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Les salons
horlogers
indépendants
ont la bougeotte
parce qu'ils n'ont pas
la vie facile...
1)
••• LE DERNIER HOMMAGE DE LA PROFESSION
À « NOTRE AMI » GABRIEL TORTELLA...
C’était une de ces cérémonies religieuses où on aurait presque honte de se retrouver ensemble tellement on aurait tous préféré qu’elle n’ait pas lieu. Dans la tiédeur étrange de ce faux été printanier, tous les « amis » étaient là, autour de ses enfants et de ses petits-enfants : les horlogers et les autres, les grandes et les petits marques, les Anciens et les Modernes, les amici italiens, les Suisses et les Français, les gentils et les méchants, les gendarmes et les voleurs, les talons hauts et les cheveux blancs, les couronnes de fleurs, l’encens, le soleil sur les marches du porche et même les interminables limousines XXL aux vitres fumées comme dans les feuilletons américains : c’était le dernier clin d’œil cinématographique aux années Miami de la saga tortélienne [et sans doute une façon subliminale de nous rappeler que l’horlogerie avait perdu un « parrain »]. Tout le monde était là, sauf lui, évidemment, mais on a quand même parlé de cuisine, d’amitié et de montres, comme d’habitude, bref des affaires de la « famille » au sens large.
••• Comme on aimerait un dernier appel téléphonique de lui, et un ultime message qui nous dirait, comme d’habitude : « Rrrappelle-moi, urrrgent, urrrgent, urrrgent ». On va maintenant découvrir que, sans lui, l’horlogerie genevoise n’a plus tout-à-fait le même goût, ni les mêmes couleurs : la vie continue, on va changer de chapitre, mais la page de l’« ange Gabriel » restera ouverte, et c'est une des plus marquantes de notre grand livre...
2)
••• LA NOUVELLE GUÉ-GUERRE
DES SALONS HORLOGERS...
L’équipe créatrice et organisatrice de l’EPHJ (André Colard et Olivier Saenger) n’ont pas fini de monter leur prochaine édition (24-24 mai prochain, Lausanne) qu’ils doivent annoncer qu’ils se déporteront à Genève pour l’édition 2012. Ce n’était pas inattendu que cela depuis la reprise par le groupe MCH (qui organise Baselworld) des halles de Beaulieu (Lausanne), où avait grandi depuis dix ans l’EPHJ, premier et unique salon horloger international pour les fournisseurs de l’horlogerie : une rendez-vous inconcournable dont les lecteurs de Business Montres ont tous les ans de larges compte-rendus (dernière édition : Business Montres du 9 juin 2010)...
••• Pourquoi pas Genève, et pourquoi pas Palexpo, après tout ? Cela ne fera que renforcer le pôle horloger genevois – à ce détail près que Genève n’a jamais été une « métropole industrielle » pour les montres, les fabriques étant plutôt concentrées à l’autre extrémité de l’arc romand (Vaud, Jura, Neuchâtel, Berne). Pour les 11 000 visiteurs recensés en 2010, Lausanne était un point moyen idéal entre Genève et les vallées...
••• En réalité, cette éviction de l’EPHJ de Lausanne cache à la fois un problème d’argent et un impératif stratégique.
• L’argent : les fondateurs de l’EPHJ étaient prêts à le céder leur événement à MCH, mais MCH n’avaient pas la même échelle d’évaluation. Question de calcul qui débouche sur une réflexion stratégique : s’il faut dépenser plus pour acheter une activité existante que pour en développer une nouvelle, autant se donner les moyens de créer un événement dont on garde la maîtrise. Un peu gourmands, les créateurs de l’EPHJ en auraient demandé une dizaine de millions. MCH ne leur en proposait que le cinquième, selon des critères de valorisation « industrielle » qui ne permettent pas de décompter le supplément d’âme ou la convivialité...
• La stratégie : deux optiques coexistent pour les animateurs de MCH, qui bénéficient de la logistique et de l’appui des équipes de Baselworld pour les questions horlogères.
• Ou bien créer, face à l’EPHJ [qui aurait du mal à résister au rouleau compresseur alémanique] un salon international purement professionnel pour l’amont horloger : une sorte de Baselworld purement pré/post-industriel où nos amis asiatiques auraient toute leur place, meiux même qu'à Baselworld – à Zürich, à Lausanne ou ailleurs.
• Ou bien intégrer ce salon purement horloger dans un méga-salon de tous les fournisseurs de l’industrie suisse. Une évolution vers le domaine général de « haute précision » déjà entamée par l’EPHJ, qui voyait la micro-technique non horlogère prendre chaque année plus d’importance et qui s’ouvrait de fait aux technologies médicales et aux nano-biotechnologies. La Suisse reste un bastion de l’industrie pharmaceutique, des biotechnologies et du médical de pointe : il y a donc, en Suisse et dans les pays limitrophes (France, Allemagne et au-delà) un marché solvable d’exposants capables de doubler ou tripler le format actuel de l’EPHJ. C’est sans doute le filon reniflé par MCH, dont les services marketing ne sont pas peuplés d’enfants de chœur.
••• On peut donc parier qu’il y aura bientôt deux salons purement professionnels pour l’horlogerie, avec un concept strictement parallèle qui les obligera, l’un comme l’autre, soit à s’enfermer dans une stérile guerre des prix, soit à définir des segmentations séduisantes et crédibles...
3)
••• L’APPLICATION »THE WATCH ENTHUSIAST »
DÉJÀ DISPONIBLE À L’APP STORE (iTUNES)
C’est le must have de tout amateur de montres en promenade avec tablette nomade et connexion (Business Montres du 10 mai) : The Watch Enthusiast pose un jalon professionnel pour arriver un jour à une ou plusieurs « agences de notation » horlogères incontestables. Tout équipement pionnier a son prix : ce sera 14,99 euros pour les early adopters qui snt déjà aux aguets sur l’App Store (on peut aussi y accéder par le site de The Watch Enthusiast). Version iPhone à venir dans les semaines qui viennent, les versions chinoise, japonaise et espagnole arrivant par la suite.
••• Vous retrouverez dans les jours qui viennent dans Business Montres un essai critique de cette première version (40 mars, 600 montres, doit 2 000 références, avec un objectif à 155 marques, 1 500 montres et 10 000 images d’ici à cet été)...
4)
••• LE NOUVEAU CONCEPT COMMERCIAL
DE LA « MAISON DE L’HORLOGERIE » (GENÈVE)...
Alain Guttly (La Maison de l’Horlogerie, Genève) en prince des « grapheurs » (graffitis urbains), c’est assez inattendu pour une respectable institution de la distribution horlogère suisse, mais la démarche prouve les ambitions d’aller très loin dans la redéfinition des standards d’une boutique multi-marques de nouvelle génération. L’inauguration du nouvel espace (24, rue du Cendrier, derrière l’hôtel des Bergues) aura lieu demain, avec quelques « grapheurs » pour mettre de l’ambiance : on y découvrira comment Alain Guttly a « poussé les murs » pour créer une atmosphère radicalement opposée aux traditionnelles tables de vente, avec des espaces dédiés aux marques, une ambiance lounge (qui sera ultérieurement déclinée en club à l’étage) et un principe de libre circulation qui efface toute pression commerciale. Les codes couleur de la maison (orange) sont respectés et l’ambiance « maison » très présente (renseignements utiles : La Maison de l’Horlogerie)...
••• Cet espace de « nouvelle génération » est un exemple intéressant de mutation d’un détaillant de centre ville passé en mode résistance et bien décidé à survivre dans un environnement difficile. En quelques mois, La Maison de l’Horlogerie aura ouvert une boutique Corum, acheté quelques espaces complémentaires connexes à la boutique, embauché quelques personnes et transformé son concept de vente en même temps que son approche du métier. Investissement coûteux certes, mais a-t-on vraiment le choix quand on croit à l’avenir d’un point de vente multi-marques ? Une chose est certaine : Alain Guttly met toutes les chances de son côté en créant un « lieu de vie » qui soit aussi un « lieu d’envies », dans un style contemporain. Et il le prouve en acceptant de faire grapher ses vitrines... pour la bonne cause évidemment ! Les fresques réalisées par les « artistes urbains » Rey et Tones (image ci-dessus) seront vendues aux enchères au profit de la Fondation Les enfants de Hué (Vietnam).
5)
••• LES NOUVELLES ÉVOLUTIONS
DU SALON GTE (GENEVA TIME EXHIBITION)...
Le salon « alternatif » GTE se tiendra à Genève du dimanche 15 au vendredi 20 janvier 2012, pendant la semaine du SIHH (comme ses deux précédentes éditions). Principales innovations, détaillées dans un document de synthèse, mais dont les grandes lignes tiennent en quatre points :
• un effort dans la création d’une « infrastructure haut de gamme correspondant à l’univers de la haute horlogerie ». En bon français, cela signifie que l’ensemble sera un peu plus conforme à l’idée qu’on se fait du luxe horloger : c’est exactement le sens des remarques formulées par Business Montres lors de la précédente édition (17 janvier, infos n° 2 et 3)...
• « zonage » de l’espace selon le « style d’horlogerie », catégorie qui sera prédéfinie pour la marque par GTE – ce qui nous promet quelques belles empoignades, dans lesquelles l'impératif commercial l'emporte toujours sur les considérations logiques [même réflexion que ci-dessus sur les faiblesses pointées par Business Montres en janvier]...
• création de « zones de confidentialité » pour les clients des exposants (autre point critique évoqué par Business Montres : 27 janvier, info n° 5). Ces « zones de confidentialité » devraient logiquement obérer la facture finale...
• institution d’une journée ouverte au grand public et aux fournisseurs, le reste de la semaine étant réservé aux clients des exposants : encore une contrainte – un peu absurde en termes de communication et de timing – née du style trop mélangé de ce salon...
••• On ne peut que se réjouir de voir cette évolution s'imposer pour 2012. Problème majeur : le nouveau lieu choisi par les animateurs de GTE : l’espace Hippomène [bien connu des horlogers depuis la dernière Nuit de l’horlogerie et The Watches Days]. Un endroit qui « colle » parfaitement au positionnement haut de gamme revendiqué par GTE, mais probablement trop éloigné du cœur battant de la Wonder Week pour générer un flux de clientèle suffisant. Surtout avec le raccourcissement de fait du SIHH pour cause de Nouvel An chinois : la concentration sur les trois premiers jours de la semaine va empêcher la plupart des détaillants haut de gamme de flâner dans Genève ! La seule chance du GTE aurait été d’ouvrir dès le samedi pour exploiter la faute stratégique du SIHH, qui a hésité à ouvrir le week-end : une opportunité gâchée, qui ne va sans doute pas encourager les marques « haut de gamme », un peu échaudées en 2011, à revenir en 2012. Surtout aux prix envisagés : 1 250 CHF du mètre carré, ce qui rend l’emplacement plus cher qu’une junior suite aux Bergues ou au Kempinski, où se pressent déjà quelques marques de luxe hors SIHH [l’espace Hippomène est très coûteux : trop ?] !
•••60 marques annoncées pour GTE 2012, mais sans doute moins de références prestigieuses, celles qui seront de la fête se trouvant encore plus diluées au milieu des « petits joueurs » : l’équation s’annonce compliquée. Pourquoi ne pas accepter de facto cette segmentation et cette orientation « cœur de gamme », pour créer, à Genève, en marge de la Wonder Week, un vrai rendez-vous des marques indépendantes accessibles ? Elles sont demandeuses...
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••• QUELQUES ACTUALITÉS HORLOGÈRES
EN BREF, EN VRAC ET – SURTOUT – EN TOUTE LIBERTÉ...
••• « Les pêchés capitaux de Franco Cologni » : les aveux du président du conseil culturel de la Fondation de la haute horlogerie, glissée dans l’oreille de l’exquise Anne-Marie Belcari, qu’on regrette de ne pas voir davantage dans la vidéo de cette confession. Quelle classe, ce Franco !
••• « Vente-privée.com aux Etats-Unis » : on en saura plus demain sur la bataille américaine dans laquelle se lance Vente-privée, sans doute avec l’appui de son partenaire européen American Express. Ce qui ouvre d’emblée à Vente-privée un fichier de 55 millions de cartes. Soit une confirmation de notre analyse en avant-première des enjeux de cette ambition (Business Montres du 4 mai, info n° 1)...
••• « Ke$ha contre Tik Tok » : la chanteuse Ke$ha avait titré Tik Tok une de ses ritournelles. Elle traîne en justice les créateurs de bracelets-porte iPod Nano qui ont créé un modèle Tik Tok (Business Montres du 22 novembre, info n° 4). Apparemment, les juges américains ne confondent pas un bracelet de montre et un tube néo-punk...
••• « Les meilleures marques de montres sur les réseaux sociaux » : un classement établi par le magazine Bilanz (Suisse) sur les 50 meilleures marques utilisatrices des médias sociaux. Pour l’horlogerie : TAG Heuer (n° 3), Swatch (7e), Omega (9e), Longines (15e), Tissot (30e), Rolex (37e). Soit une vision très « déformée » par le prisme alémanique...
••• « À l’abordage du Titanic » : ceux qui pensaient l’évocation du Titanic préemptée de facto par RJ-Romain Jerome avaient tort. Les Italiens de la marque subaquatique AOL (famille post-Panerai) lance une « 5318 MM Titanic Black » (MM pour Marina Militare, appellation non protégée, ni d’ailleurs protégeable). Le rapport avec le Titanic n’est pas évident (source : Oceanic Time)...
••• « L’envol du Breitling Jetman » : finalement, alors qu’on pensait qu’il avait tout annulé (Business Montres du 10 mai, info n° 8), Yves Rossy – le « Breitling Jetman » – s’est finalement élancé au-dessus du grand canyon du Colorado : huit minutes de vol à 220 km/h (source : Breitling)...
••• « Voir la vie en rose avec Tudor » : on sait que la ville de Genève (surtout la baie) est cernée par les publicités lumineuses des horlogers. Les locataires d’un immeuble couronné par les néons de Tudor n’apprécient pas de voir ainsi la « vie en rose » (source : Tribune de Genève)...
••• « L’horloger toqué et le lièvre de March LA.B » : la saga de la (jeune) marque March LA. B, qui était un repérage Business Montres du 4 mai 2010 (source : Mademoiselle à Paris).
••• « Maradona Swiss Made » : Diego Maradona chez Hublot ? Quoi de plus normal puisqu’il est un plus célèbres ambassadeurs de la marque. Mais que venait donc faire en Suisse notre ami Diego ? Il se murmure que Bulat Chagaev, le nouveau propriétaire de l’équipe suisse Xamax (Neuchâtel), voudrait recruter l’ancien champion argentin comme futur entraîneur de son équipe. Personnalité d’origine tchétchène tout aussi controversée que les origines de sa fortune, Bulat Chagaev est aussi un grand amateur de montres – mais pas forcément de Hublot...
••• 150 % d’augmentation en cinq ans pour les agressions contre des horlogers-bijoutiers (France) : 62 « braquages » (agressions à main armée) pour le seul début 2011 ! La profession est devenue un métier à risques – pour les personnels (victimes physiques) comme pour les assureurs. Ce qui ne peut qu’accélérer la mutation d’une distribution de proximité déjà déstabilisée par les conditions économiques de son exercice...
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