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Si le rêve de toucher le jackpot nourrit la légende, le parcours du vendeur est parsemé d’embûches. Premiers conseils: prendre son temps et… lire ces lignes.
A force d’être médiatisées jusque dans le grand public, les performances des ventes aux enchères horlogères et leurs vertiges à cinq ou six zéros font naître des vocations. Des vendeurs non initiés débarquent donc, cibles faciles, dans un monde balisé. Eviter de se faire arnaquer est une chose. Eviter d’avoir les pieds qui décollent hors de la réalité du marché constitue fréquemment le premier piège dans lequel ces nouveaux venus tombent. On a tous le fantasme de la montre ancienne retrouvée au fond d’un tiroir ou d’une corbeille d’héritage, dont l’ancienneté et les conditions de retrouvailles laissent espérer qu’elle pourrait valoir une fortune. Hélas, la valeur émotionnelle dépasse souvent la valeur marchande.
Ce fantasme tenace se nourrit d’histoires comme celle de cet Australien ayant acheté une montre Tiffany & Co, perdue dans un lot hétéroclite d’objets vintage acquis pour 25 dollars. Estimation? Entre 800 000 et 1,2 million de dollars! Il s’en aperçoit en tombant par hasard sur un catalogue de vente qui présente un modèle semblable. Pouvait-il imaginer, une fois la connexion établie avec la maison spécialisée, qu’il se retrouvait en possession d’une merveille signée Patek Philippe?
Tentation, commerce de détail
Plus fréquemment loin du rêve, le parcours du vendeur est bordé d’écueils, dont le premier pourrait être son impatience. Combien de temps escompte-t-il avant de toucher le fruit de sa vente? A-t-il besoin de cash rapidement ou peut-il se permettre d’aller au bout d’un processus parfois plus long qu’estimé? Son premier réflexe est donc le magasin de montres anciennes le plus proche, dont la vente du déjà-porté ne constitue pas l’activité première. S’il se trouve en dehors de Suisse, le savoir horloger n’y sera pas suffisamment dense pour une estimation valable.
Premier indice, plutôt bon signe, si la montre présentée intéresse, le gérant tentera de vous en «débarrasser» comme pour vous rendre service. A vil prix! S’il vous propose au contraire le dépôt en consignation, après avoir négocié une commission pour laquelle il n’y a de normes que les us et coutumes de l’endroit, c’est qu’il n’envisage aucun autre effort que la mise à disposition d’une petite place dans ses vitrines. Il faudra alors vous armer de patience. A moins que cet horloger, renseignez-vous, ne dispose d’une clientèle de connaisseurs et d’acheteurs avisés…
Option sécurisée, les grandes maisons
Autre chemin possible, celui des grandes maisons de ventes aux enchères horlogères telles que, principalement, Antiquorum, Christie’s ou Sotheby’s. Si l’une d’elles vous témoigne un soupçon d’intérêt, vous avez toutes vos chances. Elles sont d’excellents indicateurs d’intérêt. Leur expérience et leurs experts confirmés vous connectent avec des réseaux de clients internationaux. Leurs compétences historiques sont souvent mises en relief par la perception des attentes du moment et des variations de tendances. Sans cesse affûtée, leur rigueur marketing est validée par leurs résultats rendus publics.
Principal inconvénient de la formule: son coût, supporté par le vendeur. Aux quelques pourcents, jusqu’à 15% parfois, du montant final de la vente, il faudra en général ajouter les frais d’assurance (environ 1%) et le montant de la «location» d’une fenêtre dans un catalogue. Des frais fixes en général, qui, selon la taille de la photo, vont jusqu’à 300 francs suisses. Selon l’estimation, le jeu n’en vaut pas la chandelle. L’avantage, c’est que le prix proposé risque d’être dépassé puisque ces enseignes spécialisées sont payées au pourcentage. Attention, contrairement aux idées reçues, l’estimation haute ne garantit pas le prix de vente élevé. Au contraire! Les habitués de ces joutes à l’encan sont d’autant plus réactifs et excités lorsque la valeur estimative d’appel leur paraît plus basse que de raison. Autre handicap, leur délai: trois mois au minimum pour la consignation. Une fois le lot vendu, votre règlement ne vous parviendra que dans les trente-cinq à quarante jours suivants.
Dans la jungle Internet
Si votre besoin d’argent se fait plus pressant, s’en remettre à la toile est une option. A déconseiller, sauf si votre objet n’a que peu de valeur. Car, à partir d’un certain montant, la transaction a peu de chances d’aboutir et les risques sont certains: il est bien difficile de se «retourner», en cas de défaut de procédure, contre une quelconque entité. Un magasin, une société, un particulier? Certains sites, tels que www.escrow.com, proposent de consigner l’argent et garantissent une traçabilité de l’opération. Là aussi, en cas de produit non conforme aux indications fournies, c’est le parcours du combattant pour faire valoir ses droits. Certes, le coût intermédiaire est faible par internet, mais son taux de réussite également. D’autant que si l’on transite par les plateformes généralistes – eBay ou ses locales déclinaisons –, l’abondance de l’offre étouffe la visibilité de votre démarche.
Ce qui est sûr, c’est que l’exercice rend «addict». Tandis que votre première «trouvaille» attend preneur, il ne serait pas étonnant que vous vous découvriez l’âme chineuse et que vous vous attaquiez à vos vieilleries avec la fièvre du chercheur d’or. Normal, nul n’est à l’abri du succès.
Ventes aux enchères d’automne 2011, à Genève
Antiquorum
13 novembre
Hôtel Mandarin Oriental du Rhône
quai Turrettini 1, 1201 Genève
tél. +41 (0)22 909 00 00
www.antiquorum.com
Christie’s
14 novembre
Four Seasons Hôtel des Bergues
quai des Bergues 33, 1201 Genève
tél. +41 (0)22 908 70 00
www.christies.com
Sotheby’s
13 novembre
Hôtel Beau-Rivage
quai du Mont-Blanc 13, 1201 Genève
tél.+41 (0)22 716 66 66
www.sothebys.com
Ollivier Broto
HEURE SUISSE - No 113, septembre-octobre 2011
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