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Dernier jour de l'exposition Christie's (427 lots).
Forte affluence pour découvrir, montres en main, les merveilles d'un catalogue à la richesse exceptionnelle, même pour une « Watch Madness » genevoise d'un niveau tout aussi exceptionnel...
1)
••• LE LEADER INCONTESTABLE DES ENCHÈRES
RÉAFFIRME EN 427 LOTS SA VISION DU MARCHÉ DES MONTRES DE COLLECTION...
« Aurel super-star » : on ne va pas rejouer le match pour les lecteurs de Business Montres, qui ont eu la chance de suivre en direct – pour mieux la comprendre et l'apprécier – l’irrésistible ascension d’Aurel Bacs dans le ciel des enchères horlogères. C'est lui qui a repris le flambeau d'Osvaldo Patrizzi, à un moment où le « renard argenté » avait – bien malgré lui – le genou à terre. Qu’on l’accepte ou qu’on s’en désolé <="" em="">, c’est Christie’s qui tire le marché et c’est Aurel Bacs qui donne le tempo à coups de marteau : ses meilleurs amis sont des collectionneurs – ce qui lui garantit une vibrante perception du marché – et ses meilleures montres ont une propension quasi-magique à « faire des millions » dans ses ventes. C’est donc en suzerain qu’il aborde la « Watch Madness » de cette fin 2011 : quand on fait la course en tête, on regarde devant, pas dans son rétroviseur, ce qui n’empêche de tout faire pour maintenir cette position souveraine – comme en témoigne son catalogue « Important Watches » (un doux euphémisme pour ce lundi 14 novembre)...
••• « LE MÉDIUM, C’EST LE MESSAGE », martelait Marshall McLuhan. Tout catalogue d’enchères horlogères en est – s’il est bien conçu – la démonstration. Récemment, (Business Montres (27 octobre) analysait la nouvelle présentation du catalogue proposé par Geoffroy Ader chez Sotheby’s. La simple couverture du catalogue Christie’s est un aveu : on n’y met pas en valeur une seule pièce-phare, mais une douzaine, avec un décadrage qui accentue encore l’impression de foisonnement. On en déduira subliminalement une idée de richesse – et ce sera mérité. Un coup d’œil sur la date : lundi 14 novembre : de quoi laisser les outsiders (Antiquorum ou Sotheby’s, excusez du peu !) jouer entre eux le dimanche, pour passer aux choses sérieuses en début de semaine. Amusante, non, cette distinction physique entre les big players et les « auctioneers du dimanche » ?
••• UN PREMIER COUP D’ŒIL PANORAMIQUE dans ce catalogue révèle une symphonie en deux mouvements (182 lots le matin, le reste des 427 lots l’après-midi) pour disperser un ensemble estimé entre 12 et 16 millions de dollars, mais dont tout indique que son résultat final se situera au-delà des 20 millions de dollars. Chacune de ces deux séquences du lundi est rythmé par la classique alternance de « déballage » (montres neuves ou occasions récentes) et de pièces « fortes » capables d’échauffer progressivement les enchérisseurs présents dans la salle (collectionneurs et marchands) et d’exciter les bidders suspendus au téléphone ou fébriles devant leur ordinateur. Chez Christie’s, on passera aux choses sérieuses dès le lot n° 25 (triple date Rolex), premier susceptible d’atteindre les cinq chiffres si la « salle » est bonne – et comment ne le serait-elle avec un Aurel Bacs agrippé à sa chaire comme un horlo-évangéliste de la montre de collection. Qu’on se rassure : si ce n’est pas le n° 25, ce sera le n° 26, une Daytona « Paul Newman » de 1970, qui crèvera le plafond des montres à plus de 100 000 dollars ! Et ce sera parti pour une longue série...
••• POUR CEUX QUI N’AURAIENT PAS COMPRIS, la maquette du catalogue confirme la hiérarchisation des lots. Trois ou quatre lots par page : c’est de la drouille, mot d’argot professionnel pour désigner la marchandise courante, même si Aurel Bacs met un point d’honneur à proposer, dans chaque catalogue, des pièces sans réserve à prix ultra-accessible, voire des lots de plusieurs montres mécaniques qui permettent de se créer un fonds de collection. Une montre par page : c’est déjà mieux, et ce sera encore plus fort avec deux photos. Un grand bandeau en couleurs avec la référence dans un typographie géante : attention, c’est du sérieux, sur une, deux, trois ou quatre pages pour les mots-phares, avec ce qu’il faut de visuels multiples (si possible en pleine page), de documents d’archives, de notices documentaires et de « preuves » qui attestent du caractère unique ou rarissime de la pièce. Même un non-initié pourra se repérer dans ce pavé imprimé d’un peu plus de deux kilos, qui propose une des plus fortes concentrations jamais opérées à Genève de « montres exceptionnelles »...
2)
••• COMMENT CHRISTIE’S VERROUILLE
CHAQUE SEGMENT DU MARCHÉ POUR Y IMPOSER SA PRÉÉMINENCE...
Par rapport à ses followers, un leader n’a pas à prendre de risques : il lui suffit de prouver sa souveraineté et sa domination naturelle sur chaque segment de marché. Si personne ne conteste à Aurel Bacs sa prééminence sur le marché des « grandes » Patek Philippe millionnaires, ou (depuis le printemps, sur le marché naissant des « grandes » Rolex tout aussi millionnaires, pas question pour lui de laisser d’autres maisons préempter les marchés de « niche », qu’on parle des marques « émergentes » et alternatives sous le marteau (Panerai, Breguet, Cartier – ne pas manquer le lot n° 261), comme de montres émaillées (une petite centaine, dont quelques « vedettes »), de complications en montres de poche, de montres-bijoux ou même de documentation (l’exceptionnel lot n° 74, en page 54 du e-catalogue : quatre livres Patek Philippe et Audemars Piguet dans une reliure digne des montres qu’ils présentent). Il ne manquera même pas dans ce catalogue la pièce hollywoodienne de service, comme la Rolex Submariner de James Bond (Vivre et laisser mourir), déjà signalée en avant-première par Business Montres (13 octobre), avec une information complémentaire le 26 octobre (info n° 7) : peut-être verra-t-on, pour la première fois, une Submariner dépasser les 200 000 dollars – ce qui serait un exploit pour une montre sans mouvement, mais équipée d’une scie circulaire et d’un générateur de micro-ondes magnétiques...
••• DIFFICILE DE LISTER TOUTES LES MERVEILLES (ou les pièges) de ce catalogue, mais on peut tenter de proposer une sélection de montres particulièrement intéressantes, à un titre ou à un autre (pour les lots, se référer au lien du e-catalogue ci-dessus)...
• Panerai « Égyptienne » (lot n° 27) : une Radiomir rarissime, dont les amateurs doutent quand même que la couleur du cadran ait subi de façon naturelle une telle évolution chromatique...
• Les chronographes Patek Philippe : il y en a tant ici qu’on ne signalera que les pièces vraiment marquantes, alors que d’autres seraient les lots-phares de catalogues proposés par d’autres maisons... On prend ici en compte la réf. 1463 du lot n° 42, la réf. 1518 du lot n° 200, « quart de millionnaire », la réf. 570 du lot n° 249, la même réf. 530 du lot n° 251,peut-être « demi-millionaire », le chronographe monopoussoir du lot n° 253, la réf. 3974 du lot n° 278, encore une réf. 530 comme le lot n° 303 (le cap du million est en vue), la réf. 1463 du lot n° 367, une autre réf. 1463 avec le lot n° 409 ou la réf. 249 du lot n° 427 (qui finira la session, avec le million de dollars à portée de marteau)...
• Les montres émaillées : ce n’est pas (encore ?) la spécialité d’Aurel Bacs, ni de Christie’s, les collectionneurs pointant encore du doigt certaines faiblesses documentaires dans les attributions de ces montres, leurs dates ou la régularité de leurs aiguilles, de leurs cadrans ou même de leur émaillage. Querelle de « maniaques », qui n’empêcheront pas quelques adjudications majeures pour des lots comme l’automate du n° 55, le scarabée du lot n° 119, le papillon du lot n° 121, l’ensemble (pas toujours émaillé) des montres de poche du lot n° 368 au lot n° 380, etc...
• Les Patek Philippe « courantes » : là encore, il y en a trop, toutes plus freshto the market les uns que les autres, pour les citer avec exhaustivité, mais on se gardera de négliger des lots comme – entre autres – les lots n° 80, n° 86, n° 138 (une « acier »), n° 279 (réf. 2497), n° 299, n° 302 (nom de code : « Marylin Monroe » pour les formes), la réf. 1415 du lot n° 304, la réf. 3448 du lot n° 331, la réf. 2438/1 du lot n° 332 (largement « demi-millionnaire »), la réf. 2497 du lot n° 366 (superbe état et belle taille) ou la réf. 565 du lot n° 408, parmi lesquels on pourrait trouver quelques pépites sous le marteau...
• Les Rolex « courantes », mais dignes d’intérêt, comme la Submariner militaire du lot n° 206, le triple calendrier du lot n° 210, l’autre triple calendrier du lot n° 352, plusieurs Milgauss et quelques autres, devraient bénéficier de l’« effet d’aspiration » d’un catalogue exceptionnellement riche...
• Les Patek Philippe de poche : négligées par les collectionneurs de montres modernes, elles se revalorisent lentement, à la fois sous l’influence de la culture horlogère de plus en plus affirmée des amateurs et par effet de pénurie des « grandes » Patek Philippe devenues intouchables. Exemples (sélection non exhaustive) : la répétition minutes du lot n° 87 ou le lot n° 422. On se gardera de ranger dans cette catégorie « émergente » le lot n° 89 : un tourbillon en platine aux armes des Graves, « pièce unique » estimée entre un million et un million et demi de dollars – promesse qui devrait largement être tenue...
• Patek Philippe réf. 3448 (lot n° 88) : un calendrier perpétuel phases de lune de toute beauté et de toute rareté, estimé entre un demi et un million de dollars, quasi-« pièce unique » inconnue du marché (qui la considère comme une « Belle au Bois dormant » miraculeusement ressuscitée). On peut déjà prendre les paris pour un record...
• Patek Philippe réf. 96 HU (lot n° 90) : une Heure universelle sans doute « unique » de 1937, sérieusement documentée dans le catalogue, qu’on peut considérer comme le « prototype » des séries suivantes. Estimation autour du demi-million de dollars, mais les appétits sont aiguisés autour de cette pièce. Ne pas négliger l’autre réf. 96 du lot n° 142, qui n’est pas une Heure universelle, mais un calendrier complet à phases de lune, très rare aux enchères, bien documentée et susceptible de dépasser de loin le demi-million de son estimation...
• Des chronographes Rolex vintage de tous les genres ? Une exceptionnelle collection de neuf lots (n° 103 à 111, le n° 109 n’étant qu’une Bubbel Back), qui couvrent à peu près tous les styles des catalogues Rolex et qui proviennent tous de la collection Mondani (dispersée en 2006). Suivre de près le lot n° 178 : un Cosmograph serti réf. 6269, qu’on devrait retrouver sous les 300 000 dollars. Nepas quitter des yeux l’Oyster chronographe réf. 3525 du lot n° 180 : on devrait frôler les 200 000 dollars.
• Patek Philippe réf. 1518 (lot n° 140) : jamais portée, jamais polie et restée oubliée dans un coffre-fort, elle réapparaît dans toute sa fraîcheur pour s’imposer comme une des plus belles 1518 – sinon la plus emblématique – jamais proposée aux collectionneurs, qui adorent cette référence. L’estimation frôle le million de dollars, mais on devrait sans doute parvenir aux six chiffres...
• Patek Philippe réf. 1579 (lot n° 141) : en platine, c’est du « lourd », dans tous les sens du terme. L’estimation (1,2-1,7 million de dollars) la désigne clairement comme une « vedette » de la vente : on ne connaît que trois montres de cette référence en platine et elles ont toutes crevé le plafond de leur estimation. Lundi, avec encore plus de collectionneurs mobilisés qu’il y a quelques années, ça va cogner très fort sous le marteau
• Urban Jürgensen : une gourmandise pour les amateurs (lots n° 159 à 161), à suivre de près au moment où la marque tente de se relancer sur le créneau de la haute complication tradi-contemporaine...
• A. Lange & Söhne : la plus belle « Lange » de la « Watch Madness » n’était pas dans le catalogue allemand d’Auktionen Dr Crott (qui en présentait une centaine), mais chez Christie’s (lot n° 162 : double chronographe répétition minutes et calendrier perpétuel daté de 1889), où elle devrait dépasser le demi-million de dollars sous le marteau, alors qu’Aurel Bacs n’est en rien spécialiste de ce genre de complications à l’allemande...
• Charles Frodsham (lots n° 163 à 170) : seuls les initiés savent à quel point ces montres de poche sont importantes dans l’histoire horlogère, ce qui explique qu’elles soient à la fois sous-cotées et très recherchées. On jugera de la nouvelle maturité du marché au score de cette série exceptionne le 14 novembre...
• Rolex « Neptune » réf. 8382 (lot n° 179) : c’est la plus belle Roilex émaillée de la vente et les acheteurs du futur musée Rolex sont aux aguets tellement cette pièce (rare et bien documentée) est dans un superbe état. Les 200 000 dollars sont pratiquement garantis : quo non ascendam (image ci-dessus, page 150 du catalogue)...
• Patek Philippe réf. 3449 (lot n° 252) : encore une pièce largement « millionnaire » qui peut même, si le marché comprend la rareté de ce calendrier perpétuel aux lignes effilées, devenir « bi-millionnaire ». On n’en connaît que trois, dont l’une est définitivement ancrée au musée Patek Philippe : ça excite beaucoup les amateurs...
••• OUF, N’EN JETEZ PLUS, LES POCHES SONT VIDES et les vitrines ou les coffre-forts des collectionneurs mieux garnis : on aura compris que cette dispersion sera étourdissante, quel que soit le succès des ventes concurrentes ! On sera du début à la fin dans l’exceptionnel, avec des séquences à forte intensité émotionnelle et des épisodes à forte valeur ajoutée collectionnelle, la plupart des grands amateurs – on parle ici des « grands fauves » amateurs de marchandises millionnaires – ayant compris que certains de ces lots-phares ne repasseront pas de sitôt sous le marteau – surtout quand ils auront rejoint les collections de la lointaine, mystérieuse et compliquée grande Asie... |