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Puisqu’on vous dit que rien ne va plus dans les coulissesde l’horlogerie !
La preuve ?
Les pauvres fournisseurs des grandes manufactures, qu'on sait martyrisés et littéralement étranglés par les grands groupes, en sont réduits à revendre leurs très luxueuses berlines de fonction.
On s’inquiète déjà pour le marché des Bentley !
Mais que fait la Confédération pour aider les cadraniers en détresse ?
••• « À VENDRE : LIMOUSINE BENTLEY TURBO R
(VOITURE DE DIRECTION HORLOGÈRE, 107 000 KM, UN SEUL CHAUFEUR)...
Encore une victime du « franc fort » et de la crise des fournisseurs horlogers ? Merusa (un des boîtiers-cadraniers suisses les plus réputés pour les marques de luxe) a courageusement décidé d’immoler sur l’autel de la crise sa propre limousine de fonction, une Bentley Turbo R bleue, qui n’affiche guère que 107 000 km au compteur et qui s’annonce comme une première main.
••• 6 749 CM3 ET 320 CV : un minimum indispensable pour sillonner la Suisse horlogère au départ de Bienne, où se trouve le siège de l’entreprise. Un minimum pour être vraiment pris au sérieux par les manufactures de luxe (renseignements chez Merusa : + 41 32 366 80 00)...
••• CEUX QUI DOUTAIENT des réalités sous-jacentes de la « crise horlogère » trouveront là un indice flagrant des ravages de celle-ci chez les fournisseurs de l’industrie du luxe, désormais obligés de rouler dans de plus modestes et très incommodes voitures de direction. « Pire qu’une pénurie de mouvements, c’est bien une pénurie d’imagination et d’intelligence de la situation qui menace aujourd’hui une industrie horlogère engoncée dans ses routines frileuses et dans ses certitudes obsolètes », pronostiquait Business Montres le 24 août dans un article très discuté (« Le franc fort nous rendra-t-il plus forts ? »). Analyse qui en appelait à la « fantastique faculté d’adaptation et d’innovation » que les horlogers suisses ont manifesté tout au long de leur histoire...
••• PRENANT LE TAUREAU PAR LES CORNES, Merusa sacrifie sa Bentley d’entreprise : quel plus magnifique symbole d’un retour au réalisme et à la « révisions déchirantes des pratiques actuelles, en termes de marges comme de productivité » dont parlait Business Montres ?
••• TOUT CECI AVEC LA PRISE DE DISTANCE, les clins d’œil et l’ironie nécessaires pour calmer les esprits cafards qui auraient pris cette chronique « Rock’N’Horl » au tout premier degré. Encore que : il suffit de passer par le parking de l'EPHJ pour constater que le parc automobile des fournisseurs de l'horlogerie n'est pas exactement en cours de prolétarisation...
••• EN VÉRITÉ, APRÈS ENQUÊTE ET TOUTE IRONIE MISE À PART, il apparait que cette insolite « Bentley de direction » était celle d'un des derniers grands « barons de l'horlogerie » – l'équivalent pour les montres des « maîtres des forges » de l'ancienne industrie métallurgique européenne, avec tout ce que cela peut comporter de connotation affairiste et de morgue sociale. C'était la voiture de fonction de l'ancien président de Merusa SA, récemment décédé. La voiture est mise en vente par son fils, Thomas Nydegger, l'actuel président de l'entreprise... |