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BÉVUE DE PRESSE : Bibi au pays de l'or noir
 
Le 19-12-2011
de Business Montres & Joaillerie

Jean-Claude Biver ne veut plus mettre de gants ! Au moins pour manipuler les montres en Magic Gold, réputées inrayables et inaltérables ad vitam aeternam...

Pour le reste, l'affaire du Magic Gold a du mal à être comprise sur les forums et sur les médias sociaux : chronique d'un week-end difficile pour le marketing Hublot...


1)
••• L’AFFAIRE DU « MAGIC GOLD » (HUBLOT)
IMPITOYABLEMENT DÉCORTIQUÉE PAR LES FORUMS FRANCOPHONES...

La fameuse « intelligence collective » des médias sociaux a parfaitement fonctionné tout le week-end pour tenter d’éclaircir les tenants et les aboutissants de ce Magic Gold, soigneusement lancé dans ce qu’il faut bien appeler un « certain flou artistico-médiatique » concernant des catégories métallurgiques ou industrielles un peu étrangères aux beaux-arts de la montre (voir notre première analyse : Business Montres du 15 décembre, sans oublier la vidéo de démonstration du procédé industriel sur la chaîne images de Business Montres le 16 décembre). Il a d’ailleurs fallu l’intervention personnelle de Jean-Claude Biver sur un certain nombre de forums pour recadrer un débat qui partait en vrille...

••• Tout le monde s’est empoigné sur le mot « alliage » (alloy en anglais), alors qu’il s’agit bel et bien d’un composite d’or pur (24 K) et de céramique. Mais le dossier de presse était rédigé avec une telle poésie que toutes les confusions étaient possibles...

••• Tout le monde s’est égaré en confondant poids, volume, masse ou densité (notions plus physiques qu'horlogères), un premier article du Monde (France) ayant contribué à obscurcir le débat en affirmant qu’il y avait 700 g de carbure de bore pour 300 g d’or dans un kilo de Magic Gold. Ce qui était une ânerie...

••• En fait, dans un kilo de Magic Gold, il y a bien 750 g d’or pour 250 g de céramique, et c’est pour cette raison que cet or, qui est pur (sans les 250 millièmes qu’on trouve habituellement dans l’or 18 K, additionné d’argent, de cuivre ou de nickel), n’est « poinçonné » que comme du 18 K, alors qu’il est chimiquement aussi vierge qu’un or 24 K. Le Bureau suisse des métaux précieux raisonne uniquement en poids ! Donc, légalement parlant, le Magic Gold est bien du 18 K...

••• Si on parle de volume, un kilo du composite Magic Gold tient effectivement plus de place qu’un lingot d’un kilo d’or 18 K. Vous vous souvenez sans doute de l'histoire du kilo de plume et du kilo de plomb : ils pèsent pareil, mais ils ne tiennent pas la même place ! Le carbure de bore est beaucoup plus léger que l’or : il en faut donc beaucoup plus pour faire 250 g, d’où la taille XXL du lingot d’un kilo de Magic Gold. On peut donc y tailler beaucoup de boîtiers de Big Bang, qui contiendront chacun un peu moins d’or que les boîtiers en or « classique » (un peu beaucoup, quand même : quatre à cinq fois moins selon les estimations). C’est sans doute là que Hublot a péché par optimisme – du moins à court terme – en baptisant « or » (gold) ce qui n’était plus tout-à-fait de l’or, ni d’ailleurs plus tout-à-fait de la céramique, mais un nouveau matériau précieux, hybride et innovant, au carrefour de la bijouterie traditionnelle et du high-tech très avancé.

••• L'histoire de l'or noir annoncé en conférence de presse a également du mal à être bien comprise, personne n'ayant clairement expliqué que le Magic Gold brut de fonderie est noir (comme les granulés de carbure de bore qui forment sa structure), mais qu'il faut le polir pour révéler la couleur dorée de la mousse d'or qui s'est formée dans sa structure (image ci-dessus : un pastiche dont on espère qu'il nous sera pardonné par les héritiers d'Hergé)...

••• Une partie de ces débats est bien cadrée et clairement structurée sur le forum Horlogerie suisse (670 vues, 50 contributions), ainsi que sur Chronomania (1 450 vues, 60 contributions), qui sont des forums non officiels. En revanche, les forums anglo-saxons (officiels et financés par les marques) ont prouvé une fois de plus leur conformisme et la béatitude inepte de leurs commentaires (126 vues pour Revolution online !)...



2)
••• UN OR MAGIQUEMENT LOW COST DEVENU ARME ANTI-CRISE
POUR LANCER DE NOUVELLES COLLECTIONS À PRIX ACCESSIBLE...

La vraie question est maintenant de savoir ce que Hublot va faire de cet « or » inrayable. Si chaque boîtier en Magic Gold contient nettement moins d’or qu’un boîtier « massif », il devrait logiquement être vendu beaucoup moins cher. Moins cher que l’or massive et plus que la céramique classique : entre les deux, plus près de la céramique pour être cohérent au vu de la quantité d'or utilisée ! C’est là qu’on peut se demander si Jean-Claude Biver n’a pas trouvé son arme anti-crise : avec la récession qui s’annonce, le prix des montres devra être ramené à des niveaux réalistes, quels que soient les désordres monétaires (et à plus forte raison si le dollar ou l’euro décrochent du franc suisse). Comment baisser les prix sans baisser sa culotte et « perdre la face » ?

••• Impossible de revenir sur les prix des catalogues actuels : les amateurs qui ont payé le prix fort ne le comprendraient pas plus qu'ils ne le pardonneraient. Autant créer – si possible sans le klaxonner sur tous les toits et en aiguillant le débat sur d'autres thèmes – un or low cost, qui ressemble à de l’or, poinçonné et garanti comme de l’or 18 K, mais en l’enrichissant de qualités intrinsèques qui surclassent celles de l’or massif et qui donnent bonne conscience aux consommateurs. Un or magique, capable de réussir la transmutation de la céramique en or, opération alchimique sans doute plutôt indifférente à une masse de consommateurs qui négligeront le flacon pourvu qu'ils aient l'ivresse...

••• En renonçant à qualifier d’or ce Magic Gold, Hublot mettrait tout le monde d’accord. Ce serait une manière spectaculaire de ratifier la nouvelle « prise du pouvoir » des consommateurs. On l'a souvent écrit ici : désormais, en ambiance 2.0, une marque n'appartient pas à sa direction ou à ses actionnaires, mais à ses différents publics, et d'abord à ses clients comme à ses utilisateurs. Verra-t-on Hublot s'instituer en première marque d'horlogerie consumer centric et market driven ?

••• Ensuite, une fois le nouveau nom de ce Magic Gold redéfini (encore une sacrée campagne d'opinion en perspective et beaucoup de battage médiatique pour Hublot), ce sera une pure et simple question de communication pour valoriser un matériau d’avant-garde : de l’or nouvelle génération à forte composante high-tech, capable d’échapper aux pesanteurs culturelles et aux blocages mentaux qui entourent encore cette « relique barbare » qu’est l’or classique....

••• Jean-Claude Biver a d’ailleurs précisé ultérieurement (ce qui valide notre hypothèse concernant cette stratégie low cost) que les montres en Magic Gold constitueraient une collection à part ! Priorité aux éditions spéciales Ferrari, comme nous l'avions souvent précisé ici, avec sans doute un Magic Alu dès Baselworld. Autre promesse de Jean-Claude Biver : Hublot ne mettra jamais sur le marché les mêmes modèles (montres identiques) en or classique et en Magic Gold. Ces dernières auront une couleur d’or très spécifique et parfaitement identifiable (voir notre hypothèse sur la couleur dorée spéciale « Patek Philippe vintage » : Business Montres du 16 décembre, info n° 5)...

••• Après l'album de Tintin au pays de l'or noir (1950), Hergé devait publier Objectif Lune (1953). Vers quels grands espaces Jean-Claude Biver compte-t-il nous propulser pour son prochain « coup fumant » ? Une chose est sûre : il n'attendra pas trois ans pour le lancement de sa prochaine fusée...

 



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