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Les touristes chinois découvrent la Suisse et sont friands de ses produits de prestige, surtout des montres.
«Si vous voyez des touristes japonais, il y a de fortes chances pour que ce soit des Chinois.» La boutade en dit long. Elle est de Jürg Schmid, directeur de Suisse Tourisme, il y a quelques jours dans le Tages-Anzeige r. Partout en Suisse, les touristes chinois sont de plus en plus nombreux. A Zurich, pour bon nombre d’enseignes de prestige, ils ont supplanté les Russes et les Arabes. La tendance se propage aussi sur Genève et Lausanne. Leur goût du luxe réjouit les commerçants helvétiques, qui comptent de plus en plus de collaborateurs parlant chinois. Car en Suisse, les Chinois dépensent beaucoup. En moyenne, 430 francs par jour et par personne (logement compris), selon les chiffres de Suisse Tourisme. Seuls les touristes des pays du Golfe font mieux, avec 500 francs. Pour comparaison, les dépenses moyennes des touristes européens varient de 120 à 240 francs.
Les montres d’abord
Cible préférée des touristes chinois, les montres de luxe, synonymes de tradition, d’artisanat et de prestige. Chez l’horloger Beyer, sur la Bahnhofstrasse, à Zurich, les Chinois représentent déjà 15% du chiffre d’affaires. Dans la boutique Omega de l’artère zurichoise, on parle de 25 à 30%. «Les premiers sont arrivés en 2006, toujours en petits groupes, ils sont particulièrement nombreux à la fin de janvier, pour le Petit Nouvel-An chinois», explique Marco Brun, directeur de la boutique.
Pour Bucherer Lausanne, selon son directeur Claude Jutzi, «cette clientèle reste marginale, même si elle est en croissance constante depuis cinq ans et représente aujourd’hui environ 10% de son chiffre d’affaires».
A Genève, la boutique Blancpain constate depuis une année une semblable progression avec 10-15% du chiffre d’affaires réalisé par son enseigne genevoise grâce à la clientèle venue de l’Empire du Milieu. Les deux grandes villes romandes sont confrontées à des difficultés que n’ont pas d’autres destinations plus plébiscitées, telles que Lucerne, Interlaken ou Zurich. «Je pense qu’à Genève, les boutiques ne sont pas assez grandes pour recevoir une clientèle qui se déplace en groupe», explique Vincenzo Puccio, directeur de Blancpain Suisse. Dans les trois villes, les attentes pour 2011 sont toutefois positives, car pour les Chinois, le shopping est une activité sociale que l’on partage à plusieurs. «La plupart du temps, ils achètent tous la même montre, en souvenir de leur voyage de groupe, et la quittance est presque aussi importante que la montre», explique Marco Brun.
René Weber, spécialiste du luxe à la banque Vontobel, cité par la presse alémanique, estime que la clientèle chinoise contribue déjà à hauteur de 15% des ventes de marques de prestige à Zurich, un chiffre qui augmente encore à Lucerne ou Interlaken où les touristes chinois débarquent en masse dans les boutiques de luxe. Et ce n’est qu’un début. «Les Chinois découvrent la Suisse, à l’image des Japonais il y a trente ans. Le potentiel de croissance est énorme», souligne Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme.
Prudence de certains
Dans ce concert d’optimisme, quelques voix appellent cependant à une certaine prudence. Jean-Claude Biver, par exemple. Le patron des montres Hublot s’inquiète du danger d’une trop grande dépendance. Qu’arriverait-il si les autorités serraient soudain la vis avec des taxes sur les produits de luxe? Ou durcissaient à nouveau les conditions pour voyager à l’étranger? Sans parler d’une toujours possible crise économique asiatique. Pour faire face à ces scénarios, la plupart des fabricants de montres suisses misent cependant sur d’autres marchés que la seule Chine. Omega, par exemple, étend actuellement son réseau aux Etats-Unis, se basant sur l’accueil très favorable réservé à son enseigne sur la 5th Avenue, à New York.
Thierry Délèze et Olivier Wurlod - Tribune de Genève |