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Le Tribunal administratif fédéral (TAF suisse) confirme l’autorisation de réduction des livraisons, accordée par la Comco au Swatch Group.
A chacun, maintenant, de prendre ses responsabilités et de faire preuve d'imagination...
••• RETOUR À LA CASE DÉPART POUR CEUX
QUI AVAIENT TOUT MISÉ SUR UN RECOURS JUDICIAIRE...
Face à la menace de pénurie créée par la réduction des livraisons de mouvements et d’assortiments annoncée par le Swatch Group, et réitérée depuis près d’une décennie par ses dirigeants, il y avait deux solutions : le recours judiciaire ou le recours industriel. Pour retarder un peu plus le moment de se lancer dans de coûteux investissements - ce qui constituait une issue inéluctable pour tout observateur un tant soit peu impartial -, neuf entreprises (notamment Sellita ou Frederique Constant) avaient tenté un baroud d’honneur devant le TAF suisse. Elles sont déboutées sur les mesures provisionnelles décidées par la Comco pour approuver les non-livraisons du Swatch Group, même si l'affaire reste à juger sur le fond. Elles peuvent toujours faire appel. Reste la réponse industrielle, bien tardive...
••• VOTRE QUOTIDIEN DES MONTRES A SOUVENT ABORDÉ ce dossier des livraisons en baisse (dernier article de fond : « Mais foutez donc la paix au Swatch Group ! », Business Montres du 8 juin dernier). Inutile, donc, d’y revenir, sinon pour noter que la situation des marques confrontées à cette menace de pénurie est encore plus critique qu’il y a six mois. Avec un « petit détail qui en dit long » (Business Montres du 1er novembre) sur les enjeux réels de la « guerre des spiraux » : quand tout le monde s’excite sur les spiraux traditionnels, le Swatch Group équipe largement ses marques en spiraux de nouvelle génération (silicium), pour lesquels le groupe dispose de solides brevets et que rien ne peut l’obliger à livrer aux marques tierces (estimation Business Montres, 14 décembre, info n° 5 : environ 500 000 spiraux par an).
••• ON EN REVIENT DONC À LA CASE DÉPART, face à la perspective de voir ETA réduire de 15 % ses fournitures de mouvements terminés (30 % pour les manufactures de mouvements concurrentes, comme Sellita ou Soprod) et Nivarox comprimer de 5 % ses livraisons d’assortiments (spiraux et balanciers assortis). Réductions qui ne concerneront donc pas les marques du Swatch Group, libres de caracoler avec des taux de croissance à deux chiffres (et avec des spiraux high-tech), quand leurs concurrentes seront réduites à la portion congrue, sinon à des taux de décroissance à deux chiffres faute de solutions industrielles pertinentes. Le plus dramatique est que ces pénuries s’additionnent : sans spiraux supplémentaires, les manufactures alternatives ne peuvent pas lancer les productions qui permettraient de pallier le manque de mouvements finis. Les deux mâchoires de la tenaille se sont refermées : le Swatch Group s'offre un trésor de guerre d'environ 800 000 mouvements, sinon plus, pour doper ses marques !
••• ON PEUT ÉVIDEMMENT ESTIMER QUE LE SWATCH GROUP – qui est parfaitement dans son droit, répétons-le, et dont c’est la plus absolue liberté d’entrepreneur – est un peu dur et même impitoyable dans sa politique des quotas. Sa stratégie de livraisons est elle-même très inégalitaire et discriminatoire, puisqu’il est certain que les « amis » du groupe ne sont pas pénalisés. Certains pourraient même en profiter, comme cela est officieusement confirmé à la direction du groupe Rolex, dont la production ne sera pas le moins du monde entravée en 2012. Autant on doit éviter de faire la morale au Swatch Group, autant il est difficile de verser une larme sur le sort de marques (ou de groupes) qui avaient à peu près dix ans pour mettre en place les lignes de production industrielles qui les sauveraient aujourd’hui. Outils industriels sacrifiés au nom de profits à court terme et d’investissements marketing d’autant plus absurdes qu’il sera impossible – faute de mouvements – de satisfaire la demande générée par ces dépenses marketing...
••• QUE VA-T-IL SE PASSER EN 2013, 2014 OU 2015 ? On n’imagine pas le Swatch Group reprendre ses livraisons comme si de rien n’était. La pénurie va donc devenir endémique, en dépit de tous les recours possibles et imaginables devant les tribunaux : il n’y a pas vraiment monopole, ni abus de position dominante, mais, clairement, faiblesse d’anticipation stratégique pour les marques tierces, qui n’ont pas été prises en traître ! On peut toujours s'en prendre à la Comco, comme le faisait récemment Peter Stas, le président de Frederique Constant (Business Montres du 14 décembre, info n° 2) : « Quand une partie prenante revêt un caractère monopolistique et qu’elle décide de couper l’approvisionnement, les autorités anticartellaires protègent les opérateurs plus modestes, en leur donnant le temps de s’organiser. (...) La Commission de la concurrence a immédiatement accordé à Swatch Group la possibilité de réduire les livraisons jusqu’à 30 % ». Est-ce vraiment bien le problème et pourquoi tirer sur les pompiers chargés d'éteindre l'incendie ?
••• IL EXISTERA, VERS 2015, DE MULTIPLES ALTERNATIVES aux mouvements et aux composants du Swatch Group : le créneau de dangerosité – parfois léthal – est donc limité aux trois prochaines années. A condition que ces réductions de livraisons n'entravent pas les projets d'investissements de sociétés comme Sellita, dont la manufacture de spiraux annoncée à la Chaux-de-Fonds reste pour l'instant à l'état de... simple dalle de fondation en béton ! A chacun de faire preuve d’imagination pour tirer son épingle du jeu, mais il serait étonnant que les grands groupes ne tentent pas de rafler, au nez et à la barbe des indépendants, les dernières capacités disponibles... |