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Un débat qui oublie de débattre...
Des quadras plus rêveurs que des gamins...
Un pôle Luxe pulvérisé sans pitié...
Une pièce unique par son prix vertgineux autant que par son pesant de carats sans défaut...
Elle est pas belle, la vie quotidienne des montres ?
1)
••• COMMENT S’EST PASSÉ
LE DÉBAT DE LA SEMAINE (BUSSER-DUFOUR) À LA CHAUX-DE-FONDS ?
Les oppositions étaient faciles entre deux des plus « beaux gosses » de l’horlogerie : le blond et le brun, le cravaté et le mal rasé, le rond et l’affûté, le créateur et l’administrateur, l’électron libre et le chaînon hiérarchique, etc. On a au moins évité de tomber dans ces platitudes. Pour la modération, on comptait sur l’intelligence et le charme de Renata Libal, la rédactrice en chef du magazine Encore ! (Suisse). Au programme alléchant de ce face-à-face : « Que sera l’horlogerie de demain ? ». La réponse..., eh bien, on ne le saura pas vraiment ! Imaginez un arbitre de football qui se tromperait de pelouse et qui se retrouverait entre deux équipes de rugby : c’était la pauvre Renata, qui n'avait ni les codes, ni la familiarité avec les grands fauves en présence, et qui a vainement tenté de se sauver du naufrage en s’accrochant à ses fiches comme à un bouée de sauvetage. Heureusement que la modératrice s’est vite asphyxiée, dès qu’elle a eu terminé ses fiches, et qu'elle a passé la parole à la salle avec beaucoup d’avance : les questions de l’asistance – presque à 100 % horlogère – ont ramené quelques couleurs dans un débat qui n’en était pas un et dans des échanges qui n’avaient pas vraiment lieu...
••• Dommage qu’on soit tous passés à côté d’un succulent dessert, dont la texture croustillante aurait permis de marier l’acidité assagie de « Max » à la sagesse acidulée de « Jean-Fred » (Maximimilan Busser et Jean-Frédéric Dufour à l’état-civil, respectivement créateur de MB&F et président de Zenith). Ils en avaient, pourtant, des choses à nous dire sur leur approche générationnelle de l’horlogerie ! Mais ils ont été castrés dans leurs élans par une modératrice hyper-scolaire qui a tenté de plaquer sur les réalités complexes de la nouvelle horlogerie l’idée qu’elle se faisait elle-même de la montre contemporaine - ou plutôt les idées reçues qu’on lui avait soufflées. Ils ont pourtant essayé de nous expliquer, ensemble, chacun avec leurs mots, le nouveau « principe de plaisir » qui oriente la passion pour les montres et la part grandissante du « rêve » qui s’accroche aux mécaniques du temps. Ils ont pourtant révélé quelques lignes de faille qu’il aurait fallu prendre le temps de déceler et d’analyser, au lieu de passer à la ligne suivante de la fiche...
2)
••• POURQUOI LES DEUX WONDER BOYS
ONT-ILS PLUS DE POINTS COMMUNS QU’ON NE L’IMAGINE ?
Ces deux quadras, qui se connaissent sans se fréquenter et qui s’apprécient sans vraiment se comprendre, auront un jour, à leur tour, les « clés du camion » horloger. Question d’âge et question de talents (ils n’en manquent pas). Leur regard croisé de « marchands de rêve » s’est éduqué – à peu de choses près – dans les mêmes batailles horlogères, sinon dans les mêmes difficultés existentielles face à des équipes dirigeantes obtuses et trop conservatrices. Quand Jean-Frédéric Dufour fait référence à ces maisons « où il faut être né dans la famille pour être créatif », on devine quelques « souffrances » pas encore cicatrisées (il ne parlait pas de Georges Favre Jacot, le fondateur de Zenith !). Quand Maximilian Busser admet le caractère cathartique de sa démarche et de sa marque, dont il parle comme d’une psychothérapie entrepreneuriale, on comprend mieux la rage qui anime son âme de rebelle. Deux hommes, deux expériences, mais une même vision de ce qu’il ne faut plus faire - l’horlogerie de papa - pour des amateurs en quête de nouvelles émotions. Un même rejet de l’horlogerie industrielle, modulé en « niche » pour l’un et en « exclusivité » pour l’autre, et un même lyrisme philofuturiste, dont on pu vérifier, chez l’un comme chez l’autre, qu’il évitait les poncifs du « retour au classique » pour animer des expressions radicalement différentes de la modernité.
••• Autant dire que tout le monde est resté sur sa faim, mais il serait navrant de jeter le bébé avec l’eau du bain. Il était courageux de la part de Sylvie Rumo (animatrice des Journées de la métropole horlogère) de tenter l’organisation d’un tel débat. Il serait absurde de ne pas institutionnaliser ce genre de face-à-face dans les prochaines JMH, où ils ont toute leur place (et même pas assez !) et où ils devraient être aménagés pour devenir accessibles à tous les élèves des écoles d’horlogerie et à tous les cadres des manufactures locales – ainsi d’ailleurs qu’à leurs directions - on peut estimer dramatique le niveau de culture générale horlogère de l’encadrement des marques contemporaines : 16 h 30, c’est quand même un peu tôt pour quitter son bureau, même à La Chaux-de-Fonds.
3)
••• QUELLE SERA LA PROCHAINE MARQUE
DE MODE ITALIENNE À FAIRE FABRIQUER SES MONTRES CHEZ GIRARD-PERREGAUX ?
Brioni, forcément, puisque le groupe PPR vient de s’offrir la totalité du capital de Brioni (la marque qui a longtemps habillé James Bond) et que les marques de mode italiennes viennent toujours un jour ou l’autre frapper à la porte de la manufacture Girard-Perregaux (Gucci, Ermenegildo Zegna, Bottega Veneta) pour lancer une ligne de montres. On passera ensuite à un joaillier italien comme Pomellato, qui intéresse visiblement beaucoup PPR et qui n’a pas de collections de montres dignes de ce nom. Et il restera d’autres marques du groupe PPR a équiper en lignes horlogères dont elles sont dépourvues (Yves Saint-Laurent, Balenciaga, Alexander McQueen ou Stella McCartney)...
4)
••• OÙ EST PASSÉ
LE PÔLE LUXE DU GROUPE ÉDIPRESSE ?
Disparu, volatilisé, ventilé, « éparpillé par petits bouts façon puzzle » (merci, Michel Audiard et Les tontons flingueurs) ! La dernière pépite qui restait, le magazine Bilan, et le supplément Tribune des Arts (créé par Gabriel Tortella) sont cédés aux groupe Tamedia, qui avait déjà repris l’essentiel des actifs du futur ex-groupe Edipresse. Marco Cattaneo est évacué de l’ex-Pôle luxe. Pierre Lamunière, dont l’équipe est réduite à sa plus simple expression, assurera directement la direction de ses deux derniers actifs horlogers, le magazine GMT Magazine (Brice Lechevalier) et le site Worldtempus (Louis Nardin). Bon courage à tout le monde : les temps sont durs pour les vieux modèles économiques !
5)
••• COMBIEN FAUT-IL PAYER
LA NOUVELLE CYRUS KLEPCYS CONQUEST ?
Comme il s’agit d’une pièce unique, sertie de 84 diamants baguette (5,78 carats tous taillés dans la même pierre de 20 carats de qualité IF à VVS1), et comme il s’agit d’une triple complication imaginée par Jean-François Mojon pour Cyrus (mouvement automatique de 456 composants), disons que cette Klepcys se méritera moyennant... un million de francs suisses – soit un peu plus de 800 000 euros ou 1,1 million de dollars (image ci-dessus). Pas donnée la lune sphérique de précision ! Ce qui prouve que les jeunes marques n’ont peur de rien, surtout celles qui ont choisi de se développer sur des marchés porteurs comme la Russie, sans prendre le risque d’aller perdre leur chemise du côté de la Chine. Et on peut déjà prendre le pari que cette pièce unique est déjà vendue par son détaillant russe, qui a pu la faire découvrir à quelques-uns de ses clients oligarques lors de la récente Foire de Moscou...
••• Le storytelling de cette Klepcys « Conquest » la dédie à la prise de Babylone par Cyrus, le « lion achéménide » dont on trouve un symbole au dos de la montre, Babylone la Grande étant représentée par un taureau tombé à terre...
6)
••• QUAND VA-T-ON COMMENCER
À PRENDRE AU SÉRIEUX LES « SIGNAUX FAIBLES » ÉMIS PAR LA CHINE ?
On voit se multiplier les « avertissements » larvés, qui sont autant de « signaux faibles » annonciateurs d’une campagne d’opinion capable de se révéler dangereuse. Business Montres avait récemment rendu compte des dernières délibérations du comité central du Parti communiste chinois concernant le réarmement moral autour de la culture chinoise (2 novembre, info n° 4). Il y a quelques jours, le Quotidien du peuple en ligne dénonçait « l’autre face des marques étrangères » en fustigeant la « vénération aveugle » des Chinois pour celles-ci (Business Montres du 4 novembre, info n° 2). Maintenant, c’est China.org (source officielle) qui s’en prend à la « baisse de qualité des marques de luxe en Chine ». Comprenez les marques importées, et notamment les marques de luxe (Louis Vuitton, Burberry, Gucci, Dior ou Chanel en prennent pour leur grade). Pas de marque horlogère désignée, mais les montres font clairement partie du périmètre concerné, d’autant que cette article met en cause les différences de prix qu’on peut constater entre la Chine et « Hong Kong (45 % de plus), les Etats-Unis (51 %) et la France (72 %) ». Modulations tarifaires dont les horlogers sont coutumiers. Trois « signaux faibles » en moins d’une semaine : tous les sinologues (on dit les tiananmenologues ou les pékinologues) vous diront que ça cache quelque chose... |