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Un regard sur le passé avec les Swatch.
Un regard vers les hauts fonds avec une plongeuse de l'extrême.
Un regard sous le cadran avec des finitions de légende.
C'est l'actualité sans lunettes déformantes...
1)
••• POURQUOI REPARLE-T-ON
DE PHILLIPS DE PURY POUR LES ENCHÈRES HORLOGÈRES ?
Tout simplement pour la vente des 4 350 Swatch de la collection Blum (alerte Business Montres du 19 octobre, info n° 3), qui aura bénéficié de trois expositions (New York en septembre, Londres actuellement et Shanghai , 5-10 novembre) avant la dispersion du 24 novembre à Hong Kong. De quoi remettre en selle la maison Phillips de Purty & Company dans le manège horloger, où on ne la voyait plus guère : cette vente annonce-t-elle une nouvelle incursion – déjà tentée, pas vraiment réussie – sur le marché des enchères horlogères ? Une affaire à suivre attentivement, tellement ce créneau si particulier paraît aujourd’hui focaliser l’attention des auctioneers du monde entier...
••• Pour Swatch, cette vente est stratégique : elle va permettre de recaler le référentiel des amateurs pour les Swatch de collection, qui n’ont plus bénéficié de ventes significatives depuis un quinzaine d’années. Sans doute faut-il s’attendre à de nouveaux records, avec ou sans démarche volontariste d’auction marketing de la part de Swatch. Mais le plus important n’est-il pas qu’une telle vente permet de balayer d’un coup d’œil trente années de propositions tous azimuts sous la casquette Swatch, poiur y découvrir un étonnant taux de succès et très peu de déchets ? Il ne serait pas étonnant que cette vente soit le coup d’envoi des opérations qui marqueront le trentième anniversaire de la marque, en 2012 - si on tient compte du ratage initial dans le lancement aux Etats-Unis - ou en 2013 - vraie amorce du succès international...
2)
••• COMMENT PEUT-ON PROUVER
QU’ON EST UNE VRAIE MARQUE DE VRAIES MONTRES DE PLONGÉE ?
Rien ne vaut l’expérience sur le terrain, dans ce cas précis au fond de l’eau : les montres Patton (marque française) peuvent se flatter d’avoir laissé une des leurs montres (modèle P 42 Hyperbare) pendant 1 000 jours, attachée à l’épave d’un cargo par 40 m sous les eaux de l’océan Indien. En soi, l’exploit n’est pas exceptionnel sur le plan technique, si ce n’est par sa durée. C’est néanmoins la première fois qu’une marque tente une telle opération : on se régalera avec les images rapportées de cette plongée de longue durée, qui prouve que la nature reprend vite ses droits au fond de l’océan, mais que les hommes savent lui opposer des produits techniques capables de défier son énergie (vidéo à découvrir sur la page Facebook de la marque). Sans être révolutionnaires par leur design ou leurs qualités purement horlogères, les montres Patton se positionnent comme des « montres de l’extrême », capables de vaincre les plus hautes montages autant que les océans ou les dangers des pistes automobile (la communication est à la fois sobre et convaincante)...
3)
••• QUOI PENSER DE LA « FOLIE MÉCANIQUE »
DE MELVIN THE MAGICAL MIXED MEDIA MACHINE »
Est-ce de l’horlogerie ? Pas vraiment, même si ça commence par une sonnerie de réveil ! Est-ce de la mécanique ? Certainement, et l’opération mobilise toutes les disciplines, qu’on parle de dynamique des fluides, de constantes thermiques, de magnétisme, d’aérologie ou d’anti-gravité. C’est en tout cas fascinant d’inutilité et, en même temps, d’une immense et très jouissive richesse conceptuelle : s’il n’y a qu’une vidéo-plaisir à visionner cette semaine, c’est celle de la « Magical Mixed Media Machine » (Melvin la Machine, en résumé) travaillée par le groupe Heyheyhey sur le thème de la réaction en chaîne. Cinq minutes de folie en ambiance post-industrielle, avec une réflexion induite sur la notion de causalité, dans des enchaînements qui auraient enchanté Aristote (relire sa Métaphysique) aussi bien que Newton ou Kant pour sa « théorie transcendantale » (Critique de la raison pure). Et peut-être même Leonard de Vinci...
••• Clin d’œil aux initiés : regardez bien la boule d’acier qui remonte à l’envers la planche de bois inclinée à partir de la minute 00:28 ! Quelque chose nous dit qu’il y un concept absolument similaire dans les tuyaux d’un horloger de référence. On vous fera la surprise plus tard !
4)
••• OÙ EN EST
L’AFFAIRE DE CORRUPTION EN INDE (SWATCHGATE) ?
La justice indienne avance lentement, même si elle le regrette : les enquêteurs du CBI (Central Bureau of Investigations) voudraient aller plus vite et ils ont demandé au tribunal de Delhi de disjoindre le volet Swiss Timing (Swatch Group) du reste de l’affaire. C'est pour gagner du temps : ils craignent en effet que l’instruction du cas « Swiss Timing Omega » - le nom de la marque est de plus en plus cité ouvertement par la presse indienne, ce qui n’était pas le cas voici quelques mois - ne retarde l’ensemble des procédures dans cette affaire de corruption massive autour des jeux du Commonwealth, en 2010 (nombreux articles ici même à ce sujet, dont Business Montres du 5 mai). Pour l’instant, sur ce point précis de la séparation des affaires, les juges indiens ont annoncé une décision pour le 3 novembre, en s’affirmant néanmoins conscients que la comparution de l’accusé Swiss Timing devant une cour indienne prendrait du temps, compte tenu des traités internationaux qui lient la Suisse et l’Inde pour ce genre de procédures judiciaires...
••• Le dossier de corruption autour de ces jeux n’est cependant pas à la veille d’être refermé : toutes les semaines, les enquêteurs débusquent de nouvelles affaires de surfacturations et de gaspillages inexplicables dans la gestion de ces jeux . Cette accusation de « conspiration » et de « corruption » a déjà conduit en détention préventive tous les interlocuteurs indiens du Swatch Group, mais pas les donneurs d'ordre suisses (Swiss Timing pour Omega). Il est évident que les irrégularités constatés par le CBI dans le contrat passé avec le Swatch Group ne sont plus, aujourd’hui, que la partie émergée d’un iceberg qui tendrait à révéler, selon les éditorialistes locaux, des pratiques corruptives massives au cœur de tout le système politico-économique indien...
5)
••• QUELLES AUTRES NOUVELLES
À PRENDRE (OU PAS) AU SÉRIEUX DANS L’ACTUALITÉ DES MONTRES ?
••• AMERICAN EXPRESS : on en saura définitivement plus ces jours-ci sur le grand accord entre American Express (40 millions de porteurs de cartes) et Vente-privée.com, leader européen du déstockage en ligne, qui se lance sur le marché américain (c’était une révélation Business Montres de Baselworld, 4 mai, info n° 1). Pourquoi Baselworld ? Parce que ce partenariat a un volet « montres » qui intéresse directement les horlogers : le raid américain de vente-privée.com va mobiliser beaucoup de ressources pour conquérir une place de leader dans la vente en ligne au pays du discount, notamment par la consolidation d’un « second marché » de la montre qui permettra aux marques européennes d’horlogerie – si elles comprennent la règle du jeu – de mieux régler leurs problèmes de production et de déstockage, dans un environnement marketing profitable à la fois pour leur image et pour leur cash flow. Vente-privée.com, c’est aujourd’hui un peu moins d’un milliard d’euros de chiffres d’affaires, essentiellement en Europe, et 1 300 employés (explications complémentaires dans une vidéo de Jacques-Antoine Granjon, PDG de Vente-privée.com)...
••• CHRISTIE’S : avec un timbre de voix qu’on jurerait emprunté aux actualités des cinémas américains dans les années cinquante, Aurel Bacs explique (audio, en anglais) tout le bien qu’on peut penser de la Rolex Submariner revue et corrigée par « Q » dans Vivre et laisser mourir, avec scie circulaire et ondes hyper-magnétiques (coup de projecteur sur ce lot n° 182 de la vente du 14 novembre : Business Montres du 13 octobre)...
••• FERRARI : dans les lots-phares de la vente Swatch (collection Blum) organisée par Phillips de Pury (voir ci-dessus, info n° 1), une Swatch Scuderia Ferrari un peu oubliée depuis la collection Automne-Hiver 1984. Une montre qui fait de Swatch la quatorzième marque de montres à avoir tenté de faire un bout de chemin avec Ferrari, généralement plus pour le pire que pour le meilleur. Il ne reste plus qu’à connaître la quinzième, qui succédera à Cabestan, Panerai et Girard-Perregaux, pour ne citer que les marques des années 2000 : on en saura plus avant la fin du mois, mais on peut déjà être sûr que ce ne sera pas une des marques du Swatch Group (le 29 mars 2010, Business Montres avait révélé comment Nicolas Hayek avait postulé en vain pour imposer Breguet, Longines et Swatch à Maranello : info n° 6)....
••• HORLOGERIE BIO-MÉCANIQUE : l’ADN – le vrai, pas le « DiEnneHé » dont parlent les CEO en panne d’inspiration – est-il une « horloge mécanique » pour l’embryon ? Il semble en tout cas fonctionner comme une horloge mécanique, par « séquences horaires », et ce sont des ingénieurs suisses de l’EPFL qui le disent, dans une troublante étude publiée par Science, dont on trouvera un résumé relativement accessible et en français sur le site de Pour la Science. Accrochez-vous quand même, c’est du compact, mais c’est une démonstration qui tend à prouver que la « mécanique » des montres a des correspondances secrètes avec la mécanique de la vie...
••• LVMH-HERMÈS : « toujours à couteaux tirés un an après ». Une chronique sans pitié de l’AFP sur un dossier explosif entre géants du luxe à la française : « Il y a un an le géant du luxe LVMH faisait une entrée fracassante dans le capital du sellier Hermès. Sous le choc, la famille, redoutant un raid, le sommait de partir. Aujourd'hui, rien n'a changé si ce n'est que l'“agresseur" s'est renforcé et l'agressé est toujours sonné »...
••• PHILIPPE DUFOUR : juste pour le plaisir des yeux, un anglage de folie sur la Simplicity du magicien de la vallée de Joux (image ci-dessus, tirée de la collection personnelle de Philippe Dufour). On comprend la vénération que lui vouent les amateurs asiatiques - ce qui explique les trois ans de délai pour livrer ses commandes -, mais on comprend mal comment et pourquoi ce savoir-faire s’est perdu dans les grandes manufactures, qui devraient toutes disposer de leur(s) Philippe Dufour pour entretenir la flamme des finitions traditionnelles et de la vraie bienfacture...
••• PLANÈTE EN DIAMANT ? Eh oui, entièrement en diamant, ce qui fait quelques carats pour une sphère de 64 000 km de diamètre (cinq fois la taille de la Terre) ! Et ce « pulsar ratatiné » - les astronomes ont de sacrées expressions ! - est plus dense que Jupiter. Seul problème, qui ne risque pas de ruiner le cours mondial du diamant : cette planète est située à 4 000 années-lumière de chez nous, quelque part dans la constellation du Serpent, au cœur de la Voie lactée. Le serpent ? Et si c’était encore un coup d’Eve la tentatrice (source : Science)...
••• SIGNAL FAIBLE : la colère des peuples dans le creuset de la crise financière mondiale (l’Europe en ce moment, les Etats-Unis de façon récurrente, le Japon dans un style larvé, bientôt la Chine) ? Ne pas oublier que la révolte contre les élites de l’argent est aussi une rébellion contre les actuels clients du grand luxe horloger. Jusqu’où cela peut-il aller ? C’est sans doute se demandait Abraham Louis Breguet quand il a vu les Parisiens se mobiliser pour les Etats-Généraux, en 1789 : quatre ans plus tard, ses aristocrates de clients étaient en fuite ou « raccourcis », et lui-même devait abandonner Paris pour fuir au plus vite la Terreur. D’une époque à l’autre, on vend toujours des belles pièces d’horlogerie, mais plus aux mêmes clients, qui ne veulent plus des mêmes montres, ni des mêmes prix, ni des mêmes signatures sur les cadrans...
••• WALL STREET : tiens, justement, au sujet des « indignés » et du mouvement américain « Occupy Wall Street », qu’on prend là-bas très au sérieux, ne pas manquer sur Hodinkee un clin d’œil très pertinent de Ben Clymer sur les montres des magnats de Wall Street ! Deux Patek Philippe, l’une de la collection de John Pierpont Morgan et l’autre qui appartenait à Dean Witter, dont la banque a donné naissance à Morgan Stanley. La première sera vendue par Christie’s à Genève en novembre prochain, la seconde par Antiquorum à Hong Kong dans quelques jours. Est-ce que la référence à Wall Street va exciter ou calmer les amateurs ?
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