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Insolente santé ?

Oui, si on garde le nez sur les chiffres bruts, surtout ceux des deux premières lignes !

Non, et on peut même la juger plutôt inquiétante quand on sait lire ces chiffres en détail...

On en parlait l'autre soir à la Radio suisse...

••• « BUSINESS MONTRES » (GRÉGORY PONS)
COMMENTE L’ACTUALITÉ HORLOGÈRE
POUR LE « FORUM » DE LA RADIO SUISSE ROMANDE...

Il faut toujours lire attentivement les chiffres publiés par les grandes groupes. A peine tombés les chiffres du groupe Richemont pour le premier semestre 2011-2012 ont piqué la curiosité de la Radio suisse romande (RSR) : « Alors que Novartis, Kudelski ou encore Bobst suppriment des emplois, l'horlogerie semble poursuivre sa phase ascendante. Le groupe de luxe Richemont affiche une excellente santé, surtout grâce à une forte demande en Asie ». Comment expliquer cette grande santé et ce « cas particulier » de l'horlogerie, alors que les économies européennes sont en grande difficulté ? Ces chiffres sont-ils vraiment si rassurants ?

••• LES LECTEURS DE « BUSINESS MONTRES » savent déjà ce qu’il faut penser de ces chiffres, et des statistiques horlogères en général, mais un premier décodage a été tenté dans le « Forum » de la TSR :
•• Oui, les ventes de Richemont sont fortes (+ 26 % sur six mois, + 36 % à change constant)...
•• Oui, les profits opérationnels explosent (+ 41 %)...
•• Non, les bénéfices réels ne progressent plus (à peine + 10 %, à rapporter aux + 41 % ci-dessus, c'est moins qu’au cours des années précédentes)...
•• Non, la situation n’est pas bonne, avec à peine 1 % de progression du cash flow au cours de la même période (à comparer aux + 41 % ci-dessus)...

••• CE QUI SIGNIFIE TOUT SIMPLEMENT qu’on est entré dans une logique de rendements décroissants : les coûts d’accès au marché ont explosé. Pour financer sa croissance et augmenter ses ventes, Richemont doit – comme tous les autres groupes – alourdir ses dépenses d’industrialisation (tout ce qui permet de fabriquer des montres) et ses dépenses de commercialisation (tout ce qui permet de vendre ces montres). C’est bien beau de créer des boutiques partout, mais c’est monstrueusement coûteux : d’abord pour produire ces montres dans un contexte de pénurie, ensuite pour en bourrer les tiroirs de ses propres boutiques. Si les ventes augmentent, ce n’est pas forcément que les montres sont achetées par ses amateurs à l'autre bout du monde, mais c'est sans doute aussi parce qu’on les a vendues aux filiales qui les vendront aux boutiques qui les vendront (on l’espère !) aux clients en bout de chaîne (end consumers). Bref, on a rempli les tuyaux ! Dans une telle phase d’augmentation effarante des coûts d’accès au marché, plus on vend de montres et moins on fait de bénéfices réels : les comptes de Richemont le prouvent amplement à tous ceux qui ne se laissent pas aveugler par les deux premières lignes du communiqué officiel...

••• LA FRANCHISE DE JOHANN RUPERT, le propriétaire et président du groupe Richemont, est d’ailleurs admirable : il admet que ses profits s’érodent, même si son trésor de guerre reste confortable (2,6 milliards d’euros). Il annonce en revanche des lendemains qui déchantent, en comptant sur la créativité de ses équipes, sur leur sens des responsabilités (pourquoi : ils en manquent ?) et sur la solidité de leur modèle économique pour résister sur le long terme en dépit d’un environnement économique international terriblement préoccupant (« despite the very worrying world economic environment »). Et Johann Rupert, qui en a vu d’autres, n’est pas du genre alarmiste : dans ce contexte, les promesses de nouvelles implantations et d’embauches ont toutes les chances d’être retouchées dans les semaines qui viennent...

••• C’EST DE TOUT ÇA, ET D’AUTRES ÉLÉMENTS D’ANALYSE de l’actualité des montres en général dont il a été question dans le « Forum » de la RSR : on peut écouter cette partie de l’émission sur le site de Forum ou télécharger cette rubrique horlogère de Business Montres...