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Parution ces jours-ci de Montres et automobiles de prestige, avec une belle déception à la clé : on attend encore le livre qui permettra de mieux comprendre les relations irrésistibles,mais toujours compliquées entre les montres et les voitures...
••• DES DOSSIERS DE PRESSE COMPILÉS
SANS RECUL HISTORIQUE, NI ENTHOUSIASME ÉDITORIAL...
D’abord, on salive : réunir dans un même livre la passion des belles montres et celle des belles automobiles, c’est toujours alléchant quand on aime les deux ! D’autant que la présentation du livre de Rémy Solnon s’annonce soignée : album cartonné au format A4, 224 pages largement illustrée et texte bilingue qui témoigne d’un souci de partager cette double passion sur un échelle internationale.
••• ENSUITE, C’EST MOINS DRÔLE, avec une curieuse césure entre une première partie consacrée aux montres et aux automobiles sportives et de prestige, séparée de la seconde partie qui traite de la compétition automobile. D’autant plus bizarre qu’on trouve en partie 1 des voitures engagées dans différentes courses et en partie des voitures dont seul le nom évoque les circuits automobiles...
••• C’EST LÀ QU’ON COMMENCE À REPÉRER les défauts structurels d’un ouvrage réalisé par un amateur sans doute éclairé, mais qui dépendait trop de sa documentation horlogère pour nous offrir une vraie fête des neurones et des yeux, bien équilibrée entre montres et voitures. Au lieu de quoi, on assiste à l’énumération de fiches techniques sur des montres reliées à l’automobile, sans que jamais on tente d’approfondir le mystère de la relation entre les objets du temps et les objets de la route. Déséquilibre qui se prolonge dans les choix éditoriaux qui consistent à mêler sans précautions grandes et petites marques (voitures ou montres), grandes séries et pièces uniques, coups ponctuels et partenariats historiques. D’où l’impression désagréable qu’on nous promène... en bateau, ce qui est un comble pour tout livre consacré aux quatre roues !
••• APRÈS, ON REMARQUE VITE les grands absents et quelques manques choquants, qui décrédibilisent un travail de compilation par ailleurs honnête à défaut d’être enthousiasmant dans son style.
• Faire un livre sur les liens montres/voitures sans même évoquer la Rolex Daytona, c’est fantastique ! Surtout quand on consacre 14 pages aux multiples et éphémères partenariats de Sinn...
• Ignorer les montres Ferrari réalisées par Panerai, Longines, TAG HeuerCartier et les onze autres marques qui ont apposé le cheval cabré sur leurs cadrans, mais insister sur les exploits automobiles de Wyler (marque qui a disparu du marché en 2009, ce qui invalide le parti-pris contemporain pour ne citer que des marques actuelles), c’est tout aussi extravagant !
• Et ainsi de suite : rien sur Alfa Romeo, Maserati ou Fiat 500 (Giuliano Mazzuoli, Audemars Piguet, TCM), mais 14 pages pour détailler la moindre Breitling pour Bentley et 8 pages pour Quinting, c'est pour le moins une erreur de perspective...
•C’est tout de même difficile de réussir l’exploit de parler de voitures et de montres sans évoquer Michael Schumacher et ses montres pour Omega : l’auteur gagne pourtant ce pari, de même qu’il n’a pas l’air de savoir que des marques comme Casio, TW Steel ou Certina sont hyperactives dans la Formule 1 [au point même de devenir championnes du monde]. En revanche, 4 pages pour Philippe Charriol, c’est audacieux...
• On ne va pas insister sur d’autres absents, comme Cabestan (nouveau titulaire du contrat Ferrari : c’est dans Business Montres depuis le 5 mai), Chevrolet et son parrainage des exploits de Michel Vaillant (Business Montres du 23 novembre 2009), Spyker qui n’est plus depuis longtemps avec Chronoswiss (Business Montres du 9 avril), Tudor et Porsche, Fernando Alonso et Chronotec ou Viceroy, Porsche Design (là, on croit rêver !), Rebellion qui court au Mans depuis deux ans, François-Paul Journe et Jean Todt (Ferrari), Sébastien Loeb et Marvin, Saint-Honoré et Paul Belmondo, et tant d’autres, qu’on ne peut tous citer, comme la Rolls-Royce Hyperion personnalisée par et pour Girard-Perregaux...
••• AUTANT CESSER LÀ LE JEU DE MASSACRE et constater que, malheureusement, le grand livre qui racontera l’histoire d’amour entre les montres et les voitures reste à écrire, des premiers compteurs de bord Dunhill ou Heuer à la Porsche de Max Busser ou à la prochaine Scuderia Ferrari Two préparée par Jean-François Ruchonnet pour Cabestan, en passant par tous les oubliés de cet album. Une histoire d’amour qui reste incompréhensible si on se contente d’empiler des fiches compilées à partir de dossiers de presse souvent surréalistes ! Et si on ne prend pas le recul historique nécessaire pour comprendre comment cette fatale attraction mutuelle a pu naître, croître et exploser à la fin du XXe siècle, pour le meilleur comme pour le pire...
••• Montres et automobiles de prestige, de Rémy Solnon, éditions Les Presses littéraires, 224 p., 48 euros
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