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La Wonder Week comme si vous y étiez : votre Quotidien des Montres vous ouvre son carnet de voyage au pays d'une horlogerie genevoise en pleine fièvre exhibitionniste...
••• C’EST VRAIMENT PARTI POUR CINQ JOURS D’HORLOGERIE OBSESSIONNELLE...
... les mains sciées par les courroies des shopping bags bourrés de documentation et les cous ployant sous les multiples colliers des cartes d’accès accréditives ! Ballets des taxis dans la cité genevoise et rotations bien réglées des navettes qui sillonnent les rues. Restaurants privatisés dont les portes s’ouvrent pour lâcher dans la nuit des bouffées de rires et de parfums coûteux. Cantines à sushis arrosés de champagne et repas sautés pour ne pas perdre de temps entre deux rendez-vous. En janvier, Genève est un royaume horloger dont le prince est cet enfant aux yeux émerveillés qui se cache dans le cœur de tout amateur de montres...
1)
••• Ouverture du SIHH (Salon international de la haute horlogerie), à l’aéroport de Genève (Palexpo), dans l’habituelle ambiance de fête pour la grande tribu du luxe horloger, ravie de se retrouver dans un lieu familier pour un rendez-vous tout aussi familier, qui a ses codes, ses bons usages et ses menus plaisirs. On y retrouve presque son rond de serviette, son open bar préféré et souvent le personnel de service déjà en place l’année précédente...
• Coté fréquentation, habituels gros bataillons asiatiques, encore renforcés cette année et toujours plus visibles, avec une réduction sensible des corps expéditionnaires russe et proche-oriental alliée à une désaméricanisation évidente de la fréquentation : la géopolitique des montres de luxe n’est plus ce qu’elle était. Comme d’habitude, les « marchands du temple » – commerciaux des magazines et autres quémandeurs publicitaires – ont envahi les contre-allées et pollué les espaces d’exposition ou de présentation : usque tandem ?
2)
••• Louis Vuitton à Baselworld : puisqu’il est question ici de salons horlogers, la marque française viendra exposer ses montres à Bâle dès ce printemps, mais pas dans les grandes halles. Pour les trois premiers jours de Baselworld, Hamdi Chatti a réservé une péniche « entièrement vuitonnisée » sur le quai en face de l’hôtel des Trois-Rois. L’année prochaine à Genève ?
3)
••• Reconstitution créative et naissance de la Manufacture Hautes Complications à Genève, avec Pierre Favre (ex-BNB, ex-Patek Philippe) comme directeur et Jérôme Siegrist (ex-Hublot, ex-BNB, ex-Confrérie horlogère, où il était chargé du projet Anticythère) comme constructeur. Lors de la liquidation de BNB, Pierre Favre avait été chargé par l’Office des faillites de constituer des lots négociables avec les assortiments et les composants récupérables dans les ateliers. Cette mission touchant à sa fin, il est apparu que les derniers lots invendus réclamaient la mise en fabrication de pièces capables de compléter les calibres non terminés.
• La nouvelle Manufacture Hautes Complications (5 personnes pour l’instant) proposera donc aux anciens clients de BNB un service après-vente pour les anciens mouvements, mais aussi de nouvelles déclinaisons de certains calibres comme le chronographe-tourbillon ou la répétition minutes on se souvient que quelques-uns de ces ex-mouvements BNB avaient été rachetés, plans techniques compris, par Hublot]. A court terme, cette équipe devrait entreprendre la mise au point de nouvelles complications inédites et le développement pour les marques de calibres « manufacture » innovants...
4)
••• Stargate génération montres : jamais à court d’idées étranges, entre deux décharges de foudre à 1 000 000 de volts et deux caresses d’ailes de papillon, Yvan Arpa a imaginé pour Artya (GTE) de loger un quantième perpétuel construit par MHO [la nouvelle manufacture de Martin Braun et Cédric Johner] dans un boîtier entièrement gravé d’un décor égyptoïsant à la Stargate – une série restée dans la mémoire de tous les fans de science-fiction. Le résultat est assez déroutant : élégance formelle du boîtier réhaussé de hiéroglyphes symboliques (il ne s’agit pas de boîtiers « foudroyés »), décalage du mouvement de haute complication mécanique (enrichi dans ce calibre d’un majestueux balancier géant ) chez Artya, surcomplication d’un calendrier perpétuel « à la Martin Braun », c’est-à-dire avec des aiguilles périphériques et latérales (seules les heures/minutes sont centrales) immobiles derrière lesquelles défilent des disques portant les indications du quantième.
FONT COLOR= mais sans en détruire les codes de son identité esthétique (cornes mobiles, baguette pour les index sur la lunette, fluidité des courbes et abondance du sertissage). Résultat intéressant, avec un accent mis sur les cadrans en 3D archi-travaillés en bas-relief en faisant appel à de nombreuses techniques décoratives (émail, mise en couleurs, etc.) et une luxuriance très méditerranéenne dans le maniement des pierres précieuses et de leurs contrastes...
• Cas d’école : peut-on être et avoir été ? Bien menée, une renaissance de marque peut la projeter très loin et Tabbah – qui n’a jamais cessé son activité joaillière dans le bassin proche-oriental – ne manque pas d’atouts pour reconquérir les faveurs d’un public d’initiés, qui apprendront bientôt à se murmurer en secret le nom d’une marque anti-bling-bling qui sait néanmoins faire jeter aux plus belles pierres leurs plus beaux feux...
7)
••• Pour les lecteurs qui ont eu du mal à visualiser la montre Slyde lancée au salon GTE par HD3 (Business Montres du 17 janvier, info n° 4), une image (ci-dessus) vaut mieux qu’un long discours : de quoi s’agit-il exactement, sachant que la vue ci-dessus ne dit pas grand-chose du concept ? Slyde est une montre qui se porte au poignet avec un bracelet en caoutchouc. Jusque-là, tout va bien. On distingue sur le côté cinq emplacements pour les LED : les quatre du haut (bleu) indiquent la charge de la montre ; le cinquième, en bas, est le capteur de lumière qui permet d’adapter l’intensité des LED à la luminosité ambiante...
• Passons ensuite au cadran tactile, qui est cintré (ce qui est en soi une prouesse technique, les cadrans tactiles ayant toujours été plats). A gauche, les heures (en bleu). A droite, les minutes. Au centre, les secondes. Jusque-là, tout va bien, sauf qu’il ne s’agit pas d’une mécanique, mais d’une simple image de synthèse de mécanique virtuelle : ce sont purement et simplement des électrons. D’une poussée du doigt sur le cadran, on va « appeler » une autre image de montre virtuelle et de mécanique numérique – soit une de celles qui sont fournies par HD3, soit une de celles qu’on aura téléchargées grâce à une clé USB. Notez le Swiss Made sur ce cadran : il s’agit bien d’une pure montre de luxe (sans la moindre autre application que l’heure), vendue aux environs de 5 000 francs suisses (prix non contractuel), imaginée, conçue et réalisée en Suisse.
• Ce nouveau concept d’horlogerie virtuelle est révolutionnaire à plus d’un titre. Même sans déborder d’imagination, on réalise le champ d’exploration qui s’ouvre pour exprimer de nouvelles conceptions du temps : toutes les complications mécaniques rendues impossibles par les lois de la physique reprennent vie dans cet objet du temps dont la seule prétention est numérique. Cette « montre » est une plate-forme technique : que de marques seraient avisées de créer leurs propres applications Slyde, pour offrir aux amateurs une vision alternative de leurs mouvements...
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••• Quelques nouvelles en vrac et sans développer sur l’air du temps dans les salons, ce qu’on peut y trouver et ce qu’on y apprend au détour des allées...
• La montre Helios de Frédéric Jouvenot récompensée par le Superwatch Award au salon GTE : une récompense bien méritée, remportée dans la dernière ligne droite face à la Type 1001 de Ressence (Benoît Mintiens) et la Magnus d’Heritage Watch Manufactory (Karsten Frassdorf)...
• Le cadeau invité le plus insolite du SIHH : la raquette Richard Mille ! Pas facile à rapporter en avion, mais tellement distinctive sous le bras en arrivant au club-house...
• Hollywood à Palexpo (SIHH) : : la mode est cette année aux mises en scène de cinéma dans les couloirs du SIHH (information Business Montres du 17 janvier, info n° 2). Baume & Mercier nous raconte les Hamptons, avec une terrasse de fauteuils Adirondacks pour nous inciter au farniente. IWC a jeté l’ancre à Portofino pour un hymne à la dolce vita, avec hôtesses en jupe new look à pois sur Vespa et gelateria ambulante. On retrouve chez Ralph Lauren le magnifique décor Nouvelle-Angleterre chic des années précédentes, le stand étant à peu près aussi déserté que lors des précédentes éditions [c’est d’autant plus rageant que l’année est plus néo-classique que jamais !]...
• Giselle Rufer en toute Transparence : la créatrice de Delance (une « montre créée par une femme pour les femmes ») s’associe avec Transparence, , entreprise pionnière sur le marché du « luxe responsable » qui lutte pour une transparence intégrale du marché de l’or et pour une traçabilité crédible de la mine au bijou final. Delancen qui expose au salon GTE, n’utilisera donc plus que de l’or « éthique » et « propre » (c’est-à-dire respectueux de l’environnement et dont l’exploitation améliore les conditions de vue des mineurs)...
• Une Zenith El Primero Striking 10th dans l’espace : elle a quitté la Terre en décembre à bord d’un engin Soyouz, au poignet d’un astronaute européen qui a pris place à bord de l’ISS (station spatiale internationale)...
• Dessus dessous : comment faire pour transformer son quadruple tourbillon incliné à 30° en « nouveauté de l’année », quand on l’a déjà présenté les années précédentes . Greubel Forsey a trouvé la formule magique : on inverse dessus-dessous les deux doubles tourbillons et le tour est joué. Cul par-dessus tête, le second tourbillon dévoile ses dessous et c’est tout aussi fascinant...
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••• Coucou, les revoilà ! On les avait perdus de vue depuis un petit moment, mais ils n’avaient pas décroché et on les recroise dans les allées des salons :
• Pasquale Gangi (ex-Franck Muller, ex-Fortis, ex-Georges V) : il est de retour avec iTourbillon, un concept de site marchand spécialisé dans les montres neuves de stock, vendues à des collectionneurs en quête de raretés contemporaines plus que de prix écrasés (marques de prestige – Breguet, Jaquet Droz, Franck Muller, JeanRichard – et marques plus accessibles – Wenger, Fortis). Le site iTourbillon commercialise également quelques accessoires et des grands millésimes, du château d’Yquem aux vins australiens...
• Tristan Boyer de Bouillane (ex-bras droit de Gérald Roden chez Gérald Genta/Daniel Roth) : on le retrouve chez Breitling.
• Michel Niarquin (ex-Breitling, ex-Audemars Piguet, ex-TechnoMarine, en France) : il devrait prochainement reprendre la distribution d’une marque suisse en France...
• Philippe Belais (ex-Van Cleef & Arpels, ex-Bertolucci) : il vient de racheter la marque Claude Meylan (vallée de Joux), dont il expose les dernières productions au GTE...
• Jérôme Pineau (ex-Marvin, ex-Hublot) : il reprend la place de ccommunity manager qu’il avait quittée chez Marvin pour rejoindre Hublot, mais il continuera son talk show sur la webradio « What time is it »...
• Dick Steenman (un des meilleurs graveurs de cadrans en Suisse) : il vient de relancer la marque Steenman, sur le créneau des œuvres d’art au poignet (montres haut de gamme et pièces uniques gravées à la main) que s’arrachent quelques collectionneurs fanatiques à travers le monde...
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••• La publicité qui agace le plus les marques du SIHH : les films publicitaires (10 s) diffusés par RJ-Romain Jerome à l’aéroport de Genève, en plus des espaces réservés par la marque. Impossible pour un détaillant d’y échapper et difficile de ne pas les mémoriser : une promotion guérilla qui change des lassantes affiches horlogères packshot/marque...
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