Recherche avancée
A propos
Emplois

Achat - Vente

Relations d'affaires

Contact
 

SWATCH GROUP - Nous ne parvenons plus à satisfaire la demande
 
Le 28-09-2011

L’horlogerie suisse est en situation de sous capacité de production, regrette Nayla Hayek, présidente du conseil d’administration de Swatch Group. Néanmoins, elle s’attend à réaliser une excellente année.

Nayla Hayek préside Swatch Group depuis le 30 juin 2010. Elle évoque pour Bilan la fin de l’aventure Tiffany Watch Co., les problèmes de sous-capacité de production, la force du franc, l’érosion des marges et la probable année record. Elle lève le voile sur la visite de Bernard Arnault(LVMH)àBaselworld et laisse entendre que Swatch Group pourrait s’allier à un concurrent suisse pour se développer sur le marché américain.

Michel Jeannot: Vous venez de mettre un terme à votre partenariat avec Tiffany & Co. et évoquez des «violations graves des relations contractuelles». Concrètement, que reprochez-vous au joaillier américain?
Nayla Hayek: Nous sommes depuis cet été dans une période d’arbitrage, mais rien n’y fait. Nous devons nous rendre à l’évidence: la société Tiffany ne semble pas intéressée par le marché de la montre. Non seulement la société fondée par Swatch Group, Tiffany Watch Co.,n’apassuffisammentdesupportdela sociétéTiffany&Co.,mais en plus on nous empêche de travailler et de développer ce business. Les reproches que nous avons adressés à Tiffany & Co. sont nombreux. Acommencer par l’absence de montres ou des emplacements inappropriés dans les boutiques Tiffany. Ce n’est là qu’un reproche parmi beaucoup de dysfonctionnements.

Lors de la création de la société Tiffany Watch Co. en 2008, vous parliez d’un accord historique. Vous aviez même pris la responsabilité de cette société. Que retenir de cet échec?
En 2007, ce sont les dirigeants américains qui se sont approchés de nous en nous disant «nous ne savons pas faire et promouvoir des montres, faites ce travail pour nous». Quelques mois plus tard, nous avons créé la société Tiffany Watch Co. avec de grandes ambitions. Mais peut-être avons-nous été trop naïfs de croire que Tiffany & Co. avait envie de donner une priorité aux montres.

Vous souhaitez demander des dommages et intérêts à Tiffany & Co. De quels montants parlons-nous?
Je ne peux évidemment pas vous le dire, mais sachez que le manque à gagner à terme est considérable.

Cette expérience avec Tiffany & Co. met-elle un terme à de possibles opportunités de production sous licence ou de coentreprise avec d’autres marques?
Nos relations avec la société Calvin Klein se passent très bien et nous entendons poursuivre ce partenariat. Cela étant, nous ne recommencerons jamais des collaborations du type de celle de Tiffany.

Concernant la marche des affaires, vous avez annoncé d’excellents résultats au premier semestre. Espérez-vous toujours dépasser pour la première fois la barre des 7 milliards de francs de chiffre d’affaires cette année?
Nous avons effectivement toujours cet objectif, mais l’environnement est très volatil, ce qui rend toute prévision difficile. Qui sait où en sera l’euro ou le dollar par rapport au franc dans six mois? Seule certitude, nous sommes partis pour réaliser une excellente année.

La question des capacités de production est-elle toujours un problème?
Cela fait des mois que nous ne parvenons plus à satisfaire la demande. Oui, l’horlogerie suisse est en situation de sous-capacité de production, et Swatch Group n’échappe pas à la règle. Nous espérons que les décisions concernant la Comco tombent rapidement afin d’avoir une meilleure visibilité pour l’avenir. Cela étant, ce n’est pas cette décision qui va régler les problèmes de production de l’horlogerie suisse. C’est pourquoi, à Swatch Group, nous ne cessons d’investir dans de nouveaux outils de production. Et beaucoup de ceux qui se plaignent aujourd’hui de ne pas être livrés en suffisance par Swatch Group feraient bien d’en faire autant.

Quels sont vos principaux investissements?
Nous investissons à la fois dans les manufactures, Breguet et Blancpain notamment, mais aussi chez Swatch, chez Omega, chez Tissot, chez ETA et dans de nombreuses autres divisions industrielles. Ces efforts ne sont pas nouveaux car Swatch Group a investi sans interruption depuis des décennies dans son outil industriel pour disposer de ses capacités actuelles. Il serait juste que nous puissions choisir avec qui nous voulons partager ces efforts à long terme.

Vous ne voulez plus être le «supermarché» de l’horlogerie et souhaitez pouvoir choisir vos clients. Qui seront les premiers bénéficiaires?
Nous voulons travailler sur le long terme avec des partenaires loyaux, fidèles et qui eux aussi investissent de longue date dans l’outil industriel en Suisse. Ce sont grâce à ces sociétés que l’horlogerie suisse est dans une position enviable aujourd’hui. Nous serions heureux de pouvoir entamer des collaborations à long terme avec elles, ce que la situation actuelle ne nous permet en aucun cas.

On croit comprendre que vous avez notamment LVMH dans le collimateur…
Comme une myriade d’autres acteurs de l’horlogerie, Bernard Arnault est venu nous trouver à Baselworld cette année. Lorsque nous lui avons suggéré d’investir sérieusement dans la production, il nous a fait comprendre que cela prenait trop de temps. A chacun sa vision.

Breguet, Blancpain et Jaquet Droz disposent chacune de leur propre manufacture. Doit-on s’attendre à une même évolution pour Omega?
La manufacture Omega n’est et ne sera certainement pas comparable à celles de Breguet, Blancpain ou Jaquet Droz, en raison des volumes de production de ces sociétés. Cela étant, nous avons un projet d’extension pour Omega à Bienne consacré pour partie à la production. Et la société a déjà beaucoup investi ces dernières années pour développer des mouvements mécaniques de dernière génération, intégrant l’échappement coaxial exclusif à la marque. Par ailleurs, nous avons aussi un projet de construction pour Swatch, également à Bienne. Outre le siège de la marque,cet ensemble accueillera également un musée Swatch que nous espérons pouvoir inaugurer en 2013.

Le groupe dispose de plus de 7 milliards de capitaux propres. De quoi, selon votre message aux actionnaires en mai dernier, «saisir toutes les opportunités intéressantes qui pourraient se présenter». Vos intérêts se cantonnent-ils à l’horlogerie?
Oui, l’horlogerie est notre savoir-faire, c’est aussi celui de ce pays. C’est dans ce domaine que Swatch Group a fait ses preuves, qu’il est devenu numéro 1 mondial, et c’est là que nous allons encore croître. En ce qui concerne la joaillerie, nous avons déjà notre propre centre de compétences pour les besoins de nos marques horlogères. Nous allons continuer à développer ces savoirs à l’interne. Mais nous ne sommes pas intéressés à acquérir une pure marque de joaillerie.

Comment Swatch Group fait-il face à la cherté du franc? Avez-vous procédé à des augmentations généralisées?
Par principe, nous ne voulions pas augmenter nos prix dans les zones euro et dollar car le consommateur à l’étranger peine à comprendre qu’un produit augmente par la seule force du franc suisse, alors que son pouvoir d’achat dans son pays n’est en rien modifié. C’est un problème délicat et nous sommes restés très conservateurs. Alors que certains concurrents ont procédé à plusieurs hausses successives, nous avons réalisé des augmentations de prix de manière modérée et ponctuelle, et encore pas pour toutes les marques et pas dans tous les pays.

Est-il plus facile de procéder à des augmentations dans le haut de gamme que dans les segments inférieurs?
Il y a certainement une différence selon les niveaux de prix. Dans la gamme de base, il est très délicat d’augmenter les prix sans plus-value du produit. Pour ce qui est de Tissot et de Longines par exemple, il est possible de faire évoluer les prix, tout en sachant que les clients de ce segment médian sont beaucoup plus sensibles à ces augmentations que ceux des marques haut de gamme.

Outre la production, Swatch Group investit également dans la distribution. Vous avez pris des participations chez des distributeurs, notamment en Chine et au Moyen-Orient. Allez-vous à l’avenir augmenter vos participations dans ce type de sociétés?
Nous ne sommes pas intéressés à augmenter nos participations chez ces distributeurs. Reste que ces participations sont évidemment stratégiques, dès lors que nous réalisons une bonne part de nos affaires avec ces partenaires. Il est donc important pour nous d’avoir une place au conseil de ces sociétés et de pouvoir nous exprimer.

Swatch Group avait signé en 2006 un partenariat avec Tourneau, un important distributeur américain. Cette collaboration n’a pas débouché sur des résultats très probants. Où en êtes-vous aujourd’hui?
Il s’agissait d’un accord pour des points de vente spéciaux dits «outlet». Tourneau opère toujours ce business et le fait également avec des marques Swatch Group. Cela dit, nous sommes intéressés à trouver un partenaire pour les Etats-Unis. Mais ce n’est pas évident, raison pour laquelle nous développons davantage de boutiques monomarques, en témoignent les dix enseignes Omega inaugurées cette année en Amérique du Nord. En parallèle, nous sommes régulièrement en discussion avec d’autres collègues de l’industrie pour développer ce marché ensemble.

Est-il donc envisageable de voir des horlogers suisses se mettre ensemble pour se développer sur le marché américain?
Oui, tout à fait. Car même si nous sommes en compétition sur le marché, nous nous parlons beaucoup. Et nous avons en définitive les mêmes intérêts.

Michel Jeannot
BILAN

 



Copyright © 2006 - 2024 SOJH® All Rights Reserved

Indexé sous  WebC-I® - Réalisation Events World Time