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Inquiétude de certains lecteurs : pourquoi un tel silence de Business Montres à propos du GPHG 2011 ?
Nous aurait-on limé les crocs ?
C’est pourtant simple : on ne tire pas sur les ambulances, surtout quand elles transportent un grand blessé sur la voie de la guérison.
Explications...
1)
••• ROBERT GREUBEL ET STEPHEN FORSEY
(JURÉS D’HONNEUR) TÉMOIGNENT DE LA BONNE TENUE
DES DÉLIBÉRATIONS DU JURY POUR CETTE ÉDITION 2011 du GPHG...
Rassurons les lecteurs : non, votre Quotidien des Montres, très en pointe l’année dernière contre les aberrations du Grand Prix d’Horlogerie de Genève, n’a pas été muselé. L’idée n’est cependant pas de tirer sur tout ce qui bouge, mais de toujours évaluer une information, un fait, une actualité à la seule lumière de ce qui est bon – ou non – pour les intérêts de l’industrie horlogère. En 2010, annus horribilis dans l’histoire du GPHG, avec le cumul de ses multiples dysfonctionnements internes, du palmarès le plus manipulé des dix années précédentes et du ridicule d’un trophée de l’Aiguille d’or Made in China, le pronostic vital était engagé, comme on dit à la télé (Business Montres du 26 novembre et des jours précédents). Cette année, tout s’est arrangé – et on peut imaginer que le « Qui bene amat bene castigat » de Business Montres y est pour beaucoup...
••• CERTES, LE RIDICULE DE L’AIGUILLE D’OR CHINOISE entache toujours le prestige de cette manifestation, mais des progrès importants ont été réalisés, en attendant la refonte totale du règlement intérieur et des procédures du GPHG. Le passage sous le contrôle d’une fondation « officielle » (explication Business Montres du 26 mai) semble avoir enclenché un cycle vertueux de réformes. La composition du jury de cette année reflète mieux, en dépit de ses imperfections pointées du doigt ici même, les réalités de l’industrie horlogère. Les procédures du vote de ces jutés était singulièrement plus honnête cette année. Le retrait du groupe Edipresse est positif. Certes, ce prix ne concerne réellement qu’une poignée de marques et continue à exclure Rolex, Patek Philippe, toutes les marques du groupe Swatch, le groupe Franck Muller, Cartier, Breitling, Richard Mille et tant d’autres grandes maisons, mais le palmarès final (voir ci-dessous) devrait être plus décent et moins scandaleux que les précédents. Donc, on ne tire pas sur l’ambulance, en accordant au grand blessé une chance de rejoindre l’hôpital pour y guérir...
••• « BUSINESS MONTRES » AVAIT TROP D’AMIS parmi les jurés pour n’avoir pas suivi de près leurs délibérations. Contrairement aux autres années, il n’était pas question de poser un pronostic sur les prix qui seront distribués demain, ni de susciter un « jury fantôme » comme celui de l’année dernière : encore une fois, laissons un chance à ce GPHG qui, sans être encore tout-à-fait de génération 2.0, est déjà une génération 1.99 – ce qui est encourageant. Pour synthétiser ce nouvel esprit et mieux décoder le palmarès final, autant demander aux lauréats de L’Aiguille d’or 2010, membres de fait du jury 2011, de raconter un peu dans quel esprit tout le monde a travaillé - ils sont deux, Robert Greubel et Stephen Forsey, mais ils ont tellement l’habitude de ne parler que d’une seule voix qu’on a respecté cette expression unique...
••• PREMIÈRE INNOVATION : les nouvelles procédures de vote des jurés – acquis à bulletins secrets, les montres primée étant celles qui recueillent, sous contrôle d’huissier, le plus grand nombre de points – ont permis aux deux créateurs de Greubel Forsey de prendre part au vote. Ils racontent : « Certes, nous avons eu des discussions très intéressantes entre nous. Tous les jurés n’avaient pas le même niveau de culture horlogère et la confrontation était passionnante entre des créateurs comme nous, des collectionneurs, un professionnel des enchères, des détaillants ou des journalistes plus ou moins spécialisés. Ensuite, chacun votait secrètment et seul l’huissier pouvait faire les additions pour déterminer les montres gagnantes. Une impartialité qui rompait, d’après ce que nous avons appris, avec les années précédentes »...
••• « ON PEUT DÉDUIRE DE CETTE IMPARTIALITÉ un regain de crédibilité, expliquent Robert Greubel et Stephen Forsey. A ce niveau-là, compte tenu des implications internationales de ce GPHG, c’est la moindre des choses. La complémentarité qui s’est instaurée entre les membres du jury n’a fait que renforcer la (relative) représentativité du vote final aux yeux de la communauté horlogère. Autre innovation 2011 : les décisions des jurés ont été réfléchies, avec toutes les montres en main, ce qui n’était pas le cas les autres années. Chacun a pu s’exprimer au sujet de chaque montre présélectionnée, avant de se déterminer, personnellement et secrètement (même quand il s’agissait de montres “postiches“ !). Pour certaines des pièces engagées, il était important, surtout pour les non-professionnels, de les faire fonctionner pour en comprendre l’intérêt, sans trop se laisser influencer par des considérations de prestige (à propos de la marque) ou de réputation médiatique. Il était évident, aux yeux de tous, qu’il fallait accorder du crédit à la substance de la montre et à celle de la marque, pour récompenser sur le fond plus que sur la forme, en se méfiant des “one shots“ sans lendemain. Ce GPHG s’inscrit dans la durée, pas dans le coup de poker »...
••• « POUR LES PRIX “SPÉCIAUX“ (Aiguille d’or, prix spécial du jury, prix du meilleur horloger constructeur), la discussion a été encore plus ouverte au sein du jury, chacun suggérant des noms, avec la volonté de partager, sans pression autoritaire comme sans idée de “négociation“ : pour l’Aiguille d’or, il s’agissait de déterminer la montre qui avait, cette année, le plus de mérite : chaque juré était libre de proposer, puis de choisir. Pour le prix du jury, il fallait récompenser un homme ou une institution. Pour l’horloger constructeur, le meilleur créatif de l’année. Pour chaque prix, des noms ont été avancés et nous avons voté, une fois que tous les avis ont été exprimés, chacun mettant les acquis de son expérience personnelle et de ses connaissances horlogères à la disposition des autres. Beaucoup de questions et d’explications pour un vote qui s’annonce, une fois de plus, équilibré et représentatif »...
••• « S’IL N’Y AVAIT POUR NOUS QU’UNE CHOSE À RETENIR, notent Robert Greubel et Stephen Forsey, c’est bien l’ouverture d’esprit de tous les jurés, qui nous ont donné l’impression de s’exprimer en leur âme et conscience, sans génuflexion obligatoire devant telle ou telle marque et avec un grand sens de responsabilités induites par leur décision finale. On comprend mieux, après un tel vote, les défis futurs du GPHG, notamment la participation de toutes les marques qui n’y participent pas encore et la représentativité accrue du jury. Ce qui était passionnant, cette année, c’était l’impression de se trouver au premier chapitre d’une nouvelle grande aventure et à l’orée d’une nouvelle époque pour le GPHG »...
2)
••• ALORS, QUELLES MARQUES VONT MONTER
SUR SCÈNE POUR RECEVOIR LEUR RÉCOMPENSE DEVANT TOUS LES PROFESSIONNELS ?
Comme on l’a précisé ci-dessus, laissons une chance à ce premier GPHG nouvelle manière : inutile donc de polluer le verdict de samedi soir par des révélations intempestives. Pour les petits malins qui veulent connaître au moins les trois montres de la sélection finale pour chaque catégorie de prix : cherchez les trois pièces qui sont partis pour être exposées à Belles Montres Paris, le week-end prochain.
••• ON SE CONTENTERA DONC DE RENDRE PLUS INTELLIGIBLE le verdict définitif pour les différents prix, sans préjuger du score final de chaque montre. Il s’agit donc de tendances, et non d’un pronostic ferme et définitif. Comme Business Montres (5 septembre, info n° 2), tout le monde a remarqué l’impitoyable « épuration ethnique » opérée lors de la présélection, qui a nettoyé par le vide les ambitions de nombreuses nouvelles marques indépendantes : « Un jeu de massacre générationnel », écrivions-nous, parfaitement explicable par la composition du jury, plus conservateur et traditionnaliste que non-conformiste. Il ne reste plus guère que Christophe Claret, Eva Leube, Hautlence et Urwerk pour porter les espoirs de la nouvelle génération [espoirs malheureusement concentrés dans la catégorie Design]...
••• POUR CHAQUE CATÉGORIE DE PRIX, en pestant une fois de plus contre le flou inadmissible dans leur définition, on peut imaginer que le prix « Montre Femme » n’échappera pas à une montre relativement classique proposée par une marque plutôt connue : la Spin Time Louis Vuitton paraît bien placée, de même que la Boucheron (image ci-dessus : la Crazy Jungle, sans doute en sélection finale, pourquoi pas avec le prix ?) et la Piaget ou la Roger Dubuis. Chanel resterait un outsider possible pour récompenser un succès horloger dans la durée...
••• « Montre Homme » : un choix alternatif courageux placerait De Bethune dans la sélection finale, de même que Laurent Ferrier, mais il sera difficile de résister au Temps suspendu d’Hermès ou à l’Heures du monde de Vacheron Constantin...
••• « Montre Design » : encore une catégorie proprement in-signifiante, qui mélange l’esthétique et la complication ! Là encore, il pourrait y avoir du De Bethune dans l’air - cette DB 28 est proprement exceptionnelle -, mais ce serait une bonne occasion de récompenser la nouvelle génération (Eva Leube, Hautlence, Urwerk ou même le téléphone Celsius X VI II) – avec Corum en alternative soft...
••• « Montre Joaillerie et Métiers d’art » : dans cette catégorie « Torchons et Serviettes » (« Carottes et Poireaux » si on préfère), difficile d’échapper aux hyper-carats deux fois millionnaires d’Hublot comme au paysage polaire de Van Cleef & Arpels, quoique ces deux montres n’aient rien à voir ! Les jurés étaient intéressés par les métiers d’art façon Vacheron Constantin, avec l’Eden méditerranéen de Bvlgari ou la Shéhérazade de Boucheron en embuscade...
••• « Montre Grande Complication » : parce que les précédentes n’étaient pas des complications ? Sans faire de wishfull thinking, le GPHG s’honorerait de récompenser De Bethune, une montre qui n’a semblée concurrencée que par la Christophe Colomb de Zenith ou le tourbillon A. Lange & Söhne, l’Opus Eleven d’Harry Winston (qui aurait été un choix logique) souffrant de son emphase disruptive...
••• « Montre Sport » : comment ne pas récompenser le Mikrograph de TAG Heuer ? Mais peut-être sera-t-il temps d’admettre Bovet dans la sélection finale avec la Cambiano ou d’accorder un accessit à Harry Winston (Project Z 6), à Chopard ou à Audemars Piguet...
••• « Petite Aiguille » : c’est la bonne année pour Bell & Ross (WW1) ou pour ne pas décourager Montblanc. Ce serait même bien de distinguer Frédérique Constant pour saluer le « retour au classique »...
••• Pour les autres prix (Aiguille d’or, jury, constructeur), il faut s’attendre à des choix relativement « sages », équilibrés et – on l’a vu ci-dessus dans les propos de Robert Greubel et Stephen Forsey – plutôt consensuels. Inutile d’en dire plus sans enlever à la cérémonie tout son piment et au dîner qui suivra tous ses sujets de conversation...
••• Une dernière recommandation aux invités présents au Grand Théâtre : laissez parler votre coeur et vos tripes ! Ce n'est pas parce que la cérémonie se veut aussi consensuelle que le verdict des jurés qu'il faut s'endormir dans son fauteuil. A chacun de manifester son enthousiasme ou sa désapprobation : le GPHG est un spectacle total – sur la scène comme dans la salle. La hola ou la bronca ? On en reparlera... |