• Partager

Chez RJ (Romain Jerome), on ne badine pas avec l’amour du style, pas plus qu'avec la rigueur du concept.

Le mix forme-fond est ici une force de conviction rapide : comme toujours avec RJ, on aimera ou on détestera, mais on en causera dans les cafés du commerce horlogers...

1)
••• RJ-ROMAIN JEROME STEAMPUNK
(COLLECTION TITANIC-DNA LEGENDS)

Le courant esthétique Steampunk est né d’un courant littéraire européen emporté par Jules Verne et relayé ensuite par de nombreux auteurs de science-fiction, puis des artistes contemporains. C’est aujourd’hui un univers culturel à part entière, qui possède ses codes et mêmes ses rythmes musicaux. Même si Jules Verne n’a pas connu le Titanic, il aurait aimé ce géant des mers et, au-delà de son destin tragique, il en aurait sans doute fait le héros d’un de ses Voyages Extraordinaires. Les illustrateurs de ces Voyages ont d’ailleurs multiplié, dans leurs extraordinaires dessins pour les éditions Hetzel, les détails esthétiques steampunk qu’on retrouvera à bord du Titanic lors de sa fatale croisière inaugurale, mariés au style « nouilles » capitonné du luxe de l’époque...

••• IMAGINONS MAINTENANT que le capitaine Nemo ait pu atteindre, avec son Nautilus, l’épave du Titanic. Il nous en aurait rapporté quelques idées esthétiques qui n’auraient pas été très différentes de cette nouvelle version Steampunk de la Titanic proposée par RJ-Romain Jerome. Explications :
• La couronne grignotée par la rouille (acier oxydé – stabilisé – qui contient des parcelles de la coque du Titanic) : on se croirait par 3 840 mètres de fond, avec le sculpture sur métal de l’Halomonas Titanicae (explication : Business Montres du 9 décembre, info n° 7)...
• Les chiffres romains rabotés à la lime : : ces chiffres sont un des marqueurs de la collection Titanic et leur état de surface (très travaillé pour arriver à cet aspect « brut ») décale un peu plus les codes traditionnels de l’horlogerie...
• Les quatre « pistons » vissés sur la platine : des pistons réellement fonctionnels quoique purement esthétiques, qui assurent la fermeté architectonique du cadran et qui évoquent irrésistiblement une salle des machines.
• La complexité du cadran à quatre ou cinq « étages » : on sort des produits de masse faciles à monter pour entrer dans une complexité pré-industrielle ultra-steampunk. L’idée n’est pas de faire simple ou sobre, mais d’exprimer une technicité esthétique.
• Les codes habituels de la collection Titanic : les griffes sur la couronne, les aiguilles en ancre, la petite seconde à 9 h en hélice, le cadran squeletté au-dessus du mouvement automatique, le boîtier en 50 mm d’insolence au poignet (édition limitée à 2012 pièces)...
• Il existera plusieurs déclinaisons de cette Steampunk : une version « claire » (image ci-dessus), qui pourrait paraître plus fade – disons plus conventionnelle – à côté de la version aux attributs en or rose (griffes, aiguilles, porte-pistons), plus expressive et plus steampunk dans son style de machine bicolore qui rappellera les cuivres et les aciers d’une locomotive...



2)
••• CE QU’ON PEUT (ON DOIT ?) EN PENSER...
Cette montre peut-elle trouver sa place, et comment, sur les marchés tels qu’ils sont orientés en 2011, un peu partout à travers le monde, avec les consommateurs mutants et volages que l'on sait ?

COUP DE CHAPEAU
Le style RJ ne se compare à aucun autre : c’est un premier atout en termes d’exclusivité extra-consensuelle. Chaque détail a été pensé pour aller aussi loin que possible dans l’esprit du concept : c’est un second atout en termes de rupture esthétique et d’identité aisément reconnaissable. Le travail sur les chiffres romains est exemplaire. Ajoutons-y un positionnement prix (12 500 francs suisses) agressif à ce niveau de proposition – ce n’est pas une proposition mainstream pour Monsieur Tout le monde, mais un plaisir raffiné d'amateur légèrement décadent et du coup très exigeant sur ce dont il a envie de ceindre son poignet. On compte à travers le monde plusieurs milliers de ces amateurs un peu lassés par le rond-trois aiguilles de leur papa...

COUP DE SIFFLET
Le style RJ est tellement segmentant qu’il est forcément excluant. Ceci posé, on aurait pu aller plus loin dans l’expression avancée de l’esthétique steampunk : les vis pourraient être encore plus pré-industrielles et les surfaces de la platine auraient pu jouer la rugosité, de même que l’« hélice » des secondes, un peu trop polie et jolie au milieu de ces pistons et de ces entretoises brutes de coffrage. Ça manque un peu de boulons, non ? Dernière note du coup de sifflet : 50 mm, ce n’est pas rien au poignet ! Là encore, il faut assumer...