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C’était une de ces cérémonies religieuses où on aurait presque honte de se retrouver ensemble tellement on aurait tous préféré qu’elle n’ait pas lieu. Dans la tiédeur étrange de ce faux été printanier, tous les « amis » étaient là, autour de ses enfants et de ses petits-enfants : les horlogers et les autres, les grandes et les petits marques, les Anciens et les Modernes, les amici italiens, les Suisses et les Français, les gentils et les méchants, les gendarmes et les voleurs, les talons hauts et les cheveux blancs, les couronnes de fleurs, l’encens, le soleil sur les marches du porche et même les interminables limousines XXL aux vitres fumées comme dans les feuilletons américains : c’était le dernier clin d’œil cinématographique aux années Miami de la saga tortélienne -et sans doute une façon subliminale de nous rappeler que l’horlogerie avait perdu un « parrain »-. Tout le monde était là, sauf lui, évidemment, mais on a quand même parlé de cuisine, d’amitié et de montres, comme d’habitude, bref des affaires de la « famille » au sens large.
••• Comme on aimerait un dernier appel téléphonique de lui, et un ultime message qui nous dirait, comme d’habitude : « Rrrappelle-moi, urrrgent, urrrgent, urrrgent ». On va maintenant découvrir que, sans lui, l’horlogerie genevoise n’a plus tout-à-fait le même goût, ni les mêmes couleurs : la vie continue, on va changer de chapitre, mais la page de l’« ange Gabriel » restera ouverte, et c'est une des plus marquantes de notre grand livre...
la valse des salons et les nouvelles du front horloger |