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Des points d'interrogation sur les montres, les marques et les rumeurs de l'air du temps
 
Le 25-01-2011
de Business Montres & Joaillerie

Pendant les salons, les travaux continuent : la planète horlogère est un empire merveilleux où le soleil ne se couche jamais.

CE N'EST PAS PARCE QU'ON N'A PAS TOUTES LES RÉPONSES QU'IL FAUT CESSER DE (SE) POSER TOUJOURS PLUS DE QUESTIONS...


1)
••• QUELLES ÉTAIENT LES SEPT RUMEURS
LES PLUS FOLLES DU SIHH ?
Pas question d’y accorder plus de crédit qu’à d’autres rumeurs, mais les cancans allaient bon train dans les bars des salons, à l’heure du café et de la crème brûlée, surtout en fin de semaine. Ce n’étaient pas forcément les « bonnes questions », mais...
• François-Henri Pinault serait-il prêt à racheter une grande marque ? Il aura en tout cas passé cinq heures au SIHH, dont il a soigneusement inspecté toutes les vitrines et salué ostensiblement certains patrons : un « tour de chauffe » pour se mettre en forme avant le grand poker menteur de 2011 – Business Montres a déjà ouvert le débat sur un redimensionnement horloger du groupe PPR en 2011 ?
• Le groupe Bvlgari aurait-il trouvé un acheteur ? On parlait beaucoup d’un intérêt marqué du groupe espagnol Inditex (Zara, Massimo Dutti et d’autres marques), qui gère déjà près de 5 000 boutiques dans 73 pays et qui se flatte de posséder un trésor de plusieurs milliards d’euros. Problème : Inditex n’a pas la moindre expérience du luxe et de l’horlogerie-joaillerie...
• Le groupe Richemont et Cartier auraient-ils eu la peau de Carine Roitfeld ? On sait que la rédactrice en chef de Vogue France a été congédiée assez brutalement à la demande des annonceurs du titre, mais on y voyait plutôt la main de Bernard Arnault (Business Montres du 21 décembre, info n° 4). Il semblerait que Cartier soit monté au créneau, après la publication de montres et de bijoux Cartier portés par des gamines ou des mannequins dans un hôpital. Chez Vogue, on ne plaisante pas avec les annonceurs horlogers, qui représentent 30 % du chiffre d’affaires publicitaires du titre – qui n’est pourtant qu’influenceur et non plus prescripteur...
• Arnold Schwartzenegger serait-il un des futurs administrateurs d’Audemars Piguet ? Le bruit s'est répandu depuis que la manufacture du Brassus lui a dédié une édition de sa Royal Oak Offshore baptisée « Arnold Schwarzenegger The Legacy » (1 500 pièces en titane, céramique et or rose, dont une partie des profits iront à une fondation charitable). On sait que le conseil d’administration avait déjà repoussé (poliment) une proposition dans ce sens de celui qui était alors gouverneur de Californie. Maintenant que « Schwarzie » est libéré de ses obligations californiennes, il ne cache pas sa tentation de finir sa carrière dans l’horlogerie. D’où les rumeurs entre combiers qui courent des bistrots de la vallée jusqu'aux salons genevois....
• L’Himalaya de la pensée horlogère serait-il menacé ? On parle à son sujet des résultats d’un fâcheux audit, mais il semble n’avoir rien perdu de sa superbe, ni de son verbe péremptoire, et son actionnaire paraît s’être fait à l’idée de rafler la mise, année après année, au grand jeu « Qui veut perdre des millions dans la montre ? »...
• Certains détaillants invités par le SIHH auraient-ils été punis ? On sait que certains journalistes asiatiques ont signé une clause qui leur interdisait, s’ils étaient invités au SIHH, de découvrir d’autres marques que celles du salon pendant la Wonder Week : comme ce n’est pas la première année que cela se produit, difficile pour la direction du SIHH de considérer ce qui n’est donc plus une « rumeur » comme une simple « initiative locale ». En revanche, on a vu circuler des copies de lettres comminatoires de quelques patrons des marques du groupe Richemont aux Etats-Unis : ils menaçaient ouvertement certains détaillants de rétorsions commerciales – notamment d’indisponibilité ciblée de certaines nouveautés ! – s’ils venaient à rendre visite à d’autres marques qui exposaient hors du SIHH. De là à accuser Richemont d’avoir posté des « espions » dans les palaces genevois ! C’est du moins ce que semblaient redouter les amateurs de présentations clandestines dans les arrière-salles des restaurants de Genève : « Bientôt, il faudra venir voir les marques du SIHH avec son avocat et son bodyguard », affirmait l'un d'eux...
• Avant ou l’après l’été 2011, le prochain changement de CEO en vallée de Joux ? On s’inquiéterait beaucoup pour l’actuel CEO d’une célèbre manufacture indépendante (hors groupe Richemont), les initiés n’ayant pas cessé de collationner des indices de plus en plus troublants au sujet d'une imminente passation des pouvoirs. Aucun rapport avec la présence remarquée de Vincent Perriard, jeudi, sur le stand de cette manufacture (on ne prête qu'aux riches)...
• John Simonian (Westime, Los Angeles) réussirait-il à perdre dix kilos ? Il n’a quitté le SIHH que pour partir s’enfermer dans une clinique allemande spécialisée dans les cures d’amaigrissement. Compagnons d’infortune : son copain américain Hratch Kaprielan, premier lieutenant de Vartan Sirmakes (groupe Franck Muller), et le directeur de la création de la marque Cvstos. Les paris sont ouverts sur le tour de taille simonianesque dans deux semaines : en tout cas, il a déjà la boucle de ceinture signée Roland Iten qui lui permettra de gagner discrètement quelques crans...


2)
••• QUEL EST LE NOM DE LA NOUVELLE J12 DE CHANEL ?
Joker : pas le droit de le dire ! Mais on peut quand même souligner tout le bien qu’on est en droit de dire d’une nouvelle collection de J12 ni noire, ni blanche, ni même colorée. Une collection dont les montres se posent en alternative – peut-être enfin masculine [mais elle est si réussie que les dames risquent de mettre le grappin dessus avant les messieurs comprennent !] – aux montres « classiques » proposées par les grandes marques. On pense ici aux best-sellers basiques de Rolex, Omega, Cartier ou même Hublot, Panerai et Audemars Piguet, qui expriment en acier et avec trois aiguilles l’idée d’une certaine élégance sportive : il y a dans cette nouvelle J12 quelque chose de très contemporain, mais dans un style apaisé, reposant et séduisant, qui sait marier distinction et familiarité non guindée, comme pour tout objet Chanel qui se respecte. Promis : on vous en dira plus la semaine prochaine !
• Question subsidiaire : peut-on au moins savoir si cette montre est en acier, en titane, en or ou en céramique, comme les autres J12 ? Les deux, mon général ! Il n’y a pas que de la céramique (et ce n’est pas la céramique habituelle de la J12, mais c’est une céramique ultra-innovante sur le plan high tech) et il y aussi un métal un peu inattendu : ça ressemble tout de même beaucoup à un acier qui ne serait pas de l’acier, mais qui serait beaucoup plus résistant. Là aussi, on en saura davantage la semaine prochaine...


3)
••• FAUT-IL DÉBAPTISER LA RUE DE LA PAIX (PARIS) EN AVENUE DU GROUPE RICHEMONT ?
Pourquoi pas, mais ça ne fera pas plaisir aux enseignes du Swatch Group (Jaquet Droz, Tiffany & Co) qui s’accrochent encore dans ce nouveau boulevard horloger de Paris ! Deux projets devraient bientôt définitivement arrimer la rue de la Paix au groupe Richemont (ouverture prévues en fin d’année) : une boutique IWC au n° 15, à la place de Bry & Co, boutique multimarques qui appartenait à la même famille depuis trois générations ; au n° 2, face à la place Vendôme, une boutique Vacheron Constantin devrait remplacer les tissus Henri Maupiou. On trouve déjà dans la rue de la Paix, côté impair, des boutiques Van Cleef & Arpels, Panerai, Montblanc, Cartier et Dunhill. Côté pair, la conquête commencera donc avec Vacheron Constantin. Du coup, pour une offre multi-marques, c’est la famille Dubail qui va commencer à se sentir seule...


4)
••• « LA CHINE VA-T-ELLE MANGER LE MONDE ? »
Le géo-économiste Hervé Juvin esquisse quelques réponses dans une vidéo de realpolitik.tv (« Comment va le monde ? » : 07:50 mn) : apparemment, la Chine – qui n’est plus seulement l’atelier du monde – est en train de devenir le banquier du monde tout en attisant la guerre monétaire internationale ! Un point de vue non-conformiste, mais clair, intelligent et stimulant...


5)
••• QUELS ANIMAUX ONT EMBARQUÉ DANS L’ARCHE DE NOÉ AFFRÉTÉE PAR BOUCHERON ?
Liste non exhaustive de la faune représentée dans le bestiaire fantastique mise en scène par la nouvelle collection 2011 de haute joaillerie Boucheron. En bord de mer, des hippocampes, des coquillages, des méduses, des coraux et des poissons tournoyants. Avec des plumes, des faucons, des cacatoès, des flamants (roses). Plus terre-à-terre, c’est la foule des grands jours : des éléphants, des pandas, des tigres, des singes, des lions, des chats japonais et des scarabées sacrés (image ci-dessus : le scarabée sacré Khepri en cupules de lapis-lazuli gravées qui pivotent pour découvrir une montre, avec des yeux en émeraude, une tête en onyx et un corps en diamants), des écureuils et des hérissons, des grenouilles et des chouettes, des lémuriens et des chauve-souris, des serpents (sublimes tours de cou articulés) pour tenter les Eve des nouveaux Adam, des boas et des pythons pour les pythies en transe, des caméléons et des escargots précieux ; côté mythologie, des dragons et des Pégase en rupture de ban (magnifique bracelet)…
• On aura compris que Boucheron a mis en scène la plus importante collection de haute joaillerie de cette rentrée 2011, par sa largeur comme par sa profondeur, et sans doute créé, à travers ces pièces de joaillerie (montre, bagues, bracelets, pendentifs), la plus belle illustration de cette horlogerie narrative et figurative qui est une des tendances « lourdes » de l’année (Business Montres du 8 janvier, tendances n° 4, 8, 9 et surtout 10). « Ce n’est plus une vitrine horlogère, c’est un muséum d’histoire naturelle », constatait Business Montres : ce déchaînement de fantaisies animalières chez Boucheron repousse assez loin les autres prétendants au titre de zoo-magicien de l'année...


6)
••• VA-T-ON ASSISTER À UNE HAUSSE OU À UNE BAISSE DU PRIX DES MONTRES ?
Réponse facile : aux deux, et simultanément ! D’un côté, les marques vont se trouver obligées d’augmenter le prix de leurs montres pour répondre aux désordres monétaires sur leurs principaux marchés : les taux de change restent, cette année encore, le pire ennemi de la reprise horlogère et on constate déjà, sur plusieurs marchés émergents, un recul des parts de marché de certaines marques leaders au profit de challengers mieux positionnés en prix. De l’autre côté, la plupart des marques ont mis en place des collections plus accessibles ou ont retouché leurs modèles existants pour les rendre moins coûteux sans se renier – ce qui revient à une baisse effective du prix des montres. Un exercice de stretching qui est tout sauf facile sur les marchés du luxe...


7)
••• QUELLE EST LA NOUVELLE BOUTIQUE HORLOGÈRE DE LA PLACE VENDÔME ?
Non, il ne s’agit pas de l’espace Louis Vuitton (pas encore ouvert), ni de la signature d’un bail pour aménager les locaux (vides) face à l’actuelle boutique Rolex, mais de la nouvelle réaffectation à un comptoir purement horloger d’une partie séparée de la boutique Van Cleef & Arpels [vitrine et porte à part, sans communication publique avec l’espace de joaillerie, ainsi rendu encore plus exclusif]. Cette nouvelle boutique, purement dédiée aux montres de la marque, devrait mettre en scène les « complications poétiques », mais également présenter tout le fonds de l’offre horlogère – dont on découvre qu’il est certes varié, mais aussi sacrément daté quand on le compare aux dernières collections…


8)
••• LE PRINCIPE DES SALONS HORLOGERS PEUT-IL ET DOIT-IL ÉVOLUER ?
Grave débat, qui mérite bien plus qu’une simple « bonne question du mardi », mais qui trouve cette semaine à Paris un début de réponse – du moins si on sait décoder les « signaux faibles ». On sort à peine des présentations de Genève que les piliers de la place Vendôme se lancent dans une exposition de haute joaillerie (Boucheron, Van Cleef & Arpels, Chanel, Chaumet, Dior). Il s’agit pour elles d’accompagner la semaine de la Haute couture à Paris et de profiter de la présence sur place de dizaines de journalistes venu(e)s du monde entier pour les plus somptueux défilés du monde.
• Une démarche clairement opportuniste, mais qui souligne l’évolution nécessaire des « salons horlogers » en général. Plutôt que d’immenses foires commerciales façon Baselworld ou des rendez-vous très huppés dont la luxueuse exclusivité semble aujourd’hui d’un coût exorbitant pour le retour sur investissement, il faut rapprocher les salons de la demande, que cette demande soit celle des détaillants (retail ou wholesale) – en attente de nouveautés et de liens à raffermir – ou celle des médias – en quête d’informations et d’un relationnel à entretenir.
• Dans le cas de la place Vendôme, on s’appuie sur un événement périphérique (mais stratégique : la semaine parisienne de la Haute couture) pour créer un événement ultra-ciblé (présentation d’une première partie des hautes joailleries de l’année) dans un lieu EM>symbolique qui a du sens et qui est déjà, en soi, une partie du message (les salons de chaque marque place Vendôme). Coût marginal, mais maximisation des contacts avec des médias sélectionnés par l’importance qu’ils attachent à la haute couture et à la haute joaillerie et création parallèle d’une actualité qui entretient le bruit de fond autour du message de la marque.
• L’avenir du média « salon horloger » (au sens large) semble ainsi s’inscrire dans un macro-dynamique centrifuge plus que centripète et dans une logique de relocalisation dédiée plus que dans un esprit de globalisation/centralisation offshore (telle qu’on la pratique à Bâle et à Genève). Sans prendre de risques, on peut déduire des mutations en cours que l’actuelle tendance à la désintermédiation des salons horlogers va faire éclore, dans le monde entier, des dizaines de micro-événements segmentés à la fois par secteurs géographiques (pays, villes) et par cibles marketing (grand public, détaillants, life style, etc.). Différents opérateurs, quelques marques et certains groupes l’ont déjà compris (Franck Muller pour le WPHH de Monaco, Hublot à Genève, Belles Montres), mais d’autres y pensent déjà très fort : Cartier aimerait bien faire bande à part pour un SIHH purement joaillier sous ses propres couleurs, alors que se montent des projets de mini-Baselworld en Asie ou aux Etats-Unis. L’éventuelle sécession bâloise du Swatch Group, de Rolex ou de Patek Philippe relève désormais de l’hypothèse stratégique envisageable, et non plus du tabou définitif…

 



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