|
Hier, Jaeger-leCoultre, label phare du groupe Richemont, a inauguré son enseigne lucernoise. Entretien avec Yves Meylan, directeur retail international.
Lucerne a toujours été un pôle touristique de rang universel. La destination rivalise maintenant avec les capitales suisses du luxe, Genève et Zurich. On lui prête même parfois le leadership des ventes d’horlogerie en Suisse. Témoin de cette évolution, l’apparition de boutiques monomarques. Hier, Jaeger-leCoultre, label phare du groupe Richemont, a inauguré son enseigne lucernoise. Seconde du genre en Suisse (la première a été ouverte à Genève), 44e à l’échelle mondiale. La stratégie est commune aujourd’hui, partagée par passablement de fabricants de montres. A tel point que l’ouverture de boutiques labellisées passe pour un phénomène majeur dans le déploiement de l’horlogerie haut de gamme. Cela peut paraître banal, le luxe se déploie ainsi depuis des décennies, sous les couleurs Cartier, Louis Vuitton, Hermès, etc. Mais l’approche n’est pas si ancienne dans l’horlogerie. Yves Meylan, directeur retail international l’explique dans un entretien.
La tendance boutique monomarque dans la haute horlogerie ne remonte qu’à quelques années. Chez Jaeger-leCoultre (groupe Richemont), le pas a été franchi il y a près de 10 ans, avec une première enseigne à Londres, suivie en 2004 de l’ouverture du salon à Paris, place Vendôme. Depuis, la boutique s’est imposée comme relais de notoriété privilégié, comme le rappelle l’ouverture, hier d’une seconde adresse en Suisse, à Lucerne.
Le style est très composé, toujours le même. Une atmosphère propre à la marque, dessinée par un cabinet parisien et imposée partout dans le monde. Chaque élément compte, de la luminosité à la tenue du staff.
Yves Meylan est entré à la manufacture il y a 17 ans. Après une dizaine d’années comme directeur pays (Japon et France), il prend la direction internationale du retail et de toutes les relations à la clientèle finale, dont le service après vente. Une fonction a large spectre dont les boutiques sont peu à peu devenues l’élément principal. Il détaille les contours d’une évolution qu’il perçoit logique et naturelle.
Stéphane Gachet: Le rythme des ouvertures de boutiques est toujours plus soutenu.
Yves Meylan: Nous en avons ouvert deux cette semaine, à Milan et Lucerne, et une boutique éphémère à Paris, ce qui porte le nombre global à 44 enseignes. Et d’autres villes suivront: deuxième boutique à Abu Dhabi en janvier, deuxième à Moscou au printemps prochain, plusieurs projets, au Moyen Orient, au Brésil.
Avec une répartition géographique qui reflète l’état actuel de la demande.
Absolument: une forte concentration sur l’Asie, dont 4 à Hong Kong, 7 en Chine continentale, 3 à Séoul, etc. Nous sommes aussi très présents au Moyen Orient.
Suivez-vous une stratégie stricte en matière d’implantation?
Nous suivons l’évolution de la demande et nous nous concentrons sur les implantations qui participent à notre positionnement. L’objectif est d’être présent dans les principales villes et destination du luxe au niveau mondial. Notre approche est réfléchie pays par pays. L’impulsion vient du marché et des directeurs pays.
Pourquoi Lucerne?
Lucerne devient un lieu clé sur le marché suisse.
Vous ne formulez donc pas d’objectif en termes de nombre de boutiques ou de chiffre d’affaires réalisé en direct?
Nous ne résonnons en effet pas en nombre de boutique ni en ratio de vente par boutique. La règle est que chaque boutique soit rentable, mais nous ne jouons pas un canal contre un autre. La boutique fait partie de la construction de la marque et cela amène des ventes supplémentaires pour tous les détaillants.
Quelle est votre approche en matière de gestion des boutiques: tout en direct ou partenariats?
Nous avons les deux cas de figure, soit les boutiques sont ouvertes avec un partenaire, comme à Lucerne (avec Bucherer), soit nous les gérons en direct, comme c’est le cas aujourd’hui à Genève. Il n’y a pas de règle. Notre stratégie est simplement d’être présents dans les plus beaux endroits de la planète. Les détails sont dictés par le contexte.
La tendance aux boutiques monomarques s’accompagne le plus souvent d’une diminution du nombre de points de vente. Qu’en est-il?
Nous sommes à environ 1000 points de ventes dans le monde et nous continuons globalement d’en réduire le nombre, selon une approche sélective. Mais ce n’est pas un effet direct de l’ouverture des boutiques.
C’est-à-dire?
Nous ajustons notre diffusion en suivant l’évolution de la marque. Le prix moyen s’est renforcé, les collections sont devenues plus complètes et plus complexes. De fait, il y a toujours moins de détaillants capables de représenter la marque. Le marché s’est aussi concentré. Il faut une certaine masse critique pour supporter les loyers actuels, les stocks. On assiste à une raréfaction des commerces spécialisés.
Une sorte de transformation naturelle du métier de détaillant?
Par définition, le détaillant doit aujourd’hui être capable de réfléchir en termes de marketing. Il doit faire de la communication, être présent sur le web. Le métier s’est complexifié.
AGEFI - 8 décembre 2011
Stéphane Gachet |