|
Un départ
aussi inattendu
qu’urgent, au vu
de la fulgurance
de l'opération...
Conservateur
du Patek Philippe
Museum
depuis 2000,
Arnaud Tellier
était une figure
réputée du milieu
des grands collectionneurs
internationaux,
en même temps
qu’un expert avisé
et reconnu pour sa pertinence
comme pour son sens
des affaires.
Pas d’explications officielles,
mais les rumeurs courent...
••• LE MUSÉE PATEK PHILIPPE SE SÉPARE
DE SON CONSERVATEUR VEDETTE (ARNAUD TELLIER)...
A force de passion, d’engagement et de présence dans les ventes, où il représentait les « intérêts de la maison » (inutile de préciser laquelle, tout le monde savait qu'il était question de Patek Philippe), Arnaud Tellier avait fini par incarner le musée Patek Philippe de Genève, dont il était le conservateur depuis l’ouverture en 2000 (image ci-dessus). Pour en enrichir les collections (uniques au monde), il sillonnait la planète à la recherche des plus belles pièces, dénichées dans les collections privées ou dans les salles d’enchères : il était LA référence pour les Patek Philippe de collection et ses avis étaient paroles d’Evangile, puisqu’il avait à sa disposition les archives de la maison, pour les montres, les boîtes et les cadrans...
••• Son départ, plutôt brutal et très pressé [tout a été réglé en quelques heures] a résonné comme un coup de tonnerre dans le ciel sans nuages de l’été genevois. L’éviction d’un homme qui était devenu la clé de voûte de l’actuel « système » des enchères de montres de collection ébranle considérablement ce milieu, dont Business Montres a suffisamment dénoncé ici les connivences et les complaisances pour ne pas insister. Formé à l’école Sabrier (Jean-Claude) dont il était voisin dans sa Normandie natale (originaire de Rouen, Arnaud Tellier a une autre passion : les peintres de l’école de Rouen), le futur conservateur du Patek Philippe Museum avait fait ses premières armes chez Antiquorum : il considérait Osvaldo Patrizzi comme son « père spirituel ».
••• Deux parrainages prestigieux, qui lui avaient cependant communiqué une aura parfois sulfureuse dans le mundillo des collectionneurs, qui en racontaient beaucoup à son sujet sans jamais vraiment convaincre. Aurait-il été victime d’une cabale montée contre lui auprès de Philippe et Thierry Stern, qui, depuis quelques mois, semblaient avoir pris leurs distances vis-à-vis de leur « tête chercheuse » en raretés horlogères ? L’éthique et les affaires font rarement bon ménage, surtout dans un milieu aussi gangréné que celui des enchères en général, et des enchères horlogères en particulier...
••• Une page de l’histoire des montres de collection se tourne : peu, sinon très peu, d’hommes ont la connaissance qu’avait Arnaud Tellier de l’horlogerie des XVIIIe, XIXe et XXe siècle. C’était une « mémoire vivante » de l’histoire de Patek Philippe et de la belle horlogerie genevoise : la culture horlogère lui doit beaucoup ! C’est lui qui a orchestré et mis en musique les principaux « records horlogers » de la dernière décennie. Il n’avait pas formé de successeur : autant dire qu’il est quasiment irremplaçable – en amont pour certifier ou diffuser des connaissances, mais aussi en aval pour mettre en œuvre une politique d’achats cohérente pour les collections du musée.
••• Son départ en annonce peut-être d’autres au sein de son équipe, notamment aux archives Patek Philippe, division absolument stratégique pour la politique d’auction marketing qui fonde une partie du message de la marque. On espère qu’il ne s’agit pas d’un signal qui annoncerait un désinvestissement programmé de Patek Philippe dans ce domaine patrimonial, aujourd’hui vital pour la manufacture comme pour l’ensemble de la profession...
••• Privée d’un « juge de paix » qui l’agaçait, mais qu’elle flattait en le jalousant pour le pouvoir qu’il s’était donné, la planète des collectionneurs est aussi durablement déstabilisée que le microcosme des maisons d’enchères, qui perd là une boussole quasi-vitale pour la pertinence de ses catalogues. C’est peut-être cet excès de pouvoir qui a été fatal à Arnaud Tellier. La morale des vraies maisons horlogères de tradition est impitoyable : on est là pour la servir, jamais pour se servir d’elle. Du moins, il ne faut jamais avoir la faiblesse de s'y croire indispensable : Arnaud Tellier le savait, mais...
••• Une page de l'histoire de la collection des montres se tourne, celle des vieux copains et des vrais coquins, celle des envois et des retours d’ascenseur, celle des intérêts bien compris des uns qui sont aussi les profits mal acquis des autres. Arnaud Tellier n'était en rien le promoteur de cette dérive systémique, mais il en était volens nolens un des acteurs. Pour les enchères horlogères, qui n’existent guère que depuis une génération (Osvaldo Patrizzi a co-fondé Antiquorum avec Gabriel Tortella au milieu des années 1970), l'événement marque l'entrée dans l’âge de la maturité en même temps qu’une occasion idéale pour rompre avec les mauvaises habitudes du passé. Privées de leur « gourou », les montres de collection vont-elles connaître un nouveau printemps de transparence ? On ne peut que le souhaiter, mais ce n’est pas aux lecteurs de Business Montres qu’on démontrera la nécessité de cette nouvelle transparence... |