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L’arbre Patek Philippe qui ne doit pas cacher la forêt horlogère – # 1
 
Le 26-09-2011
de Business Montres & Joaillerie

Les quatre millions d’euros pronostiqués par Business Montres ont été largement dépassés : on a doublé le résultat de 2009...

Mais il faut se garder d’une illusion d’optique : aussi haut vole-t-elle, l’hirondelle Patek Philippe est loin d’annoncer le printemps...




1)
••• QUATRE MILLIONS ET DEMI D’EUROS
DANS LES CAISSES DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
CONTRE LES MYOPATHIES...

« On peut prendre les paris pour 1,3-1,5 millions »,
annonçait Business Montres le 30 août (info n° 1) à propos de la réf. 3939 en acier de Patek Philippe. Avec 1,4 million sous le marteau, on était vendredi soir pile au milieu de la fourchette du pari. De même, en évaluant l’impact potentiel de multiples pièces en compétition, on dépassait allègrement les trois millions, en flirtant ouvertement avec les quatre millions (Business Montres du 23 septembre, avant-dernier paragraphe) : les lecteurs n’auront pas été surpris par le résultat global, et ils savent déjà à quel point ce succès d’Only Watch nous va droit au cœur – de même que ces millions d’euros dans les caisses de l’AMM ne peuvent que réjouir tout le monde...

••• AU-DELÀ DE CETTE RÉUSSITE GLOBALE D’ONLY WATCH,, cette somme de quatre millions et demi d’euros pour quarante montres constitue un excellent signal adressé à tous les marchés : les belles montres restent indéniablement un vecteur dynamique de croissance, en même temps qu’une valeur montante dans l’univers du luxe. Le grand public et les perroquets médiatiques retiendront la symbolique brute de cette somme, qui valorise à une moyenne de plus de 100 000 euros pièce les créations en compétition. Formidable, mais les professionnels se doivent tout de même d’y regarder de plus près, pour ne pas commettre d’erreur de parallaxe dans leur analyse stratégique...



2)
••• ET PATEK PHILIPPE SAUVA
LE « SOLDAT ONLY WATCH »,
NON SANS QUELQUES DÉGÂTS COLLATÉRAUX...

Premier gagnant, et principal bénéficiaire – si ce n’est seul vainqueur – de toute l’opération : Patek Philippe. Thierry Stern est un magicien qui sait transformer l’acier en or : vendue en platine autour de 350 000 euros, la même montre (à peu de choses près) multiplie ainsi par quatre sa valeur du fait qu’il s’agit d’une pièce unique, dans un métal pourtant peu réputé : c’est stupéfiant. Bravo l’artiste ! Le grand collectionneur asiatique qui a mis ces 1,4 million d’euros sur la table savait ce qu’il faisait – et on peut parier que le facteur charitable n’a pas vraiment joué un rôle dans sa poussée des enchères. Cette adjudication – un peu en lévitation par rapport au marché – crée un nouveau mètre-étalon pour les Patek Philippe de collection en acier : on peut déjà parier que d’autres records nous attendent sous le marteau dans les mois ) venir...

••• EN REVANCHE, HEUREUSEMENT QU’IL Y AVAIT PATEK PHILIPPE pour « sauver le soldat Only Watch 2011 » (c’était notre expression, et on l’assume : Business Montres du 18 septembre, paragraphe 3). Sans cette réf 3939 en acier, le résultat final retombe au-dessus de la vente 2009, qui avait déjà été de même « sauvée » par la Patek Philippe adjugée à Jean-Claude Biver pour sa collection personnelle. Au passage, si un « petite réf. 3939 en acier vaut 1,4 millions d’euros, combien vaut la pièce unique Celestial réf. 5106 en or rose, qu’il avait payé 535 000 euros à l’époque ? Cette pièce unique était une présentation Business Montres du 23 juin 2009, avec la révélation sur le nom de son acheteur le 25 septembre 2009]...

••• UN PEU MÉCHAMMENT, Business Montres notait (18 septembre, paragraphe 2) que « n’importe quel âne porteur d’un marteau serait capable de faire battre des records » à une cette montre Patek Philippe en acier, qui était évidemment la pièce unique la plus attendue et la plus vendeuse de toute la vente Only Watch 2011. Le record a été battu, mais sans doute au détriment des autres pièces, qui n’ont pas bénéficié – à qui la faute ? – de la même mobilisation des collectionneurs du monde entier. On est loin d’avoir retrouvé la même dynamique pour les 39 autres montres – sachant qu’il faut bien faire la part des auto-adjudications à vocation cosmétique - on ne citera pas ce genre de maison ici : pour parler statistiques, 25 des 40 marques son au-dessous de leur estimation moyenne, le record étant battu par Vulcain (67 % au-dessous de sa propre estimation)...

••• PARMI LES DÉGÂTS COLLATÉRAUX les plus évidents, il faut bien entendu parler d’une dizaine de déceptions , qu’on qualifiera de majeures ou de mineures selon les cas, mais dont on se demandera – sans trouver de réponse évidente – s’il s’agit d’une étourderie, d’une gaffe marketing ou d’une sérieuse baisse dans la cote d’amour de ces marques. Dix marques, pour ne citer que celles-là, par ordre d’importance des adjudications :
•• Richard Mille :pour son retour à Only Watch, la marque ne confirme pas les espoirs qu’avaient pu faire naître ses pièces uniques des deux première éditions. Annoncée à 400 000-600 000 euros, la RM027 personnelle de Rafael Nadal n’a trouvé preneur qu’à 510 000 euros, soit quasiment son prix commercial ordinaire. Elle a sans doute souffert d’un storytelling un peu faible, et d’un vrai manque de différence visible par rapport à la pièce de série...
•• Harry Winston : l’addition (ou plutôt la soustraction) est sévère, avec 160 000 euros sous le marteau pour la Midnight GMT Tourbillon estimée à 200 000-250 000 euros. Le montant trop élevé de l’estimation n’était que la première faute d’une pièce déjà pas très excitante, mais ensuite très affadie par la façon dont elle a été exposée et justifiée dans les différentes expositions. Le résultat est logique si on l’analyse de près...
•• De Bethune : là, c’est la vie, grande et imparable déception, mais cette pièce, estimée 100 000-150 000 euros, n’avait aucune chance de se voir défendue auprès de son vrai public – celui des amateurs de montres exceptionnelles – dans la campagne de promotion d’Only Watch 2011. Déficit général de communication sur son caractère hors du commun - concept, décoration et mouvement - et déficit général de mobilisation, dans les expositions comme en interne : 80 000 euros sous le marteau (36 % plus bas que l’estimation moyenne), il y a au moins un amateur qui a fait une très bonne affaire...
•• Bovet : estimée 180 000-220 000 euros, la pièce unique Amadeo Dragon & Phénix (concept « convertible ») n’est arrivée qu’à 70 000 euros, ce qui est un peu humiliant (65 % de moins que l’estimation moyenne). Il est vrai que ce genre de pièce relève d’une catégorie de collectionneurs que ne touche pas Antiquorum. Bovet aurait dû (pu ?) de son côté faire l’effort de promotion et d’explication dont l’auctioneer s’abstenait. C’est toujours 70 000 euros de plus pour la recherche contre les myopathies, mais ce n’est jamais on pour l’image...
•• Urwerk : les malheureux 55 000 euros de l’adjudication de l’UR 103 gravée d’un phénix ne vont pas empêcher Felix Baumgartner de dormir, lui qui l’avait estimée 70 000-90 000 euros. Il a tort et il vient d’envoyer un signal pas forcément encourageant sur sa marque en particulier, mais sur toutes les montres de nouvelle génération en général...
•• Chopard : 35 000 euros pour une L.U.C. Engine One (plutôt réussie) estimée initiativement à 50 000-70 000 euros, c’est une forme de négligence de la part de la marque et, pour le moins, un manque d’implication dans les objectifs d’Only Watch – sans parler du manque de respect des règles non écrites de la compétition. 42 % sous l’estimation moyenne : une absence de réaction étonnante à ce niveau...
•• Louis Vuitton : on ne va pas tirer sur une ambulance, mais, tout de même, 35 000 euros pour un Chronograph Tambour Diving II dans son écrin sur mesure (image ci-dessus), c’est à peu près le prix de la mallette Louis Vuitton si on la commandait à l’atelier spécial d’Asnières (estimation initiale : 40 000-60 000 euros, ce qui donne 30 % de chute pour l’adjudication d'une pièce qui impliquait pourtant directement Paul Pettavino, le fils de Luc). Que la première marque mondiale de luxe laisse ainsi partir sans réagir une de ses pièces uniques est ahurissant, mais finalement révélateur des dysfonctionnements horlogers que chacun connaît pour cette « marque-phare » aux montres un peu éteintes ces derniers temps...
•• Hermès : la version Le Temps Suspendu de cette Arceau pièce unique méritait à l’évidence mieux que les 27 000 euros de son adjudication, alors qu’elle était estimée à 30 000-40 000 euros et qu’elle avait tout pour les dépasser. Ce n’est pas dramatique, mais il faudra absolument débriefer ce ratage monégasque en interne : c’était une des plus belles montres de l’année et cette pièce unique était encore plus belle (elle aurait justifié de devenir le symbole de la nouvelle valeur des complications Hermès)...
•• Bell & Ross : pourquoi avoir laissé filer à 18 000 euros une pièce unique en or qu’on estimait soi-même 20 000-40 000 euros ? On se demande comment le public de la marque prendra le message qui vient d’être ainsi émis : s’il est vrai que la marque n’est pas de celles avec lesquelles l’auctioneer a l’habitude de faire ses fins de mois, c’était à la marque de pallier ses insuffisances. L’estimation basse est certes purement symbolique, mais se faire mettre minable pour 2 000 euros, c’est navrant...
•• Chaumet : là, on touche aux limites du scandale, avec 4 500 euros pour une Dandy Arty pièce unique, soigneusement réalisée et estimée avec réalisme autour de 10 000-15 000 euros. Qu’il n’y ait pas eu, dans les boutiques Chaumet, ou même dans la direction de la marque, une petite voix pour éviter ce désastre, c’est ahurissant d’amateurisme : la pièce unique est partie à un prix inférieur à certaines pièces de série (64 % de décote par rapport à l’estimation moyenne) ! Inutile d’insister sur la gêne que procure cette place de lanterne rouge...

 



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