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Le « franc fort » nous rendra-t-il plus fort ?
 
Le 25-08-2011
de Business Montres & Joaillerie

Le franc suisse consolide sa valorisation quand les monnaies internationales concurrentes s'affaiblissent.

A qui la faute ? Pas aux horlogers, qui subissent un handicap dont ils se seraient bien passés !

Et si on en profitait pour positiver au lieu de se lamenter ?

C’est peut-être une chance historique à saisir pour entrer vraiment dans le XXIe siècle...


1)
••• LES LAMENTATIONS RITUELLES
QUI NOUS ENTRAÎNENT DROIT DANS LE MUR...

Le franc suisse ne cesse de se renforcer face aux monnaies internationales ? Rien qui arrange vraiment les directions des maisons horlogères, mais elles ont l’habitude de pleurer, quelle que soit la conjoncture, que le dollar soit fort ou faible et que l’euro s’annonce fringant ou déprimé. Ce n’est jamais le bon moment, ni le bon agenda ! Et ce n’est sans doute ni la première, ni la dernière fois : l’histoire horlogère est pavée de crises plus ou moins provoquées – en entrée ou en accompagnement – de tensions monétaires internationales...

••• À PARTIR DE LÀ, DEUX RÉFLEXES POUR LES ENTREPRENEURS : la médecine interne ou la médecine externe. Faute d’imagination, on préfère généralement s’en remettre aux autres pour résoudre le problème : fort de sa superbe et du poids que donne à sa parole une position dominante, le Swatch Group admoneste ainsi la Banque nationale suisse pour qu’elle intervienne. Laquelle n’en peut mais avec ses petits bras – au mieux quelques centaines de milliards – face aux dizaines de milliers de milliards de devises (dollars + euros + yens) en cause. Les profits restent toujours privés, mais il est nettement plus facile de se retourner vers l’Etat et les autorités monétaires pour s’éviter des pertes d’exploitation difficiles à justifier pour les actionnaires : pas très libéral, un peu infantile (« Allo, maman, bobo ! »), mais très classique, comme réflexe ! C’est, en tout cas, le meilleur moyen de s’exonérer d’une réflexion en profondeur sur la nature de cette crise monétaire et sur ses conséquences...

••• PEUT-ON IMAGINER QUE LES DETTES SOUVERAINES vont brutalement disparaître et que les Etats concernés (ceux de l’Union européenne, les Etats-Unis, le Japon) vont instantanément retrouver les chemins de la vertu gestionnaire ? Pas vraiment, donc ça ne va pas s'arranger de sitôt : autant prendre acte du fait que le monde est durablement enfoncé dans cette ornière ! Les vraies tempêtes – celles qui secouent les poids lourds et les premiers rôles, et non les figurants grecs ou espagnols – sont plus probablement devant nous que derrière nous. Impossible de tabler raisonnablement sur un retour rapide aux légendaires parités des années 2000 – quand le franc suisse valait trois-quarts d’euros ou de dollars...



2)
••• DES EFFORTS DE PROSPECTIVE
ET D’IMAGINATION POUR PENSER « HORS DES CLOUS »...

Donc, pour résumer, les entrepreneurs horlogers n’y peuvent rien et la Banque nationale suisse ne peut rien pour eux dans une conjoncture durablement plombée : autant essayer la médecine interne ! C’est moins facile que de quémander des aides de l’Etat et ça oblige à faire preuve d’imagination autant que de clairvoyance dans l’analyse de la situation. Pour une industrie aussi exportatrice que l’horlogerie suisse (dont le marché intérieur est résiduel, hormis les achats touristiques), cette réflexion est même une question de survie. On a déjà essayé les vieilles recettes, dont on voit aujourd’hui les limites : plus question de pratiquer à l’infini des augmentations de tarif sous peine de faire craquer l’élastique. Il n’y a guère plus de réserves de ce côté-là et toutes les marques sont quasiment au plafond de leur marge de manœuvre : trois, voire quatre ou cinq augmentations de prix en moins d’un an, avec 15 % à 20 % de hausse sur des produits strictement identiques, il ne faut pas prendre les amateurs pour des crétins ! No way d’ici à la fin de l’année (après la dernière salve de septembre), sauf entêtement suicidaire...

••• LES GRANDS GROUPES DE LUXE (pas tous, malheureusement) ont des équipes bien rôdées pour gérer les risques monétaires. Certaines marques indépendantes ont procédé avec intelligence à des provisions en devises internationales. Intéressant, mais marginal et homéopathique pour évoluer dans un monde durablement voué à un franc fort – pas forcément surévalué – face à des devises faibles : la rigueur d’une bonne gestion monétaire (cash pooling) est au mieux un remède curatif, quand la situation exigerait une sévère cure préventive. Il y a quelques marges de manœuvres à grignoter du côté des centrales de factoring chères aux grandes marques (optimisation fiscale à Madère et à Hong Kong pour le Swatch Group), sachant que les pertes de change ne deviennent effectives que si les devises en question sont rapatriées. Par exemple, on peut très bien imaginer que les dollars amassés en Asie y restent, sous une forme ou une autre : c’est une pure question d’ingéniérie gestionnaire pour les liquidités...

••• LE RECOURS À LA MÉDECINE « INTERNE » va surtout réclamer des révisions déchirantes des pratiques actuelles, en termes de marges comme de productivité. Il est sidérant de voir une industrie qui s’affirme avant-gardiste produire ses mouvements et ses composants d’habillage en 2011 comme il y a vingt, trente ou quarante ans – à quelques détails informatiques et numériques près. Les chaînes logistiques et les process industriels n’ont guère évolué, à quelques exceptions près : même les plus avancés dans ce domaine [par exemple, TAG Heuer pour la production de ses nouveaux chronographes] restent d’une timidité confondante si on compare la supply chain horlogère à celle des autres grandes industries mécaniques. On attend encore, dans les usines horlogères de 2011, une révolution industrielle comparable à celle qu’avait entrepris Nicolas Hayek en 1981, pour garantir la survie des montres suisses à travers la production de la Swatch...

••• IL EST TOUT DE MÊME TERRIFIANT DE CONSTATER que, pour pallier la prochaine pénurie de mouvements, avec la non-livraison programmée (quoique mal anticipée) des calibres et des assortiments ETA, les très rares industriels engagés sur ce terrain ne soient pas, d’une part plus nombreux, et d’autre part plus ambitieux : on réplique à l’infini les mêmes mouvements qu’à l’âge de la micro-mécanique pure (pré-numérique), sur les mêmes bases conceptuelles de fonctionnement technique, dans les mêmes tailles et avec les mêmes principes de production. Il est tout aussi terrifiant de remarquer à quel point les investisseurs sontégalement frappés de timidité dans ce domaine, alors que le futur marché des mouvements mécaniques suisses non-ETA est proprement gigantesque : trois millions ou quatre de calibres mécaniques basiques à l’horizon 2015, c’est plutôt « juteux », non ?

••• TANT QU’À DONNER QUELQUES COUPS DE SCALPEL, autant repenser dans la foulée les procédures internes de travail de l’horlogerie et regarder la surévaluation (théorique) du franc suisse comme une chance à saisir : Business Montres évoquait récemment (22 août, info n° 7) quelques facteurs positifs de ce renchérissement de la monnaie suisse, comme les coûts de marketing à la baisse pour les opérations libellées en euros ou en dollars (du low cost le chronométrage de la F1 ou de la Coupe du monde de rugby). On peut y ajouter des frais de fonctionnement à la baisse pour les filiales, une pression publicitaire moins coûteuse sur les marchés internationaux ou des boutiques moins chères et plus nombreuses. Les prix de revient ne vont pas diminuer en Suisse, mais ils vont se réduire sur les marchés : de quoi compenser partiellement le « franc fort » – si on sait, du moins, correctement analyser la valeur là où elle se crée et profiter des avantages/désavantages monétaires de l’internationalisation de sa marque. Il ne s’agit plus ici de contrôler les coûts, mais de les comprendre – et c’est peut-être là trop demander à certains...



3)
••• S.O.S. VISIONNAIRES !
« RECHERCHE ENTREPRENEURS, DÉSESPÉRÉMENT »...

C’est là qu’on se prend à espérer l’émergence de nouveaux hommes providentiels et qu’on prend la mesure de l’influence décisive qu’ont pu avoir des hommes comme Nicolas Hayek sur l’histoire horlogère. C’est là qu’on peut comprendre à quel point il faut aujourd’hui « penser en dehors des clous » et réfléchir out of the box pour imaginer de nouvelles solutions pour l’infernale mécanique où la crise monétaire internationale tente de nous enfermer (hausse des prix, baisse des marges, profits en berne et sinistrose). La prime n’est pas aujourd’hui à ceux qui auront les plus gros biceps dans un douteux bras de fer avec les autorités bancaires suisses, mais aux entrepreneurs qui auront l’intelligence de mettre en place (du moins en piste) des applications industrielles innovantes, des concepts techniques radicalement alternatifs et des procédures internes réellement créatrices de valeur, avec des produits en phase avec les attentes des nouveaux amateurs des années 2010.

••• PIRE QU’UNE PÉNURIE DE MOUVEMENTS, c’est bien une pénurie d’imagination et d’intelligence de la situation qui menace aujourd’hui une industrie horlogère engoncée dans ses routines frileuses et dans ses certitudes obsolètes. Pire qu’une baisse de croissance ou qu’une réduction de ses marges, c’est bien un effondrement de son indice de créativité qui reste le facteur le plus critique. Avec, sans doute, sa consternante pratique de l’omerta et l’illusion léthale que chacun va pouvoir s’en tirer avec sa petite cuisine sur son petit fourneau dans son petit coin. Le défi économique est aujourd’hui collectif : la réponse entrepreneuriale ne saurait être que communautaire...

••• LE PROBABLE « REBOND » (RÉPLIQUE ?) DE LA CRISE DE 2008 va accélérer la mutation entamée à la fin des années 2000 : il s’agit maintenant de purger les erreurs du passé et de désintoxiquer tout le monde – que de métaphores médicales ! – pour renouer avec la grande santé. La demande de montres ne va pas diminuer de sitôt, surtout avec l’émergence de nombreux nouveaux marchés avides de signes de reconnaissance. En revanche, rien ne garantit que ces amateurs de montres seront toujours aussi attirés par les marques suisses – sauf si ces marques et les entrepreneurs horlogers faisaient preuve de l’incroyable résilience et de la fantastique faculté d’adaptation et d’innovation dont leurs prédécesseurs ont témoigné au cours de l’histoire...

••• DU COUP, ON SE PREND À RÊVER d’une horlogerie qui tirerait de nouvelles forces d’un franc toujours fort, et de nouvelles énergies d’une devise toujours plus solide dans les aléas de la mondialisation. On rêve ? Pour les vrais entrepreneurs, là où il y a une volonté, il y a un chemin...

 



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