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CORUM - Cas d’école d’une reconstruction
 
Le 23-12-2011

La marque indépendante de La Chaux-de-Fonds a bâti sa pérennité dans la haute horlogerie en concentrant son message.

C’est un cas de figure presque classique de la nouvelle horlogerie. Un cas de figure comme d’autres marques l’on vécu, comme d’autres marques le connaitront encore. Il y a encore cinq ans, la visibilité de Corum était pour le moins limitée: une vingtaine de millions de chiffre d’affaires et des pertes opérationnelles. Six ans plus tard, la manufacture indépendante de La Chaux-de-Fonds fait à nouveau partie du paysage des fabricants les plus en vue dans le segment haute horlogerie. Il y a six ans, personne n’osait ouvertement miser sur le retour de Corum. Les leaders d’opinion la voyaient disparaître. Aujourd’hui, personne ne doute plus de sa pérennité. La reconstruction a été rapide, certainement beaucoup plus discrète que d’autres reconstructions de marques survenues au cours de la dernière décennie, que l’on pense à IWC (Richemont), Blancpain (Swatch Group), Ulysse Nardin (marque indépendante) ou Hublot (LVMH).

Corum n’est pas la seule marque horlogère à avoir réussi son comeback. De manière générale, on peut penser que toutes ces relances réussies doivent beaucoup à la nouvelle dynamique du marché: montée en puissance de l’Asie, orientation sur le haut de gamme, la montre mécanique et l’innovation. Le contexte est certainement une condition nécessaire, mais pas suffisante. A preuve, le nombre d’essais non encore réalisés ou les tentatives à répétition, dont Ebel est sans doute un cas d’école.

Dans (presque) tous les cas, le défi a été de réanimer des belles endormies. Des marques qui ont connu leur temps de notoriété maximale, sinon de gloire, mais qui ont subi jusqu’à l’empoisonnement les retournements conjoncturels et les errements structurels de l’industrie horlogère suisse. Corum est pile dans la cible: création en 1955, renommée mondiale dans les années 1960 et pendant près de 20 ans; puis le déclin, presque jusqu’au dépôt de bilan au milieu des années 1990. Les tentatives de revitalisation commencent alors.

La première étape clé se joue en janvier 2000, quand la marque est reprise à son créateur, René Bannwart, par Severin Wunderman. Il redynamise l’entreprise et retrouve de la visibilité, mais la stratégie est toujours trop dispersée. La maison se perd en particulier dans une approche fashion inadaptée. Seconde étape en 2005, quand le propriétaire appelle Antonio Calce, alors directeur de la manufacture Panerai en Suisse (groupe Richemont). Il prend la direction Corum en 2007. La même année la marque retrouve les bénéfices, avec le chiffre d’affaires et le bénéfice opérationnel le plus élevé de toute l’histoire de Corum.

Antonio Calce opère une refonte lente et complète de tout ce qui fait la marque. L’axe principal reste le produit. Un travail en profondeur est effectué sur les collections, avec une stratégie constante de concentration sur les modèles les plus emblématiques. Dans le jargon, il s’agit de renouer avec l’ADN de la marque - un argument logique, mais souvent galvaudé. Antonio Calce base son approche sur une certaine discrétion. Une construction lente sans coup d’éclat. Une sorte de stratégie monoproduit à double entrée, dont le résultat se lit aujourd’hui avec une grande clarté: la marque repose sur deux piliers, les modèles issus de la Golden Bridge de 1980 caractérisé par un mouvement en ligne, visible sur un pont au centre du mouvement, et les déclinaisons de l’Admiral’s Cup (dessinée en 1983), le modèle voile par excellence, reconnaissable à sa boîte polygonale et ses 12 flammes nautiques. Les deux piliers ne sont par ailleurs pas exclusifs, la collection comporte quelques autres références, dont le modèle Romulus.

Le premier défi de Corum était de retrouver la rentabilité. La marque est financièrement autoportante, sans dette, et adossée à une fondation, la Fondation Wunderman (la seule participation externe est celle d’Antonio Calce). Pour Antonio Calce, la vraie question était toutefois d’assurer la pérennisation de la marque. L’étape est clairement franchie, avec un niveau de maturité reconnu dans le secteur et une position solide parmi les leaders de l’horlogerie suisse haut de gamme. Résultat d’une requalification en profondeur de la production, du marketing et de la distribution. La production a été largement renforcée avec l’arrivée de Laurent Besse, cofondateur des Artisans Horlogers (aujourd’hui en faillite). De nombreux métiers ont été intégrés, plusieurs projets de mouvements maison sont ouverts sur les prochaines années. Une extension de la manufacture est aussi prévue à moyen terme. L’autre grand défi se joue dans la distribution, avec la nécessité d’investir massivement pour ne pas creuser l’écart avec les groupes.



Ventes triplées à moyen terme__

La manufacture Corum fabrique aujourd’hui près de 18.000 montres par an. L’objectif à cinq ans est d’atteindre les 25.000 pièces et un chiffre d’affaires proche de 300 millions de francs. Corum compte près de 160 collaborateurs. Antonio Calce, président exécutif de Corum, explique comment la marque accélère son déploiement en renforçant la distribution de manière concertée. En suivant le niveau de maturation imposé par les grands groupes.

L’étape de reconstruction semble achevée. Quels sont les défis actuels?
Les défis sont de plusieurs natures. L’un des plus importants, pour une marque indépendante, est d’exister chez le détaillant.

C’est-à-dire?
Nous devons assurer notre position dans le top 10, avec un poids qualitatif et quantitatif suffisant. Il n’y aura bientôt plus de place en-dessous d’une certaine taille.

Quels sont les axes à développer pour y parvenir?
Ils sont multiples. Le premier est de s’assurer de l’adéquation entre le produit et le marché. Nous devons évoluer dans un contexte d’étranglement qui va audelà de la logique de l’offre et de la demande. En tant qu’indépendant, nous faisons face à une situation de type monopolistique qui laisse peu de choix aux détaillants.

Et qui vous force à investir en permanence dans la distribution.
La masse financière investie dans la distribution est énorme, avec pour première conséquence une sorte de verrouillage et de saturation du marché par les marques les plus puissantes. En tant qu’indépendant, nous devons parvenir à ne pas creuser l’écart. Nous sommes obligés de suivre le mouvement si nous voulons rester un opérateur significatif. Le défi est d’être sûr de ses investissements et s’aligner strictement sur le niveau de maturation des débouchés.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Plus de filiales?
A terme, nous n’aurons pas le choix, nous devrons travailler exclusivement avec des filiales. Nous possédons aujourd’hui 6 filiales. D’ici 5 ans, nous devrons en avoir entre 8 et 10.

Qu’en est-il des boutiques en direct?
Cette tendance nous ouvre plutôt une fenêtre d’opportunité. De plus en plus de marques veulent aller jusqu’au retail. Au final, les détaillants commencent à comprendre qu’ils vont perdre un certains nombre de marque qui fonctionnent bien. C’est une chance pour des indépendants comme nous.

Quelle est votre visibilité en matière de distribution?
Financièrement, nous avons une visibilité de deux ans. D’ici là, nous devrons avoir accélérer la distribution et atteint un certain nombre de cibles, dont 15 boutiques et 35 corners en Chine.

Vous tablez donc sur une importante réserve de croissance?
Le potentiel est important. Nous allons connaître une vraie croissance des volumes. Au cours des prochaines années, le chiffre d’affaires sera multiplié par deux ou trois, mais avec des contraintes qui dépassent les métiers actuels.

C’est-à-dire?
Nous faisons face à une nouvelle complexité. Nous devons simultanément apprendre de nouveaux métiers, dans la distribution comme dans la production. Nous devons réduire les temps de développements des nouveaux produits. Nous devrons surtout supporter des investissements financiers très importants dans des temps très courts, avec le facteur risque que cela implique. Les 5 prochaines années seront décisives et décideront de la future composition de l’industrie.

AGEFI - 20 décembre 2011

 



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