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Un inventaire à la Prévert, avec des mégastores horlogers plus grands les uns que les autres, des Chinois plus retors que leurs supplices, ou nettement moins Genevois que prévu, des Brésiliens pleins de promesses, des méduses bleues et même des grillons, des fluides qui donnent l'heure (mais pas les minutes) et un mystérieux homme nu en guise de raton laveur...
Pas belle, la vie au pays des montres et de ceux qui les font ?
1)
••• QUELLE MONTRE
POUR L’« HOMME NU » APPARU SUR LE SITE DE LA REDOUTE ?
Réponse : ça se discute ! On ne va pas revenir sur la grande rigolade qui a secoué le web quand on a découvert qu’un homme nu (!) s’était glissé - subrepticement ou subversivement - dans une photo du catalogue de La Redoute, et en plus dans une page pour les enfants (pour mémoire : Le Figaro). Des centaines de parodies sont apparues sur le Net, et certaines marques ont embrayé, avec un opportunisme plein d’humour, comme Les 3 Suisses, grand concurrent vépéciste de La Redoute. A quand une marque de montres assez gonflée (et pleine d’humour) pour rhabiller le poignet de cet homme nu ?
2)
••• QUI OUVRIRA BIENTÔT
LE PLUS GRAND MAGASIN DE MONTRES DU MONDE ?
Réponse : un certain M. Zhang ! Mais certainement pas Bucherer à l’espace Richemont/Old England de Paris, dont l’ouverture n’est prévue sur 2 200 mètres carrés qu’en 2013 ! Business Montres vient de découvrir que l’honorable M. Zhang, big player local, devrait ouvrir un mégastore horloger de 6 000 mètres carrés à Shenyang (Chine) au printemps 2012. Deux étages sur un immense plateau, avec un restaurant, un lounge, un club VIP et toutes sortes de services comme on les aime en Chine. Curieux que les responsables de Richemont n’en aient pas parlé à Bucherer, puisque toutes leurs marques seront de la fête ! Pourquoi Shenyang ? Pas très connue, cette ville située à l’Est de Beijing, n’a guère que 8 à 9 millions d’habitants, mais elle est au centre d’une riche économie basée sur l’industrie lourde : pour info, et à titre d’exemple, on y compte déjà huit boutiques Hengdeli, trois boutiques Louis Vuitton, deux boutiques Omega ou deux boutiques du groupe Rolex, sans parler d’un salon annuel des marques de luxe et d’une boutique Bentley...
3)
••• COMMENT EXPLIQUER
LA STRATÉGIE ACTUELLE DU GROUPE HENGDELI (CHINE) ?
Réponse : par une extraordinaire subtilité tactique ! Puisqu’on vient de parler du groupe Hengdeli - voir l’information ci-dessus -, dont on rappelle qu’il est le leader sur le marché de la distribution des montres de luxe en Chine, il ne semble pas que son président, Cheung Yu Ping, ait repris les commandes passées aux manufactures suisses – hormis pour les marques du Swatch Group. D’une part, parce son réseau de boutiques (dont il n’est pas propriétaire, puisqu’il est constitué pour moitié de « partenaires ») a cessé ses commandes pour cause d’atonie du marché. D’autre part, parce que Cheung Yu Ping, qui a fait une bonne affaire en « empruntant » à titre personnel 100 millions au Swatch Group (révélation Business Montres du 25 août dernier, info n° 3) n’a plus vraiment l’intention de rembourser son créancier personnel (sachant qu'il lui reste assez d’actions pour continuer à contrôler son groupe), tout en « mouillant » de plus en plus le Swatch Group dans la gestion d’Hengdeli et la co-responsabiité de son avenir : honorablement connu et favorablement coté, le Swatch Group a tout de l’actionnaire de référence – sinon le paravent – qui peut impressionner les analystes de la Bourse hongkongaise. Que cet emprunt soit ou non remboursé, et que les autres emprunts bancaires du groupe le soient ou non au printemps prochain (on parle d’échéances à hauteur de 350 millions de dollars), le Swatch Group se trouve impliqué, et même entraîné malgré lui dans l’affaire Hengdeli, dont personne ne sait vraiment où elle se finira – le dossier étant inextricablement lié à des intérêts politiques chinois...
••• Cheung Yu Pin aura donc manœuvré avec une remarquable intelligence tactique. En toute subtilité mandarinale, il a joué selon les règles immémoriales de L’Art de la guerre (Sun Tzu) et en suivant notamment le troisième stratagème, « Assassiner avec une épée d’emprunt », pour terminer par le douzième, « Emmener la chèvre en passant », et se retrouver dans la logique du trentième, « Changer la position de l’invité et de l’hôte ». Chez Hengdeli, on ne sait effectivement plus si le Swatch Group est invité ou invitant et caution morale ou partenaire commercial...
4)
••• QUEL SERA LE PROCHAIN MOTEUR DE RECHANGE
DE LA CROISSANCE HORLOGÈRE SI LE RÉACTEUR CHINOIS A DES RATÉS ?
Réponse : cherchez du côté de l’Amérique latine ! Tous les espoirs de tout le monde reposent aujourd’hui plus particulièrement sur le Brésil, où se multiplient les annonces d’ouvertures de boutiques de luxe par des marques européennes (trois ouvertures pour Louis Vuitton, une troisième boutique pour Tiffany & Co, en plus des implantations Gucci, Armani, Ferragamo, Hugo Boss). Axiome stratégique – pas encore scientifiquement fondé : « La voracité des Brésiliens pour le luxe est en train de dépasser celle des Chinois ». A deux ans du Mondial de football et à quatre ans des jeux Olympiques, on peut toujours rêver : Business Montres ne peut qu’afficher un certain scepticisme, en renvoyant les optimistes à une analyse publiée le 19 décembre dernier (info n° 3) à propos des « réalités brésiliennes »...
5)
••• COMMENT ÇA MARCHE,
LA NOUVELLE « RÉSONIQUE HORLOGÈRE » FAÇON DE BETHUNE ?
Réponse : ça paraît extrêmement simple ! La preuve par l’image, avec un film à découvrir sur la chaîne images de Business Montres. Argument : « La recherche fondamentale De Bethune en horlogerie est basée sur la conception de garde-temps mécaniques qui aspirent à une perfection issue du domaine des vibrations naturelles et de l'énergie indépendante au service du temps exact... Basée sur les lois physiques d'éléments mécaniques qui entrent en résonance, De Bethune ouvre la voie à une nouvelle discipline et invite la communauté horlogère à repenser l'harmonie mécanique en mettant à disposition ses recherches et son savoir. La haute fréquence sans contraintes devient alors une réalité physique ». Ceci posé (par De Bethune), que se passe-t-il ?
••• Le film, qui commence par les pulsions d’une méduse, nous aide à mieux comprendre les phénomènes d’oscillation, de résonance et de rapidité. Très habilement fait dans sa fausse simplicité, il nous dévoile, en images (binoculaires) et en dessins les secrets de cet échappement « vibrant » sans balancier ni spiral, qui peut entraîner une aiguille par la force des « hautes fréquences sans contraintes » (926 Hz) d’un oscillateur dont le dessin est superbe. La mise en résonance de cet oscillateur et du « rotor magnétique » semblent aller de soi, de même que la distribution d’énergie qui permet d’animer les rouages. A ce stade, on se sent plus intelligent – au moins scientifiquement, parce qu’on imagine que ça doit être horlogèrement plus complexe. Sublimes dernières secondes, avec un battement de cœur (quasiment amniotique) qui nous ramène au temps tristement plus banal de notre condition humaine...
••• Un bémol à propos de ces « hyper-hautes fréquences », apparemment déjà largement défrichées dans l’horlogerie mécanique : dans un catalogue de calibres grand public daté des années 1950, la maison Excelsior-Park ne propose pas moins de huit calibres différents, dont la fréquence varie entre 100 000 et 360 000 A/h (50 Hz) – mais c’était pour des compteurs de sport, domaine où Heuer avait été pionnier avec le 360 000 A/h de son Mikrograph, en 1916...
6)
••• COMBIEN DE DÉTAILLANTS CHINOIS
FERONT-ILS (OU NE FERONT-ILS PAS) LE DÉPLACEMENT AU SIHH ?
Réponse : pas assez ! Et il semblerait bien qu’il y ait le feu dans la maison, puisque les réponses aux invitations lancées sont plus que décevantes. A tel point que Cartier Hong Kong enchaîne actuellement les réunions pour remotiver ces détaillants chinois et leur mettre sur place la pression commerciale qu’on comptait leur imposer au SIHH. Explication : encore plus sensible en Chine intérieure qu’à HongKong, la récession a commencé par assécher les trésoreries, si bien que les détaillants – qui tardent de plus en plus à payer leurs fournisseurs – rechignent à venir commander des montres alors que leurs inventaires sont déjà très chargés. Ceci dans un contexte de désertification générale du cash disponible, le coup d’arrêt à la spéculation immobilière et la baisse (20 % en moyenne) des bourses asiatiques ayant évaporé le « gras » qui servait à acheter des montres. Même les pièces pour collectionneurs à plus de 100 000 dollars traînent en boutique, en dépit des avances laissées par les clients... avant l’amorce de la récession !
••• Paradoxe : jamais on n’avait ouvert de boutiques de marques en Chine et à Hong Kong, où il existe maintenant des allées entières de flagships dont on se demande si l’ouverture relève de la logique commerciale ou de la logique immobilière. À Hong Kong, Causeway Bay et Tsim Sha Tsui offrent désormais des concentrations horlogères dignes de la rue du Rhône : c’est pour assouvir la soif horlogère des 70 millions de touristes chinois qui déferlent sur le territoire. Mais l’horlogerie suisse n’a jamais perdu autant d’argent qu’avec ces centaines de boutiques, toutes indispensables en termes d’image de marque, dont à peine une ou deux grosses poignées sont rentables...
7)
••• QUELLES AUTRES INFORMATIONS HORLOGÈRES
DIGNES D’INTÉRÊT DANS L’ACTUALITÉ DES MONTRES ?
••• CHAISES MUSICALES : pour ce début de semaine, c’est l’exfiltration de Philippe Pascal (ex-patron de la branche horlogère du groupe LVMH) qu’il ne faut pas manquer (Business Montres du 9 janvier)...
••• NOUVELLES MARQUES 2012 : lancée par TF Est. 1968, les montres T-Fun seront la référence # 8/Génération 2012. On connaissait déjà cette griffe lifestyle – qui sera présente à Baselworld (Hall 4) – pour ses boutons de manchette « horlogers » : les T-Fun se lanceront sur le marché des automatiques et des chronographes, avec des boîtiers en 45 mm Swiss Made à grosse couronne et des couleurs à la mode (source : T F...
••• NOUVEAU MAGAZINE : reparution de Movment, « le magazine de tous les passionnés de l’horlogerie », par l’équipe responsable du Pôle de l’Horlogerie (Cercle de l’horlogerie et du Rendez-vous de l’horlogerie, animés par David Mouquet). 0 % de publicité (mais ce n’est sans doute pas volontaire) et contenus souvent intéressants qui ne doivent pas trop aux dossiers de presse (hommage à Gérald Genta, interviews de Bernard Cheong ou de Jean-Claude Biver) dans un format A 5 en rupture avec les nouveaux codes maximalistes des magazines horlogers
••• CYRUS : une nouvelle édition de la triple complication Klepcys, en or rouge et titane DLC (image ci-dessus), à découvrir au GTE pendant la « Wonder Week » (édition limitée à 33 pièces). On pourra également découvrir au GTE la nouvelle collection Kuros Historique Grand Prix, ainsi que les prototypes de futures Klepcys « sportives » dévoilées à Baselworld...
••• DOLCE & GABBANA : il y aurait quelques grandes leçons à tirer des incidents du week-end dernier, autour de la boutique Dolce & Gabbana de Hong Kong (Tsim Sha Tsui). Avec les réseaux sociaux, les marques ne peuvent plus tout se permettre, même (surtout ?) avec les consommateurs émergents. L’affaire est racontée par Jing Daily, qui titre : « Ce que les marques de luxe devraient retenir des catastrophiques relations publiques de D&G à Hong Kong »...
••• HYT-HYDRO-MÉCANIQUE : musique wagnéro-hollywoodienne de thriller américain, superbe animation numérique et caméra en orbite autour de la montre, le nouveau film d’animation du concept « hydro-mécanique » présenté par Vincent Perriard (HYT) se déguste comme une bande-annonce de block-buster. Enfin, des images consistantes de cette montre à la complication controversée (Business Montres du 6 janvier), mais à l’affichage « fluidique » plutôt original (sur le film, la montre est à 10 h 10 : 10 h sur le capillaire circulaire autour du cadran, 10 mn sur le cadran annexe à midi). Des images et plein de détails à découvrir sur la chaîne images de Business Montres...
••• JOHN ISAAC : un revenant au GTE de la « Wonder Week », puisque John Isaac Genève est de retour après avoir séché plusieurs salons. On peut découvrir ses montres pour adolescents sur son nouveau site, très réussi dans le goût nouvelle génération...
••• RICHARD MILLE : comme pour chaque édition, la marque sera le chronométreur officiel de la prochaine édition des courses Le Mans Classic (6-8 juillet, sur le circuit de la Sarthe, trois semaines après les 24 Heures). Sur la piste, toutes les voitures qui ont couru entre 1923 et 1979, plus des milliers de voitures de clubs. Thème de l’année : l’Amérique aux 24 Heures.
••• RJ-ROMAIN JEROME : entrée dans les collections d’une ligne de boutons de manchette « Titanic-DNA », dont l’acier oxydé comprend quelques parcelles du métal de la célèbre épave, avec une hélice pour décor, en hommage au géant des mers (888 pièces, évidemment, à 495 CHF la paire)...
••• SWATCH : Une année après son lancement, la Swatch, une montre à bas prix mais d'une qualité toute helvétique, constitue un véritable phénomène de société. Des grands magasins aux bijouteries de luxe, tout le monde veut la vendre et surtout tout le monde veut l'acheter ! Cet engouement, encore favorisé par un marketing offensif, vaut bien une enquête et les résultats d'un sondage d'opinion dans Telactualité en février 1984 (source : TSR, 15 mn 10). A noter la présence dans le reportage d’Elmar Mock et de Jacques Muller : pendant les vingt-cinq années suivantes, ils n’auront plus jamais le droit
d’être présentés comme les « créateurs de la Swatch »...
••• TAG HEUER : confirmation d’une information déjà présentée aux lecteurs de Business Montres (entre autres, le 12 décembre). La marque annonce pour la « Wonder Week » – exposition à l’espace Sécheron – entre les hôtels et l’aéroport – rien moins que le « chronographe le plus rapide du monde ». Au 2 000e de seconde, comme le subodorait Business Montres, sachant que le Mikrotimer au 1 000e de seconde est à peu près fiabilisé avec une réserve de marche de quelques dizaines de minutes ?
••• « PLUS CHINOIS QUE MOI, TU MEURS ! » : suite du grand concours des dragonneries opportunistes, avec le stylo Swiss Made « Year of the Dragon » édité par Caran d’Ache. Plutôt réussi (collaboration avec l’artiste chinois Li Qiang Sheng) pour un dragon à cinq doigts sur un objet difficile comme un style (888 exemplaires pour respecter la tradition du 8 qu’on fourre partout, au cas où un Chinois passerait au coin de la rue)... |