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L’avantage des « chaises musicales », c’est qu’on peut y tenter des virages à 180° impossibles à négocier en entreprise.

Gardien sourcilleux des trésors du temple Patek Philippe (musée), Arnaud Tellier attaque une reconversion dans le concept horloger d’extrême avant-garde.

Inattendu et stupéfiant, mais ultra-réjouissant : un vrai coup de fouet pour la nouvelle génération !

1)
••• LA NOUVELLE MARQUE S’APPELLERA « 2LMX »
ET SES CRÉATEURS SONT DES CONJURÉS INVISIBLES...

Le seul de ces créateurs-conspirateurs qui puisse apparaître au grand jour n’est pas le moins surprenant : il s’agit de notre ami Arnaud Tellier, qui s’est permis cet été de claquer la porte du musée Patek Philippe dont il était le conservateur depuis onze ans (révélation Business Montres du 9 juillet). Il n’aura pas mis à longtemps à remettre en perspective sa passion pour les montres, puisqu’il va mener de front deux projets :
•• Le premier pour se mettre à son compte en créant Tellier Fine Arts, agence spécialisée dans le conseil et l’investissement en objets du temps de collection (du XVIe au XXe siècle, mais sans intérêt majeur pour les montres modernes). Business Montres vous en reparlera en détail ces jours-ci : cette annonce suffira d’ailleurs à troubler le mundillo des montres de collection, qui sera sous tension dans quelques jours pour la « Watch Madness » (le week-end un peu fou des enchères genevoises)...
•• Second projet : la création d’une marque d’extrême avant-garde pour diffuser en séries ultra-exclusives des concepts horlogers un peu ébouriffants. Nom de la marque : 2LMX (initiales qui mixent celles des conjurés). Nom du modèle : pas encore défini, mais on va en reparler. Prix de vente : très élevé (ça devrait flirter avec le demi-million). Positionnement : la haute horlogerie ultime...

••• POURQUOI UN TEL MYSTÈRE SUR LES CRÉATEURS ? Parce qu’ils sont déjà « occupés » ailleurs ! Comprenez avec des grandes marques, pour lesquelles ils travaillent ou qui leur passent des commandes qu’il serait fâcheux de voir se tarir. D’où l’ambiance conspirative, renforcée par le fait qu’il s’agit d’une bande de copains de jeunesse, soudés par une même passion pour la belle horlogerie, chacun ayant ensuite évolué vers différents horizons, mais sans jamais rompre avec une certaine idée de la montre. Pour tout dire, ils avaient tendance à s’ennuyer en pantouflant pour de très honorables, mais très conservatrices manufactures. Un projet comme 2LMX ne pouvait que les électriser ! C'est encore avec la passion – la vraie – comme carburant qu’on est le plus créatif. Et toute cette sympathique petite bande l’est déjà beaucoup, aux dires de ceux qui les emploient...

••• SURTOUT AVEC UN ARNAUD TELLIER pour tirer l’attelage. On l’oublie, mais l’ex-conservateur (toujours pas remplacé) du Patek Philippe Museum est un vrai horloger, qui dessinait déjà des montres sur ses cahiers d’école et qui a dû réparer ses premières horloges comtoises à l’âge de 11 ans. Il sait ce qui se passe dans un mouvement. Il connaît les montres et leur histoire. Il a un carnet d’adresses gros comme un annuaire de tous les grands (et riches) amateurs de montres à travers le monde. Après des années à veiller sur le temple des traditions, lancer sa marque sur un créneau disruptif était une tentation à laquelle il s’est empressé de ne pas résister...

••• POUR CE QUI EST DU NOM DE LA MARQUE, les initiés s'attacheront à bien le prononcer, sous peine de passer pour des néophytes. « 2LMX », c'est « Two L.M.X. », parce qu'il y a un secret dans le mystère : le Two du nom renvoie à T comme Tellier, W pour le nom d'un des « conspirateur » et O pour le nom d'un autre « conspirateur » – et non des moindres !



2)
••• UN TOURBILLON VERTICAL AVEC UN DOUBLE BARILLET
ET UN TRÈS ASTUCIEUX AFFICHAGE NUMÉRIQUE PAR ROULEAUX...

La nouvelle montre 2LMX est assez volumineuse, mais elle reste portable : c’est moins sa taille (longueur et largeur) que son épaisseur qui surprend. Il s’agit d’un calibre à engrenages verticaux, doté d’un tourbillon une minute (échappement 4 Hz) et d’un barillet capable de délivrer plus d’une centaine d’heures de réserve de marche chronométrique (valeur annoncée, mais non vérifiée : une seconde par jour, avec un potentiel de 120 heures, lui aussi non certifié). La vraie surprise provient de l’affichage des heures et des minutes, lui aussi « vertical », c’est-à-dire par rouleaux, dont l’agencement « concentrique » permet de créer de gros chiffres ultra-lisibles (image ci-dessus : il est 23:59). Deux rouleaux pour les heures, deux pour les minutes, les secondes étant indiquées par la cage du tourbillon. Toute l’astuce consiste à créer deux rouleaux en un, grâce à un système de cames qui cachent ou qui découvrent les chiffres du rouleau « intérieur » – ce qui permet de ne pas mettre les dix chiffres sur un seul rouleau ...

••• CÔTÉ PRODUCTION, LES « CONJURÉS » sont en cheville avec ce qui se fait de mieux sur le marché des fournisseurs suisses, donc pas de souci. D’autant que le mouvement doit être à 95 % « manufacture », au spiral près. Les cinq verres saphir très travaillés du boîtier (trois sur le dessus, deux latéraux) n'ont pas été faciles à commander en Suisse...

••• POUR MIEUX COMPRENDRE LE FONCTIONNEMENT de toute cette mécanique verticale, on visionnera avec profit la vidéo d’animation : de remarquables images de synthèse (on y repère la « patte » de Cédric Vaucher) à découvrir sur la chaîne images de Business Montres (02:04 mn). Pour les nombreuses variantes de la montre, dont chaque exemplaire sera « unique » (or rose, or gris, titane, titane noirci, etc), on peut se reporter à la page Facebook de 2LMX, ainsi qu’au site 2LMX qui devrait être en ligne ces jours-ci. On trouvera une image du mouvement sur notre propre page Facebook...

••• QUELQUES MOTS SUR LE POSITIONNEMENT GÉNÉRAL de cette montre très conceptuelle : il n’y aura pratiquement que des « pièces uniques » (généralement sur commande), certains étant serties baguette – ce qui n’est pas simple pour une pièce toute en rondeurs et en volutes. Objectif : cinq pièces par an, avec un renouvellement des modèles tous les deux-trois ans - ce ne sont pas les idées qui manquent aux « conspirateurs » - et un prix pas encore tout-à-fait calé, qui ne devrait pas dépasser le demi-million de francs suisses. Distribution directe comme il se doit et communication capillaire sur des réseaux générationnels qui fonctionnent à l’amitié comme à la connivence...

••• QUI A DIT TOUT BAS LE MOT « CABESTAN » ? Sans doute quelqu’un qui n’a pas tout-à-fait bien regardé et qui s’attache à quelques analogies formelles pour faire des déductions hâtives. On pourrait tout aussi bien parler de la Bugatti de Michel Parmigiani, de la Quenttin de Mathias Buttet (Jacob & Co) ou de quelques tourbillons « perpendiculaires » (Concord, Panerai, etc.) : les calibres à engrenages verticaux sont une famille à part entière de l’offre contemporaine et il est inévitable qu’ils aient quelques gènes d’hérédité en commun...

••• CE QUI EST INTÉRESSANT AVEC CETTE 2LMX, c’est qu’elle relance la course aux concepts réellement disruptifs et qu’elle relégitime une « nouvelle génération » un instant submergée par la vague néo-classique. C'est même un coup de fouet créatif pour toute l'industrie horlogère. La proposition est d’autant plus rupturiste qu’elle est lancée par un homme qui était, dans son précédent poste, le parangon de la vertu et du bon goût dans la bienfacture genevoise, en même temps que l’arbitre des élégances dans les plus belles montres de l’âge d’or. Arnaud Tellier descend à son tour dans l’arène, avec un concept quasiment pyramidal pour la forme et nettement industriel pour l’esthétique : mieux que du néo-classicisme ou du néo-conceptuel, c’est du néo-machinisme !