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Devant un parterre de plus de 770 professionnels venus assister à la 14e Journée d’Etude de la SSC, les représentants de trois marques ont présenté leurs dernières avancées dans le domaine des nouveaux alliages et matériaux : le Silinvar (Patek Philippe), le SPRON®610 (Seiko) ou le Bioflex (Générale Ressorts) font tous, à leur manière, avancer l’art horloger.
En horlogerie, les champs d’investigations pour améliorer le fonctionnement des mouvements mécaniques sont nombreux. L’une des solutions passe par le développement de nouveaux alliages et matériaux. Patek Philipe travaille ainsi depuis dix ans sur un dérivé du silicium, le Silinvar, qui compose aujourd’hui l’entier de son organe réglant, l’Oscillomax; dans le domaine du régulateur également, Seiko a développé un spiral en SPRON®610, un nouvel alliage de type Elinvar qui améliore les performances; Générale Ressorts enfin, spécialiste des ressorts de barillet, a mis au point le Bioflex, plus propre et plus efficient que le Nivaflex. Ces trois innovations ont été présentées dans le cadre de la dernière Journée d’Etude de la Société Suisse de Chronométrie (SSC), qui s’est déroulée le 28 septembre dernier à Montreux sur le thème «La chronométrie: de la source d’énergie au régulateur». Plus de 770 professionnels avaient fait le déplacement – un record!
Le Silinvar
Le silicium est utilisé depuis de nombreuses années comme semi-conducteur dans les transistors ou pour la fabrication de panneaux solaires photovoltaïques. Les premières recherches pour une application à l’horlogerie remontent à 2001. Parmi les marques à s’y intéresser très rapidement, Patek Philippe fait aujourd’hui figure de précurseur. Associée à Rolex et Swatch Group, en collaboration avec l’Institut de Microtechnique (IMT-EPFL) de Neuchâtel et le Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM), la maison genevoise a développé le Silinvar, un dérivé du silicium. Les propriétés intrinsèques de ce nouveau matériau, ainsi que les procédés d’usinage précis au micron qui en découlent, ouvrent de perspectives révolutionnaires.
Le Silinvar se distingue particulièrement par sa légèreté (3,6 fois moins dense que la matière des balanciers traditionnels), son homogénéité (répartition régulière de la masse), son amagnétisme, sa résistance à la corrosion, sa dureté et sa résistance aux chocs. Mais c’est la méthode de fabrication par gravure profonde DRIE (Deep Reactive Ion Etching) qui offre un degré de liberté jamais atteint. Précise au micron, elle permet des géométries de composants totalement novatrices, réduisant considérablement les forces de frottements, dans l’air (aérodynamisme) comme entre les pièces (tribologie). Résultat: un gain en précision et en réserve de marche (de 48 à 70 heures).
Le SPRON®610
Le Japonais Seiko n’est pas en reste. Depuis 2000, la marque travaille à la mise au point du SPRON®610, déviré du Co-Elinvar, lui-même basé sur l’Elinvar. Alliage d’acier au nickel (36% de nickel, 12% de chrome)] utilisé pour la fabrication des spiraux, l’Elinvar a été découvert par le physicien suisse Charles Édouard Guillaume vers 1920. Un matériau amélioré en 1940 par le scientifique japonais Hakaru Masumoto, qui y ajoute du cobalt. Appelé Co-Elinvar ou SPRON®200, il est dès lors utilisé pour tous les ressorts de balancier au Japon. Le SPRON®610, développé en collaboration avec le Research Institute for Electric and Magnetic Materials de Sendai, contient du Molybdène, élément amagnétique capable de renforcer mécaniquement les composants métalliques. De quoi améliorer encore l’insensibilité aux champs magnétiques de l’alliage ainsi que sa résistance aux chocs (+30%). De plus, la réduction des frictions internes contribue à augmenter l’amplitude du balancier, avec pour corollaire une précision accrue.
Le Bioflex
Le Biennois Générale Ressorts, de son côté, lance un alliage écologique: le Bioflex. En effet, le matériau actuellement utilisé pour la fabrication des ressorts de barillet, le Nivaflex, est composé de chrome, de tungstène, de cobalt, de nickel et de béryllium. Or, ces trois derniers éléments sont soit toxiques, soit sensibles. De manière à répondre à la certification européenne REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemical substances), le Bioflex est donc exempt de ces substances. Mais les avantages de ce nouvel alliage ne s’arrêtent pas là. Dans tous les registres fonctionnels (résistance mécanique, à la corrosion, au stress), le Bioflex possède des dispositions supérieures. En revoyant la géométrie du ressort comme celle du barillet, le gain potentiel en énergie pourrait atteindre 60%.
Le développement du Bioflex est en cours de finalisation dans les laboratoires Générale Ressorts. Au même titre que le SPRON®610 ou le Silinvar, cet alliage contribue à l’amélioration des performances chronométriques des mouvements mécaniques. D’autres recherches sont évidemment menées ailleurs par d’autres acteurs. Mais toutes tendent vers la réalisation de la montre du futur: très précise et pourvue d’une énergie inépuisable.
[Gold'Or - Novembre 2011
Fabrice Eschmann |