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Les contrefacteurs renforcent leur présence à Dubaï. Nous aussi!
Les grands voyageurs portent tous ce principe comme leur sac à dos. «Lorsqu’on voyage, peu importe la destination, seul compte le chemin.» Détourné de façon un peu cavalière, cet axiome s’applique aussi à la contrefaçon de montres.
Qui veut lutter contre la contrefaçon doit en priorité s’appliquer à comprendre les chemins que suivent les fausses montres. Cette démarche est riche d’enseignements, en voici quelques-uns. Premièrement, lorsque les fausses montres quittent leurs ateliers de fabrication (en Chine pour neuf pièces sur dix), elles sont livrées non-assemblées et partiellement marquées, de sorte que l’acte de contrefaçon n’est pas véritablement constitué. Deuxième enseignement, collant très exactement à la théorie économique classique, la phase d’assemblage doit se rapprocher autant que faire se peut de la phase de vente, dans le temps et dans l’espace. En d’autres termes, il s’agit d’acheminer les montres en pièces détachées au plus près du marché visé, à proximité duquel les pièces seront assemblées puis livrées dans la foulée. Troisième enseignement, dans un monde globalisé où les échanges se font rapidement et à moindres coûts, les facilités accordées par quelques plateformes d’échanges relèguent les soucis de proximité géographique au second plan. Dubaï en est un parfait exemple, éloigné des principaux marchés du monde. Avec son système de zones franches (16 zones en activités, 14 en projet), Dubaï offre tellement de facilités administratives au transit des marchandises que l’éloignement géographique devient accessoire.
La plus grande zone franche de l’émirat, Djebel Ali, est très loin de notre conception d’une aire clôturée, sécurisée, contrôlée et à l’accès restreint par des vigiles sans états d’âme. Djebel Ali n’est qu’un vaste carré de sable ouvert à tous les vents… et à tous les trafics. Sans formalités administratives ou contrôles douaniers tatillons, les marchandises sont débarquées et transbordées dans l’anonymat le plus complet. En outre, la zone franche offre un atout considérable que les douaniers appellent «modification technique de l’origine par rupture de charge». En clair, des marchandises en provenance de Chine, après transbordement à Djebel Ali, perdent leur origine chinoise pour prendre l’origine «Emirats arabes unis». Sachant que les douanes européennes ou américaines contrôlent en priorité les marchandises faisant état d’une origine chinoise, on imagine aisément l’attrait de ce transbordement pour les marchands de faux. Attrait double puisqu’en couplant le transbordement avec l’assemblage des produits contrefaits, les contrefacteurs peuvent réduire encore leurs coûts.
Pourtant, sur place, nos interlocuteurs habituels, privés ou publics, n’ont jamais accordé beaucoup de crédit à cette hypothèse, jugeant inutile et superflu de consacrer des sommes importantes à chercher de fantomatiques ateliers. Fallait-il alors se résoudre à poursuivre nos opérations ponctuelles de saisies sur les marchés locaux sans chercher plus loin, plus haut? Après réflexion, de nouveaux investigateurs ont été mis sur le coup, avec des méthodes plus directes et invasives. Les résultats ont pleinement répondu à notre attente. En quelques semaines, nos hommes ont découvert un atelier d’assemblage tenu par des ressortissants chinois et caché dans un appartement privé. Le raid policier a permis le séquestre de près de 17’000 fausses montres suisses. Une grande première et l’intense satisfaction de voir notre modèle finalement validé. «Seul compte le chemin». |