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MONOPOLY HORLOGER : Fawaz Gruosi cède De Grisogono à des investisseurs angolais
 
Le 16-03-2012
de Business Montres & Joaillerie

Non officiel et non autorisé : ce sera le premier investissement africain de toute l’histoire de l’horlogerie suisse !

De Grisogono passe sous pavillon (de complaisance) hollandais, même si les importants fonds investis sont apportés par des financiers angolais proches du gouvernement de l'Angola et son industrie du diamant...

Une page de l'histoire des manufactures indépendantes et créatives se tourne cette année, mais Fawaz Gruosi a réussi à sauver son rêve, sa marque, son honneur et son nom...__





1)
••• IL FALLAIT À TOUT PRIX RECAPITALISER
UNE ENTREPRISE ASPHYXIÉE PAR LA CRISE ÉCONOMIQUE…

Il faut décidément s’habituer à ce que les grandes maisons de l’horlogerie suisse battent pavillon étranger : après la manufacture La Joux-Perret, passée la semaine dernière sous la bannière du soleil levant japonais (Business Montres du 5 mars), voici maintenant De Grisogono entre des mains angolaises. Frappé d’une étoile jaune, le drapeau rouge et noir de l’Angola affiche une machette et une… roue dentée : c’était prémonitoire !

••• La crise de 2008 a sévèrement affecté le modèle économique de la maison De Grisogono, fondée en 1993 par Fawaz Gruosi, qui était resté le créateur et la référence internationale. Une première recapitalisation avait eu lieu, en urgence, il y a un peu plus de deux ans, avec la mise en place d’une nouvelle équipe de management dirigée par Gérald Roden (ex-Gérald Genta-Daniel Roth) et contrôlée avec un conseil d’administration emmené par François Tissot (ex-Chopard). L’entreprise a été arrachée à son ornière, les dettes épurées (sauf pour les banques) et les fournisseurs calmés par un plan de règlement (qui a été respecté), sans que l’image de la marque soit jamais entamée et sans atteinte à son aura créative. La réputation de Fawaz Gruosi (image ci-dessus) n’a pas été écornée dans cette tourmente, qui aurait pu emporter sa maison corps et biens : il a su rester un des plus grands créateurs de joaillerie de notre époque, où son sens de la parure, son instinct créatif et sa vista joaillière ont imposé au marché un certain nombre de nouveaux codes…

••• En dépit du travail acharné de la nouvelle équipe dans les soutes de la manufacture et sur les marchés, il était devenu évident que le modèle économique qui avait assuré à la marque ses premiers succès était épuisé. Dans un contexte de crise économique qui accorde une surprime aux groupes, l’indépendance a son prix, qui est celui d’un réinvestissement permanent, d’une prise de risques aux limites de la sécurité et d’une course épuisante derrière le cash flow. Ces besoins permanents de financement ralentissent au-delà du supportable les opérations de développement sur les nouveaux marchés. Fawaz Gruosi savait qu’il n’échapperait pas à une nouvelle recapitalisation, dont le montant le diluerait inévitablement. Il lui suffisait dès lors de choisir le bon partenaire…



2)
••• LES PREMIERS INVESTISSEURS AFRICAINS
DE TOUTE L’HISTOIRE DE L’HORLOGERIE SUISSE...

Les caprices de la « M&A » (Mergers & Acquisitions pour les non-initiés) ont permis d’approcher de nombreux investisseurs, mais le plus inattendu était indubitablement l’intérêt d’un groupe de financiers angolais pour une maison comme De Grisogono. Deux composantes dans ce groupe de nouveaux investisseurs, dont les intérêts sont d’ailleurs croisés et congruents. D’une part, le groupe personnel d’Isabel José Dos Santos, la fille aînée du président de la République d’Angola, José Eduardo Dos Santos. Née en 1973 en URSS, elle est, à moins de cinquante ans, la femme la plus riche et la plus puissante de toute l’Afrique sub-saharienne. Aussi intelligente qu’avisée, cette femme d’affaires possède le premier groupe d’investissement privé angolais, dont les acquis sont diversifiés dans le banque (Portugal et Angola), dans l’énergie (pétrole et gaz), dans les télécommunications et les médias, mais aussi dans les supermarchés. Ses liens avec l’industrie nationale du diamant en Angola (qui est virtuellement le troisième, sinon le deuxième producteur africain, derrière le Botswana, mais au coude à coude avec l’Afrique du Sud) ne sont un secret pour personne…

••• C’est pourquoi le second investisseur dans De Grisogono n’est autre que la compagnie angolaise Endiama/Sodiam Group, entreprise nationale (propriété de l’Etat angolais) qui a la concession exclusive de l’exploitation des diamants pour l’Angola. Endiama (Empresa Nacional de Diamantes) est la holding, Sodiam étant la filiale de commercialisation (exportation), de marketing et de distribution de ces diamants. Depuis 2011, Endiama avait annoncé son intention de se diversifier verticalement vers l’aval de la chaîne de valeur du diamant, en intégrant des marques commerciales à fort potentiel et des réseaux de boutiques dans son dispositif. Récemment, à propos de ces diamants angolais, les lecteurs de Business Montres (13 février, info n° 5) avaient eu leur attention attirée sur un certain nombre d’accusations lancées par les défenseurs des droits de l’homme contre l’Angola…

••• Les nouveaux actionnaires de référence de la maison De Grisogono ont créé ensemble une joint-venture (50 % chacun). Selon nos informations, ces partenaires détiendront 75 % du capital de la marque suisse, les anciens actionnaires étant dilués à hauteur de 25 % (dont environ 15 % pour Fawaz Gruosi). Cette joint-venture aurait décidé d’investir environ 100 millions de dollars américains (sur quatre ans) dans le rachat de la marque et dans son développement. L'opération se ferait par le biais d’un SPV (Special Purpose Vehicle) offshore, baptisé Victoria Holding et immatriculé dans un pays européen propice à ce genre de montages. Il s’agirait pour les investisseurs de racheter toutes les créances de l’entreprise, de la restructurer, de la développer en assurant la création de nouveaux produits et de l'internationaliser davantage par la mise en place de nouveaux réseaux commerciaux.

••• Pour ces nouveaux venus dans le paysage suisse, c’est une première expérience dans le monde du luxe, de l’horlogerie, de la joaillerie et des marques de prestige. Ce qui fait beaucoup ! Selon nos informations, es nouveaux actionnaires angolais estiment pouvoir doper le chiffre d’affaires (environ 80 millions de francs suisses : estimation Business Montres « non officielle et non autorisée ») en le poussant à 200 millions de francs suisses en 2015. Ce qui n’est pas rien ! Une des clés de cette renaissance stratégique devrait être la relance de la distribution, notamment en Asie, par l’ouverture de nouvelles boutiques et de franchises. À Baselworld, on a pu remarquer la présence de plusieurs big players asiatiques sur le stand De Grisogono : reste à savoir lesquels ont été choisis pour s'attaquer aux marchés émergents…



3)
••• LE ROI DU DIAMANT NOIR REVIENDRA À CANNES
AVEC DES CAPITAUX ISSUS DU CONTINENT NOIR...

La refondation entamée depuis deux ans donne à cette relance de De Grisogono des bases solides et une certaine crédibilité dans le redéploiement sur les marchés. La marque est sauvée, tout comme son créateur, qui a pu sauver sa tête à défaut de la totalité de sa mise - si la croissance atteint les objectifs fixés, son paquet d’actions vaudra tout de même beaucoup d’argent. On le reverra donc à Cannes en gracieuse compagnie et à Baselworld 2013 dans un stand qui aura doublé de volume...

••• C'est ce qu'on appelle une sortie par le haut ! Heureuse issue plutôt rare dans l'univers des marques indépendantes... L’entreprise, qui avait la tête hors de l’eau, peut se remettre à nager et à relancer produits et collections nouvelles. Le personnel ne sera sans doute pas « compressé », mais l’équipe actuelle de management devrait cependant faire les frais de cette restructuration, quoique le CEO n’ait pas démérité et alors qu'il ait lui-même préparé cette solution « à l’angolaise ». Armer son propre siège éjectable est l'éternelle, mais perverse loi des « M&A »…

••• Reste à savoir s’il existe encore, pour des maisons indépendantes comme De Grisogono, un modèle économique viable dans un environnement horloger en pleine mutation. Les grands groupes dominent outrageusement le marché en raflant à leur profit les dernières capacités de production disponibles (mouvements, cadrans, boîtiers) et en quadrillant les médias avec des plans médias colossaux. Sur les marchés clés, ces mêmes groupes préemptent les meilleurs emplacements commerciaux et asphyxient les détaillants multimarques par une politique terroriste d’occupation des vitrines.

••• Evincées de l’amont industriel, les marques indépendantes le sont inévitablement des médias et de leurs points de vente traditionnels. La seule arme de ces indépendants, c’est désormais la créativité de leurs produits, mais les achats de matières (or, diamants) pénalisent les comptes d’exploitation, alors que le développement d’une innovation ou d’un concept mobilise d’importantes ressources pendant deux à trois ans. On comprend les angoisses de trésorerie…

••• Angolais ou « hollandais », les nouveaux investisseurs de référence de la manufacture de Plan-les-Ouates restent avant tout des financiers. Le business plan élaboré par l’équipe actuelle leur a semblé convaincant au point qu’ils devraient y consacrer une centaine de millions en quatre ans : champagne pour tout le monde, c’est une tradition d'élégance chez De Grisogono ! Mais, attention à la machette qui voisine avec la roue dentée sur le nouveau drapeau national de la manufacture (image ci-dessus) : il faudra suivre avec intérêt les tribulations de ces actionnaires émergents en terre horlogère...

 



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