophée de l’Aiguille d’or ? »...
2)
••• MÊME L’AIGUILLE D’OR A ÉTÉ DISCRÈTEMENT RÉALISÉE EN CHINE !
Le trophée de l’Aiguille d’Or est une sculpture commandée à Roger Pfund, artiste, graphiste et designer genevois [c’est lui qui dessiné les billets de banque suisses]. Pour cette Aiguille d’or, il a choisi de représenter la main de Dieu sur la célèbre fresque de Michel-Ange au plafond de la Chapelle Sixtine (Rome). Pourquoi pas ? Comme pour la « montre chinoise », des goûts et des couleurs, on ne discute pas, même si cette oeuvre fait rêver quelques amateurs de fistfucking (image ci-dessus)...
••• UNE ŒUVRE « GENEVOISE » ? Sans doute pour l’idée, mais pas vraiment pour l'éxécution, ni pour le matériau, puisque cette sculpture, propriété d’Edipresse, qui n’en remet que des moulages en réduction aux lauréats du Grand Prix d’Horlogerie, a été réalisée en Chine : c’est bien en Chine que cette « pièce unique » a connu sa version définitive, avec de l'or lui aussi Made in China, selon un procédé d'électroformage bien connu en Suisse, où il est largement utilisé par des marques de montres (Tissot, Frédérique Constant entre autres) qui veulent offrir des montres en or à des prix accessibles ! On utilise ainsi un peu moins d'or, et c'est là qu'est la première entourloupe de cette Aiguille d'Or : du kilogramme d'or symboliquement annoncé pour ce trophée « creux », on doit en être à peu près à 785 g. Un petit détail au prix de l'or, mais ne... pinaillons pas, comme on dit chez Edipresse, même si c'est de l'or chinois travaillé dans une usine spécialisée chinoise...
••• ON RÉCOMPENSE DONC les gagnants actuels du Grand Prix de Genève avec une Aiguille d’Or intégralement et techniquement chinoise ! Va-t-on encore parler de pinaillage et de « clin d’œil sympathique » à propos de cette information ? Pour ceux qui en douteraient, quelques détails supplémentaires.
• Cette opération en Chine a été financée par l'UBS, soutien traditionnel et mécène du Grand Prix d'Horlogerie. On peut admettre que la banque a mécéné l'opération sans en connaître les dessous industriels...
• Dans l'état actuel de l'enquête, alors que des partenaires suisses auraient été préférables, souhaitables et à n'en pas douter indispensables, l'Aiguille d'Or aurait été sous-traitée à une entreprise chinoise spécialisée, Hang Fung Gold Technology Group, société qui était cotée à Hong Kong (870:HK), mais qui a disparu depuis pour être transformée en 3D-GOLD Jewellery Holdings (Hunghom, Hong Kong), sans qu'on puisse clairement tracer l'opération [d'où le conditionnel prudent pour l'instant]...
• Une sous-traitance effectuée dans des conditions pas forcément très claires, elles non plus : chez Edipresse Luxe, tout le monde semble avoir perdu la mémoire de cet épisode, aujourd'hui pas vraiment glorieux. On ne peut admettre que le Grand Prix ait ignoré les tenants et les aboutissants de cette invraisemblable Aiguille d'Or Made in China...
• Il se pourrait [conditionnel de rigueur, les acteurs de l'époque n'étant plus dans l'entreprise] que l'autre mécène de l'opération, le groupe suisse Metalor (qui offrait officiellement le kilogramme d'or symbolique et qui disposait d'une filiale à Hong Kong), ait sous-traité la réalisation à un sous-traitant, qui l'aurait lui-même sous-traité, etc. Pas très sérieux, tout ça : ce n'est qu'une nouvelle preuve de l'incroyable légèreté qui a régi toute cette affaire, avant comme après la reprise en main du GPHG par Edipresse.
••• EN TOUT CAS, ON PEUT DIRE que le pôle Luxe d’Edipresse a gagné le pompon et décroché la queue du Mickey dans le grand manège de la bêtise médiatique. On imagine que les autorités politiques qui ont cautionné cette mascarade d'une Aiguille d'Or chinoise au GPGH n’en seront que plus éclaboussées et franchement ridiculisées – d'autant que ces responsables politiques savent parfaitement que ce GPHG écarte de toute façon 85 % des emplois horlogers de Genève. On doute qu'ils apprécient... On imagine également que les récents lauréats du Grand Prix vont regarder d'un autre oeil le mini-trophée reçu au Grand Théâtre : le sentiment de trahison est patent face à cette dérive insupportable...
••• ON IMAGINE SURTOUT les gorges chaudes que nos amis chinois ne manqueront pas de faire à propos d'une récompense suprême de l’horlogerie suisse... que les Suisses sont obligés de faire réaliser dans des ateliers chinois ! Si on voulait démontrer leur supériorité technologique ou même la légimité morale de leur prétention au leadership horloger mondial, ce serait parfait ! On ne pouvait pas envoyer pire message au plus mauvais moment : ce n'est sans doute pas cette Aiguille d'Or chinoise qui va convaincre Nick Hayek (Swatch Group), ou Rolex, ou Cartier, ou Patek Philippe, ou IWC, ou Jaeger-LeCoultre, ou Franck Muller, ou Breitling – et tant d'autres – de revenir participer au Grand Prix...
3)
••• DE CHINOISERIE EN CHINOISERIE, C'EST TOUTE L'HORLOGERIE GENEVOISE QUI EST HUMILIÉE ET MOQUÉE...
On ne peut pas le répéter plus que Business Montres ne le fait : il faut absolument à la Suisse et à l'industrie des montres un Grand Prix horloger de référence ! Il le faut rapidement. Le moment est sans doute venu de cesser de faire n’importe quoi dans ce domaine. Il est temps de prendre les mesures qui s’imposent pour éviter le naufrage définitif d'un Grand Prix d’Horlogerie auquel le groupe Edipresse n’aura fait subir qu'avanies et dégradations sans jamais prouver sa valeur ajoutée.
• La démission du responsable de cette funambulesque série de « chinoiseries » s’impose. Pas celle des exécutants, mais celle du manager qui a l'autorité concernant ce Grand Prix : cette démission est du ressort d’Edipresse, qui se décrédibilise non seulement comme opérateur du GPHG, mais aussi comme éditeur de médias horlogers. La destruction de valeur est manifeste : après usage, on découvre que la consolidation d’un pôle Luxe regroupant les participations horlogères d'Edipresse n’a jamais généré que des déficits, en termes d’image comme de compte d’exploitation (la déconfiture prévisible et annoncée de Revolution n'en est qu'un exemple : Business Montres du 24 novembre)...
• Il faut tout mettre en oeuvre pour que le groupe Edipresse se retire définitivement des instances de la Fondation dont on parle depuis maintenant deux ans pour organiser le Grand Prix d’Horlogerie, sur la base indépendante et incontestable qu’attendent de nombreuses marques pour reprendre leur participation. Deux ans pour créer une fondation, c’est peut-être un peu long, non ? On se demande qui traîne les pieds et qui fait de la résistance...
••• AUJOURD’HUI, contrairement à ce qu’on pouvait penser, la solution n’est plus dans l’engagement d’Edipresse derrière ce Grand Prix. C’est Edipresse qui est devenu le problème majeur de cet événement, dont il faut refaire une référence internationale de prestige. Sans la moindre « chinoiserie » clandestine et avec un très ferme engagement 100 % Swiss Made dans tous les compartiments du jeu...
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