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Aurel Bacs superstar installe Christie’s sur orbite (seconde partie)
 
Le 18-05-2011
de Business Montres & Joaillerie

Irrésistible,
la mécanique horlogère
de Christie’s ?

Dès le début
de l’après-midi,
Aurel Bacs avait dépassé
sous le marteau
le montant cumulé
des enchères réalisées
par ses concurrents.
Un triomphe annoncé
(26,3 millions de dollars),
riche de nouveaux records,
qui recèle cependant
quelques dangers
pour l’avenir...



1)
••• LA CHRONIQUE ANNONCÉE
D’UNE MARCHE TRIOMPHALE CAPABLE
DE VOLER DE RECORD EN RECORD...

On pensait les grands musées des marques un peu lassés de rafler aux enchères les plus belles créations de leur passé. C’est paradoxalement le plus actif d’entre eux – le Patek Philippe Museum de Genève – qui s’est montré le plus modéré, en laissant filer vers quelques collections privées d’importantes pièces que la rumeur publique lui destinait : mansuétude qui n’a pas empêché ce même musée de rafler, au nez et à la barbe d’amateurs moins fortunés, quelques montres réellement importantes de l’histoire de l’horlogerie mécanique [là où d’autres musées préemptent les montres importantes pour... l’égo de la marque et de ses dirigeants]...

••• On a également suivi de près le comportement des représentants officieux du musée Rolex [du moins de ce qu’on suppose devoir être un jour le futur musée Rolex], de l’acheteur d’Audemars Piguet, du conservateur du musée Omega ou des experts du musée Breguet, qui ont laissé 350 000 CHF sous le marteau d’Aurel Bacs pour repartir avec le quantième perpétuel n° 2516 réalisé en 1929 (lot n° 426). Une pièce considérée comme la première montre-bracelet avec quantième perpétuel spécialement développé pour le poignet (et non dérivé d’un calibre de poche). Une montre déjà passée plusieurs fois aux enchères depuis 20 ans, mais jamais vraiment comprise des amateurs (probablement à cause de sa petite taille ou de son boîtier tonneau) et désormais inexpugnablement casée dans les collections de Breguet.

••• Tout l’après-midi, 245 lots étaient au programme : il ne fallait donc pas chômer et certaines séquences ressemblaient à l’abattage, surtout quand Aurel Bacs – soucieux de préserver sa voix – confiait pour quelques séries de montres le marteau à Rahul Kadakia, un auctioneer apparemment spécialiste du contre-la-montre horloger. Il en fallait plus pour émouvoir l’assistance, en rotation permanente selon les séquences (occasion, poche, collection, exception) puisqu’on peut désormais se détendre dans le lounge proposée par Christie’s. C’est d’ailleurs cette suite, dont le magnifique balcon offrait une des plus belles vues de Genève sur le Rhône et le jet d’eau, qui est devenu, l’espace d’une vente, la plus fantastique boutique horlogère de toute l’Europe : les marchands – qui sont des esthètes méconnus – avaient à cœur de négocier, entre eux, le contenu de leurs poches, mais ils préféraient le faire au soleil et au grand air. Très sollicités pour ces ventes parallèles : les marchands américains, qui avaient acheté quelques merveilles au son d’un dollar très faible et qui venaient les revendre au son d’un franc suisse plus gaillard, le différentiel monétaire assurant quelques substantiels profits en plus de rembourser les frais de voyage...



2)
••• LE SOURIRE DES PETITS MALINS
ET LA TRISTE FIGURE DES « COCUS » DE L’ABONDANCE...

C’est aussi dans ce lounge Christie’s que se commentaient les meilleures affaires des uns, et – rarement – la déception des autres, ceux qui avaient choisi d’afficher des prix de réserve plutôt bas pour tenter d’attiser l’appétit des enchérisseurs. À ce petit jeu, certains en ont été de leur poche, leurs montres s’étant vendues moins cher qu’en boutique ! Explication de certains prix décevants pour des montres d’occasion : l’abondance de belles montres dans un catalogue très riche, où des pièces qui auraient probablement déclenché les passions chez d’autres maisons d’enchères ont sous-performé tellement elles étaient environnées de montres exceptionnelles.

••• Premier exemple : la grande et petite sonnerie répétition minutes de A. Lange & Söhne (lot n° 221), une magnifique montre de poche squelettée, n’a été adjugée qu’à 240 000 CHF, ce qui fait, certes, beaucoup d’argent, mais qui reste relativement bon marché (toutes proportions gardées) pour une telle pièce, qui se serait probablement vendue 30 ou 40 % de plus dans un autre catalogue. Tant mieux pour le collectionneur qui a bénéficié de cette aubaine...

••• Autre exemple de « bonne affaire », tout de même payée 600 000 CHF sous le marteau : le lot n° 259, un chronographe Patek Philippe or/acier, qui est le premier petit calibre chronographe jamais réalisé par la manufacture (11 lignes monopoussoir). Estimé (défensivement) 350 000-550 000 francs suisses, on le considérait un peu comme une « pépite » cachée de ce catalogue. Même à 600 000 CHF, cette possible « pièce unique » un très bon achat pour les collections du Patek Philippe Museum. On notera au passage cette paradoxale évolution conceptuelle, désormais admise par tous : chez Aurel Bacs, on fait des « bonnes affaires », même à 600 000 CHF...

••• Impossible de citer toutes les adjudications [voir la liste des prix sur le site de Christie’s]. Quelques rapides notations au passage, sans la moindre prétention exhaustive :
• La sous-cote inexplicable de certaines montres de poche Patek Philippe, comme le chronographe réf. 687 (lot n° 256), seul modèle en acier de ce type connu à ce jour, parti à 32 000 CHF...
• Les 500 000 CHF sous le marteau des deux montres du maréchal Italo Balbo (lot n° 270), des pièces « historiques » parfaitement documentées et « environnées » pour piquer la curiosité des amateurs italiens...
• La « sagesse » définitive de la cote des Rolex Daytona, qui confirmait chez Christie’s le constat de la veille chez Sotheby’s et Antiquorum : seuls les montres exceptionnelles se vendent à des prix exceptionnels, le restant – notamment les montres d’occasion récentes – retrouvant des cotes « normales »...
• Même constat pour les autres Rolex (Submariner, GMT, Milgauss) : il en faut beaucoup – rareté, état de fraîcheur, provenance – pour affoler les enchères, mais, quand c’est le cas, il n’y a plus de limite ! 110 000 CHF sous le marteau pour le lot n° 131 : une GMY-Master en or de 1959. 85 000 CHF pour le lot n° 332une « James Bond » (Submariner réf. 6536) joliment décolorée. 195 000 CHF (résultat légèrement décevant, malgré tout) pour une Cosmograph réf. 6269 sertie (lot n° 334)...
• 8 500 CHF pour 44 catalogues Antiquorum de 1974 à 1987 (lot n° 351) : il faut toujours garder sa documentation !
• Forcément une très bonne affaire : les 420 000 CHF pour une des plus belles Patek Philippe jamais passée aux enchères, un calendrier perpétuel en or réf. 3448 de toute beauté (lot n° 397), remarquable par sa fraîcheur (on la croirait jamais portée), son bracelet tressé et son magnifique cadran...
• Dans le même esprit que la montre ci-dessus, la réf. 3450 partie à 300 000 CHF (lot n° 426) pourrait annoncer la surcote prochaine de ces QP Patek Philippe aux cadrans si « charismatiques » grâce à leur phase de lune et leurs compteurs très harmonieux. Même réflexion pour la réf. 1526 (lot n° 425) adjugée à 95 000 CHF. Après la vogue des chronos QP de la marque, on voit se profiler le printemps de ces calendriers perpétuels plus simples, mais non moins expressifs...
• Succès final avec les 470 000 CHF décrochés par le lot n° 429, un chronographe deux compteurs réf. 1579 de 1950 en état de new old stock, jamais revu sous le marteau depuis 1990, qui avait tout pour plaire et qui a plu...



3)
••• C'EST QUAND TOUT VA BIEN
QU'IL FAUT SE POSER DES QUESTIONS SUR L'AVENIR...

Addition finale : 26,3 millions de dollars sous le marteau (25 % de plus que la vente pourtant très réussie de mai 2010) et 98 % de lots vendus – ce qui prouve au minimum un certain savoir-faire dans la composition du catalogue. Les estimations basses-hautes situaient les résultats autour de 13-18 millions de dollars : autant dire qu’on a explosé les compteurs, avec une douzaine de records battus pour les références concernées (dont le record absolu pour une Rolex). Business Montres (15 mai) annonçait un montant supérieur au cumul des deux autres maisons d’enchères : on est très au-delà. Autre pari de la rédaction : au moins trois montres « millionnaires ». Gagné : il y en a quatre ! Le dernier pari – les dix premiers lots de Christie’s supérieurs en prix au cumul des autres maisons – ne l’est pas vraiment (11 millions contre 15 millions), mais on se battait là à 10 contre 859...

••• Impossible, donc, de ne pas saluer comme il convient la performance de « Super-Aurel », même si ce triomphe annoncé commence à poser quelques problèmes pour l’avenir : il n’est jamais très bon pour une industrie (et les enchères horlogères en sont une) d’avoir un compétiteur en situation de quasi-monopole (et Christie’s en est quasiment un). On pourrait soulever d’autres questions en conclusion de ce week-end de vente, et on le fera dans les prochains jours. En attendant, savourons cette victoire des belles montres, de la grande culture horlogère et de la vraie passion sur les artifices marketing et les mirages marchands d’une Asie qui avale tout...

 



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