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Antonio Calce
(Corum)
se cherchait
un porte-parole
de renom
sur le marché suisse :
à deux pas
de sa manufacture
de La Chaux-de-Fonds,
il a trouvé
Didier Cuche,
le plus titré
des champions
suisses de ski,
accessoirement
double champion du monde.
Explications
de ce recrutement
sur des pentes
où on n’attendait pas Corum...
1)
••• « PENSER GLOBAL POUR AGIR LOCAL »...
De prime abord, le ski est un sport solidement verrouillé : Hublot y a préempté durablement les épreuves mondiales, en délogeant Longines de son royaume des neiges. Avantage du ski : c’est quasiment plus fort et plus populaire que le football pour certains peuples (cultures alpines – dont la Suisse – ou nordiques). Inconvénient : les Chinois ne connaissent pas et n’y comprennent rien. C’est donc un sport très « occidental », voire même strictement « européen » – impossible de passionner les Américains pour le ski !
••• D’où les questions qu’on peut se poser sur le recrutement d’un Didier Cuche comme nouveau « porte-parole » (ou « ambassadeur » ou « ami de la marque » : rayez la mention inutile !) de la manufacture Corum. Antonio Calce aurait-il perdu la main ? En fait, il faut y regarder de plus près, et même de très près pour comprendre ce qu’est un Didier Cuche (voir son palmarès sur Wikipedia) dans l’univers du ski alpin et ce que ce champion – aujourd’hui en fin de carrière – représente dans l’inconscient collectif suisse (voir son site personnel)...
••• Il faut aussi prendre un peu de recul pour mettre en perspective ce recrutement, qui devrait être annoncé officiellement ces jours-ci. Dans sa stratégie globale de requalification internationale de la marque, Antonio Calce a clairement opté pour les horizons nautiques : Business Montres (10 juin, info n° 1) relatait récemment comment Corum s’était offert un consultant vélique de luxe, Loïck Peyron, chargé notamment de développer des nouveaux concepts de montres de régate. Il manquait cependant à Corum un point d’appui local pour déployer avec pertinence cette stratégie globale (ce sera plus tard le cas sur d'autres marchés)...
2)
••• DIDIER CUCHE COMME « LÉGENDE IDENTITAIRE »
CAPABLE DE LABOURER EN PROFONDEUR LE TERRAIN SUISSE...
Si Loïck Peyron fait partie de ces marins de légende qui adorent naviguer sur le Léman, il est cependant difficile de rebâtir une image cohérente et durable sur quelques jours de navigation par an. D’où l’idée d’approfondir le raisonnement local en s’associant avec une vraie célébrité suisse, côté romand mais encore plus côté alémanique, une sorte de « roi des montages », chargé de l’or et de l’argent de multiples médailles, dix-sept fois vainqueur dans les grandes compétitions internationales, soixante fois sur le podium, qui était encore n° 2 mondial en 2011. Il faut être Suisse pour comprendre la notoriété et le charisme d’un Didier Cuche, dont une des célébrités reste la collection de casques Ovomaltine (image ci-dessus). Pour Corum, il sera plus Suisse que skieur, et plus star que champion : on ne retouche pas une légende, on l'honore et on le respecte !
••• Il faut avoir le flair d’Antonio Calce pour aller chercher un tel monument, à deux pas de La Chaux-de-Fonds, et le convaincre de devenir le prochain champion des montres Corum : comme Didier Cuche n’est pas loin de sa retraite sportive, il aura encore plus de temps à consacrer à la marque. On le verra donc skier avec des détaillants ou avec des clients. Pendant les trois ans de son contrat, il sera de tous les événements locaux ou même continentaux de la manufacture, à laquelle un Didier Cuche peut apporter une visibilité inespérée. Compte tenu des idiomatismes culturels suisses, il était difficile de faire un meilleur choix local pour mettre en scène une stratégie globale. N'oublions que la Suisse est un petiit marché commercial, mais un immense creuset d'image pour les marques en quête de reconaissance internationale [le flux des touristes chinois a fait de Lucerne la première place suisse pour les ventes de montres, depuis Genève et Zürich]...
••• En fait, comme il l’a fait depuis plus de cinq ans qu’il se bat pour relancer Corum à un niveau digne de son passé, Antonio Calce a pris un raccourci marketing qui va lui permettre de gagner du temps : pour mettre en avant la marque, il a pris une légende du ski pour levier, sinon comme soc pour labourer en profondeur le marché suisse. C’est une démarche strictement comparable à l’opération Loïck Peyron ou, en Russie, au partenariat avec le Zenit, club de football de Saint-Petersbourg (une opération discrètement menée, avec édition spéciale à la clé, mais repérée et révélée par Business Montres le 10 mars dernier, info n° 2)...
••• Didier Cuche parle parfaitement le suisse allemand : quand on sait que cette partie – largement majoritaire – de la Suisse reste une « terre de mission » pour les horlogers romands, on se dit que le champion aura besoin de quelques rations supplémentaires d’Ovomaltine pour trouver l’énergie de reconquérir l’« autre Suisse », si peu horlogère. A quand une série limitée... Ovomaltine (code orange/bleu) en hommage au grand champion de ski ? |