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Première session
de la vente Christie’s :
182 montres écoulées
et déjà quelques records
sous le marteau.
Les lots-phare ont tenu
leurs promesses
et les amateurs
se sont régalés :
13,6 millions
de francs suisses
ont changé de main…
1)
••• LA CRAVATE ROSE
QUI PORTE BONHEUR À AUREL BACS (CHRISTIE’S)...
Il y a toujours un peu d’électricité dans l’air quand commence une session Christie’s, surtout quand plusieurs lots « millionnaires » [en francs suisses, en dollars ou en euros : peu importe !] sont inscrits au programme de la matinée. Le ballet est immuable – et presque sublime de précision. On commence par se faire les dents sur les lots secondaires, le tout-venant, les montres d’occasion [Christie’s garantit que pas une seule ne vient du déstockage d’un détaillant] et les montres de poche courantes…
••• Les premières escarmouches commencent avec les premiers lots à six chiffres. Les acteurs sont en place, placés dans les zones stratégiques de la salle. Aurel Bacs étant droitier, il est plus efficace de se situer dans son champ visuel « naturel », à droite dans le dernier tiers de la salle : comme il domine l’assistance du haut de sa chaire, il voit mieux les enchérisseurs – le plus souvent italiens – placés à vingt mètres que ceux qui sont assis sous son nez. Alternative tactique : le fond de la salle, près de l’allée centrale, ce qui permet d’enchérir discrètement, sans se faire repérer par les compétiteurs…
••• C’est parti. Les Italiens sont en place, marchands et grands collectionneurs mêlés. Les Milanais ne se confondent pas avec les Romains ! Les jeunes ambitieux respectent l’espace vital des monuments du négoce – ceux qui biddent (« enchérissent ») à partir de six chiffres sous le marteau. Les acheteurs des musées sont assis de façon à surveiller les assistants d’Aurel Bacs [son show ne mobilise pas moins d’une vingtaine de personnes, à la table d’huissier comme aux téléphones reliés avec le monde entier].
2)
••• LES GRANDS FAUVES SORTENT LEURS GRIFFES
QUAND ARRIVENT LES PROIES À SIX CHIFFRES...
Innovation de cette année : l’écran qui annonce les enchères en ligne, visible par toute la salle [ce n’était pas le cas les années précédentes]. Autre innovation, tout aussi appréciable pour le confort de l’assistance : un appariteur fait la police dans le hall au fond de salle pour y limiter les conversations privées. Christie’s a prévu un salon privé pour ses invités, ce qui évite aussi les conversations dans la salle de vente. Excellents canapés pour la pause café, avec un écran qui retransmet les enchères [c’était une des critiques de Business Montres lors des précédentes sessions de novembre] : Christie ‘s a bien reçu le message et consolide ainsi son statut de « grande puissance invitante » – c’est encore plus frappant alors qu’Antiquorum, dont c’était un des atouts, a renoncé à ce salon annexe pour faire des économies…
••• Cravate rose (assortie aux Patek Philippe roses) et veste siglée Christie’s, Aurel Bacs domine son sujet autant que les lieux. Pour s’éclaircir la voix, il pratique le verre de lait juste avant la session. Son marteau bat la cadence. On le dit « faible » en montres chinoises et « spécialiste » des seules montres-bracelets. Idée reçue ! Non seulement, il pousse très haut ses montres de poche et ses montres émaillées (lots n° 55 adjugé à 52 000 CHF sous le marteau, n° 67 à 80 000 CHF, n° 68 à 85 000 CHF, n°69 à 160 000 CHF ou n° 71 à 380 000 CHF), mais il parvient même à réveiller pour ces montres l’intérêt des rangs de chaises exclusivement occupées par les spécialistes des montres contemporaines de collection ! La bataille reste cependant très asiatique et surtout téléphonique, encore que quelques musées privées et des collectionneurs européens aient pu se faire plaisir avec les lots exceptionnels ci-dessus [de là à penser qu’on a laissé le tout-venant aux « Chinois »]…
••• Vient l’heure où les grands fauves s’étirent, sortent leurs griffes (pardon, leur paddle), ouvrent le catalogue à la bonne page et prennent leur élan pour les « grands lots » de référence. Ceux qui excitent les amateurs, comme le lot n° 75 (une Patek Philippe World Time de poche, partie à 75 000 CHF pour une estimation à 20 000-30 000 CHF). Un télescopage intéressant au passage : même mouvement et même complication chronographique pour deux pièces Patek Philippe, mais le lot n° 77 est une montre de poche (adjugée 37 000 CHF, ce qui est déjà très bien) et le lot n° 78 une montre-bracelet réf. 130 (adjugée 65 000 CHF, ce qui n’est pas si réussi que ça)...
••• Ce qui ne veut pas dire que les montres de poche Patek Philippe sont désespérantes : la rarissime petite et grande sonnerie de poche réf. 768 s’envole à 600 000 CHF dans la collection d’un amateur européen (estimation : 300 000-500 000 CHF). Autre exemple de montre de poche à succès : le chronographe rattrapante calendrier perpétuel et répétition minutes réf. 658, estimé 150 000 CHF est adjugé à 200 000 CHF sous le marteau. Il ne faut donc pas renoncer à penser que, un jour, les « poches » Patek Philippe seront au niveau des montres-bracelets.
•••On passe ensuite aux choses sérieuses avec la réf. 1579 de Patek Philippe (lot n° 80), la première jamais passée en vente en or/acier, préemptée sans discussion par un musée privé à 920 000 CHF. Ou une des Patek Philippe les plus sous-estimées parmi les plus exceptionnelles : la réf. 2524 (lot n° 182), une répétition minutes d’une grande élégance, dotée d’un mouvement superbement compliqué, pari à 380 000 CHF pour une estimation basse à 300 000 CHF. Ne pas oublier, dans ces « bêtes de collection », la réf. 1436 (lot n° 181), adjugée à 320 000 CHF pour une estimation à 200 000-300 000 CHF...
3)
••• LES GRANDS RECORDS
D’UNE GRANDE MATINÉE EN SALLE DES VENTES...
L’énergie qui circulait chez Christie’s contrastait, évidemment, avec la relative atonie du marché tel qu’on a pu la ressentir chez Sotheby’s (dans une moindre mesure) et surtout chez Antiquorum. 2 % de lots ravalés : c’est phénoménal et ça prouve le bel appétit des amateurs dès qu’on leur titille les papilles ! 13,6 millions sous le marteau en une seule matinée, c’est déjà plus que l’estimation totale du catalogue Christie’s avant la vente, et plus que le total cumulé de toutes les sessions de dimanche.
••• Explication : les records ! Reine du catalogue, la montre chronographe tonneau monopoussoir du lot n° 81 (pièce probablement unique repérée par Business Montres dès le 13 avril) s’est soldée par une bataille au plus niveau, la Chine relançant la Malaisie, qui relançait la Suisse (un grand amateur et une musée privé !), le « clan des Italiens » se reformant in extremis pour rafler la mise à 2,8 millions de francs suisses (3,63 millions de facture finale), un record absolu pour une « smple » chronographe Patek Philippe aux enchères. On notera au passage l’important effort de documentation opéré pour cette montre – ceci expliquant cela...
••• Deuxième record de la matinée : le chronographe rattrapante Rolex du lot n° 129 (repérage Business Montres du 15 avril), très disputé lui aussi par les « grands fauves » jusqu’à 860 000 CHF, soit 1,03 million de francs suisses ou 1,1 million de dollars avec les frais – c’est-à-dire un record absolu pour une Rolex vendue aux enchères. Business Montres a bien fait de parier sur le succès de cette montre, qui n’était pourtant pas la plus belle de toutes celles qui sont connues dans cette référence 4113...
••• Troisième record, mais sans doute pas le dernier de la journée : les 950 000 CHF décrochés sous le marteau par la réf. 1518 de Patek Philippe (lot n° 184), une merveille de chronographe calendrier perpétuel et phases de lune en or rose (image ci-dessus), parti rejoindre la collection d’un amateur suisse décidément plein de bonnes idées au cours de cette matinée. Comme quoi, quand la montre est « charismatique » et bien documentée, les enchères peuvent tutoyer les anges...
••• La suite, cet après-midi, avec la dispersion de lots très variés parmi lesquels les amateurs se plairont à dénicher quelques pépites : on parlait ainsi, dans les canapés du lounge Christie’s, de montres anglaises notoirement sous-évaluées – parce que mal référencées et documentées ! C’est reparti pour la course aux records. Le pari de Business Montres tient toujours : les dix premiers lots de Christie’s égaleront-ils par leur prix la totalité des enchères du dimanche chez les concurrents ? |