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Un média comme Business Montres est-il le Wikileaks de l’horlogerie ?
 
Le 03-01-2011
de Business Montres & Joaillerie

L’affaire Wikileaks a secoué la planète en fin d’année.

Question de nombreux lecteurs, un peu perplexes : qu’en pense Business Montres ?

Réponse pas facile, nuancée, mais finalement très claire d’un partisan du (vrai) journalisme d’investigation...



••• WIKILEAKS, L’ANONYMAT, LA PROTECTION DES SOURCES,
LA DÉONTOLOGIE ET LA LIBERTÉ D’EXPRESSION...

L’« affaire Wikileaks », celle de la révélation de 250 000 télégrammes confidentiels de la diplomatie américaine, alimentent les médias en « documents sensibles » depuis le début du mois de décembre. Wikileaks est un site Internet spécialisé dans les fuites(leaks) d’informations officielles offertes aux lecteurs et aux médias pour qu’ils les reprennent et les utilisent au nom de la liberté d’expression. Précision de Wikipedia : « Depuis juillet 2010, les révélations de WikiLeaks sont relayées par de grands quotidiens nationaux, comme le New York Times, The Guardian, Le Monde, El Pais et Der Spiegel. Le filtrage par ces media permet de conférer aux révélations un style journalistique plus facile à appréhender et d'occulter d'éventuelles mentions dangereuses pour des particuliers »...

••• LA QUESTION REVIENT TROP SOUVENT chez les lecteurs de Business Montres pour ne pas correspondre à quelque chose de plus profond quand elle s’adresse à une rédaction qui pratique, elle aussi, la divulgation d’informations non-officielles et non-autorisées, et en tout cas non-consensuelles : « Que faut-il penser de Wikileaks ? ». Bonne question, mais réponse complexe, qu’il convient d’argumenter, ne serait-ce que parce que l’analogie avec Business Montres n’est pas aussi juste que cela. En dix points-clés, voici une esquisse de prise de position :

1)
••• Quel professionnel ne serait pas un peu jaloux de Wikileaks ? Tout journaliste un tant soit peu journaliste a rêvé, rêve et rêvera de « sortir » une affaire au nez et à la barbe de ses confrères. Depuis bientôt 40 ans, le mythe du Watergate fait de tout informateur un « Gorge Profonde » (Deep Throat) et de tout stagiaire un futur tombeur de président des Etats-Unis.
• Donc, coup de chapeau spontané à un Julian Assange, même si les motivations du personnage et son comportement (professionnel, personnel et médiatique) sont loin d’être limpides : ce qu’il a fait marquera néanmoins les consciences pendant quelque décennies...


2)
••• La logique de Business Montres est-elle celle de Wikileaks ? Evidemment non, la seule analogie jouant sur deux mots : la révélation et le libre accès à l’information. Similitude trompeuse ! D’une part, l’accès à Business Montres n’est que provisoirement libre, le régime normal étant le paiement par abonnement, comme cela se faisait dans l’ancienne newsletter papier et comme cela se fera en 2011 pour l’abonnement en ligne.
• D’autre part, Business Montres ne révèle jamais des documents volés, ni achetés à des informateurs malveillants : pour une plate-forme de communication au service de toute une communauté professionnelle, ces procédés d’espionnage seraient d’autant plus déplacés qu’on trouve – à condition de savoir chercher un peu – à peu près tout ce qu’on veut sur le marché ou dans sa boîte à lettres. Attention aussi à la taille respective de Business Montres et de Wikileaks : on ne boxe pas du tout dans la même catégorie !


3)
••• Pourrait-on trouver dans Business Montres des documents confidentiels ? S’ils ne sont pas volés intentionnellement, ni monnayés par une source, pourquoi pas ? Si un dossier non lacéré dépasse d’un sac poubelle crevé devant le siège social du groupe Richemont, la moindre des réflexes professionnels est d’y jeter un œil ! Si un motoriste refuse de révéler quels sont ses clients et qu’on découvre dans le bureau de sa secrétaire un alignement de chemises d’archives qui portent les noms de ces clients, on ne va pas se gêner [exemple réel] !
• C’est l’éternel débat entre les sources ouvertes (accessibles à tous avec un peu d’astuce et de métier) et les sources fermées (cadenassées dans le coffre-fort), sachant qu’il y a beaucoup de friandises à déguster dans la zone grise intermédiaire (ce qui a été entrouvert par erreur, mis en piste par calcul ou dévoilé par malveillance). On verra ci-dessous [question n° 07] quel traitement Business Montres réserve généralement à ces « documents confidentiels », dont les lecteurs sont aussi friands que leurs médias préférés...


4)
••• La vocation de Business Montres est-elle de publier de tels documents ? Oui et non... Oui, dans la mesure où rien de ce qui fait tic-tac ne nous est étranger : tout document sur l’horlogerie – confidentiel, ultra-sensible ou simplement indiscret – nous intéresse donc, avec les réserves ci-dessus et ci-dessous concernant la source. Non, dans la mesure où la vocation (mot religieux pas forcément adéquat) fondamentale de Business Montres n’est pas la mise en circulation d’informations cachées, mais la mise en place d’une plate-forme de communication affinitaire entre les professionnels de l’horlogerie et les amateurs passionnés de montres.
• Trop d’épices tue le goût d'un plat : trop de documents confidentiels lasseraient les lecteurs. Une précision, cependant, et en toute franchise : on en aimerait bien un peu plus, de ces « papiers volés » par des subalternes, et Business Montres se tient à la disposition de tous ceux qui se sentiraient une vocation de « Gorge profonde »...


5)
••• Le point suivant est moral : peut-on utiliser des documents volés ? Toute fuite « non officielle et non autorisée » est, en soi, un vol ou du moins un détournement non souhaité par l’émetteur. On ne fait plus de journalisme dès qu’on se contente des communiqués officiels, dotés de l’imprimatur de la puissance émettrice : Business Montres se moque suffisamment des robinets d’eaux tièdes spécialisés dans la diffusion de cette littérature « officielle et autorisée » pour qu’on ne revienne pas sur ce point.
• De là à payer ou intéresser des informateurs pour qu’ils dérobent des documents, il y a un pas que Business Montres s’interdit par principe, surtout à une époque où il y a suffisamment de gens qui ne veulent pas que du bien aux organisations qui les emploient : un média n’est pas une agence de renseignements, ni un service d’espionnage...


6)
••• Maintenant, doit-on utiliser des documents volés ou détournés ? Et pourquoi pas, à partir du moment où ces documents vous parviennent sans manœuvre délictueuse de votre part. Encore que la nature du délit soit élastique : entre le vol prémédité et la plus naturelle des curiosités professionnelles, où passe la frontière ? Faut-il fermer les yeux si on aperçoit un document sensible sur le bureau de Nick Hayek, même si on s’interdit de le « voler » ?
• A chacun ses lignes jaunes déontologiques : pour Business Montres, une information hypersensible est à manier avec précaution, surtout si elle peut léser des intérêts économiques, mettre en cause des hommes ou des femmes (cas classique de l’annonce d’une fermeture d’usines) et si ces dégâts sociaux-économiques sont sans rapport avec la valeur marchande de l’information telle qu’elle est publiée...


7)
••• Quelle est la « précaution » élémentaire avant la publication d’une révélation ? La prudence dont il est question ici relève de l’évaluation, puis du partage avec l’autorité concernée de la connaissance de ce « secret », et enfin d’une mise en scène éditoriale qui respecte à la fois et le travail du journaliste, et les intérêts légitimes de l’organisation en question. Exemple : si on découvre par hasard sur le bureau de Nick Hayek le dossier du rachat de Rolex par le Swatch Group, on ne pique pas le dossier comme un voleur, on ne le photographie pas comme un espion, mais on en discute posément pour savoir quand et comment sortir l’information au mieux des intérêts du groupe, du média et des lecteurs. Une règle déontologique personnelle et subjective, qui vaut ce qu'elle vaut et qui s'éprouve sur le terrain.
• Les (relativement rares) erreurs passées de Business Montres dans ce domaine ont toujours résulté d’un manque de réflexion préalable, d’une mauvaise évaluation des tenants et des aboutissants de l’info et d’une absence de concertation avec les sources. Donc, quand on sait quelque chose qu’on ne devrait pas savoir, on en discute et on négocie la « sortie ». Ce que n’ont pas fait Wikileaks, qui travaille dans une autre logique, ni les médias qui ont repris en les analysant et en les rendant compréhensibles les documents secrets de la diplomatie américaine...


8)
••• Un site comme Wikileaks doit-il exister ? Bien entendu, et il en faudrait même plusieurs, de même que Business Montres aurait bien besoin de concurrents pour réveiller la communication horlogère et donner des coups de pied ou des coups de gueule (« non officiels et non autorisés ») quand les puissants de notre planète Montres le méritent. Heureusement qu’il existe des sites comme Wikileaks pour raconter les coulisses diplomatiques de notre société : aussi obscène soit-elle, l’exigence contemporaine pour la transparence est un désir profond, insurmontable et incontournable dans une société du spectacle. On pourra le regretter, mais c’est désormais une pulsion irrépressible (qu'on l'estime ou non déplorable est un autre débat).
• Le vrai regret est qu’il ait fallu attendre Wikileaks pour que les plus éminents titres de la presse écrite retrouve le réflexe d’une information en liberté et renouent avec des contenus éditoriaux à forte valeur ajoutée : on n’a jamais lu autant de journaux qu’en ce mois de décembre, depuis les fuites de Wikileaks. C’est ça, la nouvelle « révolution des contenus », dont Business Montres parle si souvent pour déplorer que la presse horlogère l’ait oublié au point de devoir bientôt en mourir...


9)
••• Alors, Business Montres est-il le Wikileaks de l’horlogerie ? Comparaison qui n’est pas honteuse, mais qui ne tient pas la route. Pour certains, Business Montres est une sorte de Canard Enchaîné : parallèle flatteur (compte tenu du respect qu’on doit à ce grand ancêtre) et soutenable par l’absence de publicité dans les deux titres, mais sans autre rapport réel que le goût de la liberté d’expression à 360°.
• Pour d’autres, Business Montres relève de la littérature de caniveau à l’anglo-saxonne : rapprochement sans doute pas très bien intentionné, mais on trouve assez peu d’analyses, d’interviews de cadrage et de mises en perspective dans le Daily Mirror – média parfaitement honorable et respectable par ailleurs.
• Wikileaks ? Pas vraiment, ni par les motivations, ni par la déontologie, ni par le souci de faire vivre au quotidien un journalisme d’investigation et d’écriture centré sur la vie au jour le jour d’une communauté d’horlogers et de passionnés.


10)
••• Alors, c’est quoi Business Montres ? Disons que ce n’est pas évident à définir ? S’il y a quelques gènes communs avec Wikileaks, avec Le Canard enchaîné ou avec les tabloïds « poubelle » britanniques (Blick côté Suisse alémanique), Business Montres aurait aussi quelques proximités génétiques avec L’Assiette au beurre » (image ci-dessus), La Lanterne d’Henri Rochefort, le Hari-Kiri du « Bal tragique à Colombey », le Simplicissimus allemand ou avec Les Caractères de la Bruyère.
• Conclusion : Business Montres est... Business Montres, c’est-à-dire un média personnel original et singulier, une exception très helvéto-gauloise, qui survit par miracle (comme un Purgarorius porteur d’avenir entre les pattes des dinosaures géants condamnés par l’évolution). Un média qui ne ressemble à aucun autre à travers le monde dans la sphère horlogère et dont on peine à trouver des équivalents dans d’autres univers professionnels...

 



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