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Surprise à Plan-les-Ouates : de passage à Genève pour le Grand Prix d’Horlogerie, Frédéric de Narp le jeune président d'Harry Winston, a pris acte d’un certain nombre de difficultés relationnelles avec Didier Decker.
Ce dernier a préféré quitter ce matin une manufacture dont il était le directeur genevois depuis le printemps 2008...
••• LA MANUFACTURE HARRY WINSTON A PERDU
CE MATIN SON DIRECTEUR POUR L'HORLOGERIE...
La restructuration de la manufacture Harry Winston à Genève se poursuit et Frédéric de Narp achève la mise en place d’une équipe acquise à sa nouvelle stratégie pour la marque. Après les départs de David Gouten (Business Montres du 6 mai, info n° 3), de Marylin De Cesare et d’Estelle Tonelli à la communication (Business Montres du 22 avril), et de quelques autres, Didier Decker jette à son tour l’éponge, après un peu plus de trois ans à la tête d’une manufacture dont il avait réorganisé la production après le départ surprise d’Hamdi Chatti, le successeur de Maximilian Büsser...
••• FRÉDÉRIC DE NARP EST UN HOMME PRESSÉ : depuis sa nomination à la présidence d’Harry Winston (révélation Business Montres du 4 décembre 2009), il n’a jamais caché son ambition de remettre Harry Winston en disposition de combat, fort des bonnes résolutions de son board et de la force cachée de la marque Harry Winston, qu’il considère comme une sorte de « Belle au Bois dormant » dans l’univers du luxe. Même s’il inscrit ses ambitions pour la marque dans la durée (il se donne cinq ans pour tripler le chiffre d’affaires grâce à son nouveau réseau de boutiques), Frédéric de Narp ne veut pas perdre de temps : très américain, direct et pragmatique dans son management, il a la volonté d’insuffler une nouvelle dynamique à la marque. Pour lui, chaque minute compte – ce qui ne s’accorde pas vraiment aux rythmes plus... agricoles d’une horlogerie suisse pas nécessairement dans le tempo haletant du village planétaire. Cette stratégie de redéploiement d’Harry Winston passant en priorité par l’intégration de nouveaux métiers au sein de l’entreprise (à la fois dans la joaillerie et dans l’horlogerie), ainsi que par un effort de verticalisation, Didier Decker était un rouage essentiel à une période charnière...
••• DANS LA COMMUNAUTÉ HORLOGÈRE, tout le monde connaît la rassurante silhouette piriforme de Didier Decker : ex-COO du groupe Franck Muller, il était passé par l’UBS, où il gérait les comptes des clients horlogers de la banque (image ci-dessus : à la production ! Remerciements à Forvesta) Genevois formé à Harvard, il avait acquis chez Harry Winston une solide expérience de la production et des rapports avec les fournisseurs – pas forcément faciles quand la faiblesse chronique de la supply chain horlogère empêche toute livraison just in time. Ce blocage possible à cause d'un nano-maillon faible de la chaîne n’est pas forcément facile à comprendre d’un point de vue américano-globalisé. Courtois et plein d’humour, mais aussi parfois d’humeur, Didier Decker a mené à bien, cette année, la reprise en interne du projet Opus Eleven après la défaillance de MCT (Business Montres du 28 octobre). Opération délicate, génératrice de tensions internes et source d’incompréhensions au sein de sa hiérarchie. Il est certain que son départ inattendu et sans sursis a un lien avec ce dossier Opus Eleven, mais d'autres dossiers en sont probablement responsables. Frédéric de Narp,cash et exigeant pour ses troupes comme tout bon manager américain - quoique Français, il a dirigé Cartier aux Etats-Unis -, privilégie tout de même la qualité des relations humaines au sein de ses équipes. Speed, mais cool ! Intraduisible en suisse romand...
••• ENTRE LE « WONDER BOY » HYPER-ACTIF, qui refuse de donner du temps au temps, et la rondeur patriarcale d’un familier des watch valleys où il s’agit, au contraire, de rendre du temps au temps, la tension était inévitable. Question de chromosomes, sans doute, mais aussi de vision de ce que doit être une maison de luxe et de ce qu’elle se doit d’apporter à ses clients. Pour mettre en place et accélérer la mutation d’Harry Winston, Frédéric de Narp avait besoin de jeunes équipiers enthousiastes et sans états d’âme, donc, logiquement, de nouveaux profils « à sa main ». Sa ligne de conduite est claire : « Qui m’aime me suive, et au galop » ! Difficile, dans ces conditions, de jouer les amortisseurs entre une direction survoltée et des fournisseurs sous-organisés pour rester dans les délais : par qui remplacer Didier Decker, se demande déjà Frédéric de Narp, sachant qu'il ne va pas lui être facile de raccrocher les wagons avec les fournisseurs... |