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S’il n’existait pas, il faudrait inventer Beat Haldimann, qui nous offre une magistrale interprétation de sa vision du temps.

Non seulement du temps tel qu’il est, mais surtout du temps tel qu’on peut librement le rêver, l’imaginer et donc le maîtriser.

Sa proposition bâloise est tout simplement exceptionnelle : c’est bien la première fois qu’une montre se refuse à dévoiler son tourbillon de (très) haute horlogerie et à opacifier son moteur de (très) haute facture traditionnelle.


Cette montre « H9 Reduction » est une bombe conceptuelle qui ridiculise un peu tous les petits marquis du concept prétentieux, outrancier ou chichiteux : qui peut se flatter de faire mieux côté mécanique, mais qui peut se vanter d’avoir fait plus fort sur le plan philosophique ?

Ce Memento Mori (Memento Tempori ?) est plus puissant comme parfum créatif que toutes les « vanités » crâniennes qui encombrent nos musées…

Cette montre ultime, terrible gourmandise pour amateurs (très) très avancés, est un des concepts horlogers les plus radicaux de ces dernières années par son refus de subir les caprices d’un temps qui existe [ça fait tic-tac, et il y a trois barillets pour que ça le fasse longtemps, et avec précision, grâce au tourbillon], mais dont on choisit de s’abstraire.

On dit souvent que donner l’heure est une politesse élémentaire pour une montre ou que l’exactitude est la politesse des rois : on sera bien forcé ici d’admettre que régner sur les heures est le vrai privilège des conquérants du temps – ceux qui l’ont apprivoisé suffisamment pour pouvoir s’en passer. Chacun sait bien que le seul vrai luxe, in fine, c'est le temps : là, on lui fait un insolent pied-de-nez !

Merci au « bon géant du lac de Thoune » (Business Montres du 1er février) pour cette extraordinaire leçon d’horlogerie minimaliste, qui est aux beaux-arts de la montre ce que le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch a pu être dans l’histoire de la peinture occidentale.