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Le groupe China Haidian est déjà propriétaire de la marque Eterna et de Porsche Design. Milus, Jean d’Eve, Bertolucci ou Bedat appartiennent également à des portefeuilles asiatiques. Cet automne, des délégations chinoises ont été aperçues, de Plan-les-Ouates au Sentier.
Le site «Business Montres» vient tout juste de faire état de la dernière «rumeur» – qui s’avère très généralement, malgré les démentis de circonstances – concernant le rachat imminent de la marque helvétique Chronoswiss: «Business Montres l’avait déjà laissé entendre en juillet et en août, écrit ainsi son fondateur Grégory Pons. Mais il semblerait que les investisseurs chinois soient désormais «à bout touchant» dans leur volonté de s’offrir la marque de Gerd Rüdiger Lang, dont la trésorerie est trop exténuée pour résister longtemps aux sirènes de Haidian.»
Quelques jours plus tôt, PME Magazine écrivait, dans sa rubrique «Inside»: «L’horloger bijoutier genevois de Grisogono a reçu la visite d’une importante délégation chinoise il y a moins d’un mois dans son usine. Les rumeurs ont alors circulé sur une possible arrivée actionnariale chinoise. Renseignements pris, la délégation était composée de revendeurs intéressés par la distribution de la marque en Chine.»
L’Asie, le marché miracle
Depuis des mois, tout débarquement de ressortissants de l’Empire du Milieu dans les deux fiefs de l’horlogerie suisse que sont Plan-les-Ouates et la vallée de Joux donne lieu aux plus folles spéculations. Comme cela a été démontré lors de la dernière journée du marketing horloger, tenue début novembre à La Chaux-de-Fonds, les liens entre l’Asie et l’horlogerie suisse n’ont jamais été aussi forts. Ainsi, si cette dernière s’apprête à réaliser en 2011 une nouvelle année record – et ce, malgré le franc fort – ces bons résultats sont presque exclusivement dus à la soif inextinguible des riches Chinois pour les montres de prestige made in Switzerland.
Or, il est évident que les Asiatiques sont en train de franchir un nouveau cap: ne plus seulement être clients, mais devenir également propriétaires. Selon James Carter, spécialiste des fusions et acquisitions dans le cabinet de conseils KMPG, cité par L’Agefi , «le rythme des acquisitions ou des prises de participation chinoises dans l’horlogerie suisse vont s’accélérer à moyen, voire à court terme». Et pour cause.
Pour l’horloger suisse – qui se vendra partiellement, ou intégralement – c’est la garantie d’un accès illimité à un marché de plus de 400 millions de Chinois, qui composent à ce jour la nouvelle classe moyenne supérieure. Et, pour l’acquéreur extrême-oriental, c’est là une occasion unique d’augmenter massivement sa marge brute. L’exemple de la reprise, en juillet dernier, de la manufacture de Granges Eterna, pour 23 millions de francs par le groupe China Haidian, semble relever, aujourd’hui, du «win-win». Eterna va voir prochainement ses points de vente en Asie être augmentés de 40%, grâce à l’immense réseau de distribution dont dispose le conglomérat de Hongkong.
Attention aux échecs
Pour ce dernier, ce rachat lui offre des synergies évidentes avec ses propres marques horlogères, positionnées dans le moyen de gamme, ainsi qu’un accès direct au know-how horloger helvétique haut de gamme. La prochaine acquisition de Haidian pourrait donc bien être la marque Chronoswiss: «Cela fait quelque temps déjà que le groupe chinois arpente l’industrie horlogère suisse, à la recherche d’une cible», affirme encore James Carter, qui explique cette multiplication de cas par les problèmes de trésorerie que rencontrent nombre de manufactures. Mais attention: de récentes acquisitions se sont aussi soldées par des semi-échecs, tels celles de Vulcain ou de Peace Mark-Soprod. Voire par des flops, tel le rachat d’Universal. Pour que cela marche, explique encore le spécialiste de KPMG, «l’investisseur chinois est d’une certaine façon obligé de respecter la culture domestique s’il veut réussir en Suisse».
Le Matin Dimanche - 18 décembre 2011
Elisabeth Eckert |