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On vous disait bien que Robert Greubel et Stephen Forsey n’avaient pas perdu la boule et qu’ils gardaient les pieds sur terre !
Leur nouvelle montre GMT le prouve : elle multiple les affichages de fuseaux horaires, en les mariant à une terre sphérique en trois dimensions.
Spectaculairement compliqué, subtilement technique, mais gentiment poétique...
1)
••• LA TENTATION GLOBULAIRE
DES NOUVEAUX AFFICHAGES MÉCANIQUES...
C’est la tendance émergente de la haute horlogerie créative : regagner du volume et retrouver une nouvelle dimension dans la profondeur. Voici donc le temps des lunes sphériques et des Terre en trois dimensions. Sans être véritablement pionnier sur ce marché, la manufacture Greubel Forsey n’en signe pas moins une proposition forte et solidement architecturée, qui ne sera pas une surprise pour les lecteurs du Quotidien des Montres (aguicheries éditoriales du 31 octobre, info n° 1, du « Zapping du mercredi », info n° 1, et du 2 novembre)...
••• UN TOURBILLON À FUSEAUX HORAIRES : ce n’est pas non plus une « première » dans l’horlogerie, mais cette nouvelle Greubel Forsey place la barre très haut avec son affichage GMT double face (recto-verso) et, surtout, sa Terre sphérique qui permet une perception visuelle de la rotation de la Terre, avec d’autant plus de réalisme que ce globe terrestre tourne – en vingt-quatre heures – dans le sens naturel de sa giration. Là, c’est franchement bluffant, très poétique (surtout avec le guichet latéral qui dégage la vue sur l’Equateur) et très technique à la fois, puisque ce globe n’a qu’un axe, à son pôle sud...
••• ON POURRAIT SE DEMANDER POURQUOI « GMT », notion obsolète que les horlogers sont les seuls à utiliser encore, puisque toute la planète est alignée sur un temps international UTC (Universal Time Coordinated), établi non plus par le midi au méridien de Greenwich, mais par un réseau d’horloges atomiques ayant l’Observatoire de Paris pour tête de réseau (chronique Business Montres du 4 octobre). Nous ferions donc mieux d’oublier cette idée de « GMT » comme référence, même si les idées reçues ont la vie dure dans la culture horlogère...
••• POUR UNE MONTRE « GMT », ELLE L’EST, et beaucoup plus que n’importe quelle autre montre suisse. Un affichage de fuseaux par le globe terrestre + un premier affichage circulaire par anneau 24 h autour du globe + un compteur de fuseau horaire sur 12 h + un deuxième disque sur 24 h au verso de la montre + un troisième disque 24 h au centre de cet affichage au verso (pour l'heure d'été) + un disque des 24 villes de référence pour les fuseaux horaires officiels (blanc pour les villes avec heures d'été, noir sans heure d'été), disque à changer d'urgence par la faute du président russe Medvedev, puisque Doha et Moscou sont maintenant sur le même fuseau horaire (explication et image : Business Montres du 2 novembre). Soit six occasions de ne pas manquer le second fuseau horaire ! Si on ajoute le poussoir « GMT » à 10 h, on admettra que c’est bien la montre de haute horlogerie la plus explicitement « GMT » de toute la production suisse !
2)
••• UNE GRANDE COMPLICATION MÉCANIQUE
QUI SE POSE AU CARREFOUR DE L’ESTHÉTIQUE ET DE LA TECHNIQUE...
Hormis les multiples fonctions GMT, on trouve un tourbillon 24 secondes (incliné à 25°) dans une gibbosité à 5 heures : c’est une des spécialités de la maison Greubel Forsey (la cage ne pèse que 0,36 g en dépit de ses 87 composants) en même temps qu’un gage de précision. Deux barillets co-axiaux promettent une autonomie chronométrique de 72 heures de réserve de marche (compteur par aiguille dans un arc à trois heures). Les fonctions horaires traditionnelles ont été décentrées à midi, avec une petite seconde à 3 heures du mini-cadran des heures. Des finitions ultra-traditionnelles (anglage, traits tirés, poli bloqué, etc.). Le tout dans un boîtier en or gris qui se contente de 43,5 mm de diamètre et de 16 mm d’épaisseur, en dépit de la Terre sphérique (saluons l’exploit !)...
••• ROBERT GREUBEL ET STEPHEN FORSEY s’affirment « Inventeurs horlogers ». Ce qui, dans ce cas précis, n’est pas usurpé. Ils savent ici marier la virtuosité technique et l’émotion esthétique, dans une montre portable – ce qui n’était pas évident avec un tel cahier des charges. La Terre sphérique en titane est une source de fascination visuelle : on ne lui fera que le reproche de ne pas tourner assez vite, en se contentant du rythme de la rotation terrestre ! Là, le spectacle est réaliste, avec une vision non-conformiste (mais ultra-réaliste) de l’hémisphère nord, qui révèle par anticipation la libération du mythique « passage du Nord-Ouest » par les glaces arctiques. Un dernier regret : sur cette carte du monde en trois dimensions, ne serait-il pas amusant de poser une marque – un diamant, un rubis, un clou de platine – sur l’emplacement de la Suisse ? |