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On va éteindre les derniers lampions du bal, après avoir dégusté un grand milésime de référence, avec des produits intelligents raisonnablement commandés en quantités intelligentes par des détaillants intelligents.
Un salon très intello, donc...
POUR CETTE FIN DE BASELWORLD, LE ZAPPEUR SACHANT ZAPPER A ZAPPÉ SUR…
1)
••• LE COMBAT DES GROS TRICHEURS DU « SWISS MADE »
POUR ÉRADIQUER LES PETITS TRICHEURS DE LA SUISSITUDE…
C’est demain que le Conseil national suisse examinera le projet « Swissness » qui devrait définir les règles d’application concernant la mention « Swiss Made » sur certains produits, dont les montres. Par exemple, 60 % de matières premières suisses pour les biscuits, qui doivent intégrer un prix de revient réalisé à 60 % en Suisse (frais de recherche et développement compris). Pour les produits industriels, dont les montres, 60 % du prix de revient devraient également provenir de la Suisse (coûts de R&D et de contrôle qualité inclus). Sur le principe, rien d’exorbitant, la valeur ajoutée de la référence suisse étant un facteur de qualité perçue à travers le monde : tout devrait être fait pour protéger les consommateurs internationaux contre l’utilisation abusive du « Swiss Made » et de la suissitude sous forme de croix ou de drapeau suisse…
••• Sauf que, pour rester dans le domaine de la montre, les filous ne manquent pas, qu’ils soient flagrants - et on ne comprend pas le relatif laxisme de la FH dans ce domaine - ou plus subtils, qu’ils soient « grands tricheurs » ou « petits tricheurs ». Derrière les interventions des uns et des autres (analyse Business Montres du 16 février dernier et des jours suivants), on devine malheureusement la stratégie des « gros tricheurs » pour liquider les « petits tricheurs » et pour avoir le champ libre. On décèle aussi la repentance des « anciens tricheurs » qui se font d’autant plus plus vertueux qu’ils ont désormais les moyens industriels de ne plus tricher (ou de moins tricher), et donc de s’en prendre aux « nouveaux tricheurs » : c’est le complexe de l’ancienne entraîneuse devenue chaisière, qui dénonce les « femmes de mauvaise vie » en les aspergeant d’eau bénite…
••• Il y a quand même des faits troublants dans cette affaire de « Swiss Made à 60 % ». D’abord, de quoi débat-on ? C’est vraiment loin d’être clair : le projet d’ordonnance a été rédigé en allemand, puis traduit en français, mais fautivement ! La notion française de « prix de revient » est loin de couvrir le herstellkosten, le selbstkosten ou le verhaufpreis de la version allemande : même le Conseil national s’est aperçu de ce gag, qui fait le charme des nations multilingues et multiculturelles. Donc, on ne sait pas encore de quels 60 % on est en train de débattre…
••• Il faudrait aussi admettre que la fluctuation de ces 60 % empêche toute évaluation précise : les coûts des composants et des différents éléments d’un prix de revient (prix du produit, avec ou sans frais de fonctionnement, prix de facturation ?) varient selon les pays, selon les fournisseurs et selon les saisons. Ils varient évidemment selon les taux de change ! Une même série de montres peut intégrer des composants identiques de différentes provenances, à des prix différents : fixer un prix de revient ne varietur pour des produits industriels complexes – surtout avec la tradition de sous-traitance de l’industrie horlogère – est économiquement absurde ! On peut même imaginer que certaines montres soient, au cours d’une même année, dans la fourchette des 60 %, mais qu’elles cessent de l’être pour le redevenir ensuite : c’est d’ailleurs pourquoi, dans le respect de l’actuel 50 %, beaucoup de marques sont déjà plutôt à 60 %, par un réflexe de sécurité…
2)
••• LA QUESTION DU GENDARME DU « SWISS MADE »
ET LE CHANTAGE À L’EMPLOI DES RÉVOLTÉS DU 60 %...
Rien n’est jamais clair dans ce débat sur les 60 %, et les positions d’IG Swiss Made, le lobby des horlogers opposés à toute modification dans ce domaine, ne le sont pas non plus. Les chiffres avancés – une montre à 180 francs suisses en vaudrait 460 avec les 60 % – ne résistent pas à une analyse détaillée, si tant est que les dispositions de la future ordonnance résistent elles-mêmes à une telle analyse comptable. Le débat est piégé par un agaçant chantage à l’emploi, qui revient à dire qu’il faut continuer à tricher avec l’esprit, sinon la lettre du « Swiss Made », pour sauver des postes de travail créés par la tricherie…
••• Un point positif : l’appui des organisations suisses de PME aux « révoltés des nouveaux 60 % » : la base industrielle suisse a compris qu’une nouvelle couche de vernis bureaucratique sur une situation déjà passablement embrouillée risquait d’avoir des effets pervers et contreperformants aujourd’hui imprévisibles. Sans parler des difficultés relationnelles du fait de l’imbrication du tissu industriel suisse dans le tissu européen voisin…
••• Plutôt que de s’arc-bouter sur un 50 % totalement dépassé, et parfaitement impossible à justifier aux yeux des consommateurs internationaux, pour lesquels « Swiss Made » = « Fait en Suisse », ni plus, ni moins, la branche horlogère devrait sortir de ce psychodrame par le haut, en reconnaissant deux facteurs qui simplifieraient les discussions :
• La force internationale du « Swiss Made » a été portée à travers le monde par toutes les marques accessibles qui sont aujourd’hui dans le collimateur des grandes puissances de l’horlogerie. L’image s’est faite sur les produits de luxe, mais l’expérience concrète du « Swiss Made » a été acquise, sur tous les marchés, par des produits accessibles pas forcément blanc-bleu dans leur suissitude intégrale. Ce sont des produits « suisses » qui ont donné à la référence horlogère suisse ses valeurs internationalement admises de qualité, de fiabilité et de distinction. Paradoxalement, la loi va à l’inverse de cette tendance et va créer un trouble là où il n’y en n’avait pas : c’est Gribouille qui saute dans l’eau pour se protéger de la pluie !
• La valeur déterminante de tout nouveau « Swiss Made » ne serait-elle pas la transparence de tous les produits, avec une sorte de fiche comparable à celle des Nutrition Facts pour les denrées alimentaires : disons une certification d’origine des composants majeurs, qui s’imposerait à toutes les marques. En soi, une origine géograhique « éclatée » n’a rien de pénalisant ou d’infâmant, et c’est au seul consommateur de juger : personne ne remet en cause la qualité « allemande » d’une BMW, même si ses pièces détachées viennent de multiples horizons…
••• Ce qui pose, au final, la question du « gendarme » de ce nouveau « Swiss Made ». Il existe déjà une loi qui protège la qualité suisse : chacun peut saisir la justice à ce sujet. Pourquoi empiler des strates juridiques toujours plus complexes ? La France (Made in France) et l’Allemagne (Made in Germany) ont leurs propres définitions à ce sujet : pourquoi une telle crise de nerfs en Suisse, sinon pour des raisons inavouables, qui cachent la tentation des « gros » d’égorger dans les coulisses les « petits » – qui se défendent d'ailleurs plutôt bien ? Soyons réalistes : même avec une définition en béton de cette « valeur ajoutée suisse », qui, quel service, quelle police, va pouvoir contrôler les moindres fournisseurs et décomposer les prix de revient ? Que d’incertitudes ! Si on pousse le raisonnement à l’extrême, pourquoi ne pas exiger l’incorporation des diamants (rarement extraits et travaillés en Suisse) dans le calcul final de ce prix de revient ? On marche sur la tête…
••• Changer une règle aux contours imparfaits par une règle complexe aux contours encore plus flous est la meilleure voie pour aboutir à un désastre. Certains produits typiquement suisses – comme les bonbons Ricola – ne le seraient plus ! On se perd dans les détails (60 %, pourquoi pas 62 % ou 66 %) en perdant de vue l’essentiel : les lois les plus simples et les plus lisibles sont toujours les plus respectées. Ce n’est pas une bataille de chiffres (50, 60 ou 80 %), mais une question d’identité…
3)
••• LE MEILLEUR « NOUVEAU MATÉRIAU » DE TOUT LE SALON
(CELUI QU’ON AURA MALHEUREUSEMENT BEAUCOUP DE MAL À BREVETER)…
Question innocente à l’attachée de presse : « Tiens, il est joli, ce bracelet ! Il est en quoi » ? Réponse pleine d’assurance de cette jeune personne, qui « se la pète » un peu pour son premier Baselworld : « C’est du nateau » ! Re-question, embarrassée : « Hum… Du “nateau“… Et c’est quoi, exactement, du “nateau“ » ? Re-réponse, légèrement agacée, comme s’il était indécent de ne pas savoir tout ça : « C’est un nouveau matériau high-tech ». Chacun aura évidemment reconnu le N.A.T.O., acronyme anglais d’O.T.A.N. (Organisation du traité de l’Atlantique nord, alliance militaire occidentale) et sigle utilisé pour désigner les bracelets en nylon réglementaires pour les montres en dotation dans les forces de l’O.T.A.N. Bracelets qui sont très à la mode cette saison à Baselworld : vous trouverez les plus beaux – fabrication française ! – sur les nouvelles Tudor (Heritage Black Bay et Pelagos). Allez, on s’arrête là : on a déjà oublié le nom et le stand de cette jeune effrontée…
4)
••• LE DRÔLE DE TEASER HORLOGER
QUI S’EST TERMINÉ MENOTTES AU POIGNET DANS LES ALLÉES DE BASELWORLD…
La police bâloise ne rigole pas avec les basanés tatoués, et la direction de Baselworld non plus ! L’opération était signée TechnoMarine et elle devait appâter un certain nombre de journalistes pour les piloter vers le stand de TechnoMarine, où les attendait une « chasse au trésor » destiné à leur faire découvrir une tête de mort souriante, avec la montre phare de Baselworld en bandeau pirate. Compliqué, mais pourquoi pas, on a connu pire comme teaser à Baselworld…
••• Le problème est que c’était sans doute trop compliqué ! Quelques jours avant Baselworld, beaucoup de journalistes avaient été aguichés (« teasés ») par un dossier reçu au courrier et signé d’un certain Sefa Robinson, journaliste (fictif) au non moins fictif Daily Island des îles Samoa. Il y était question d’une chasse au trésor le 30 décembre, journée qui n’a pas existé là-bas puisque le pays a changé à cette époque de jour et de fuseau horaire. teasing un peu bizarre, renforcé par l’envoi d’une vidéo par mail : le même journaliste, très reconnaissable avec ses tatouages faciaux, donnait plus ou moins rendez-vous à Bâle, relances téléphoniques à la clé. Comme nous aimons bien jouer, mais à condition de comprendre à quoi et avec qui on joue, nous n’avions pas donné suite…
••• On a ensuite repéré le Sefa Robinson en question à l’entrée de Baselworld - impossible d’ouvrir son visage tatoué - avec un non moins mystérieuse pancarte. Si on s’intéressait à lui, il vous renvoyait vers le stand TechnoMarine, au premier étage du Hall 1.1, là où était révélée la tête de mort pirate (allusion à la fameuse campagne de publicité « Montre à l’œil » de la marque : Business Montres du 17 mars 2011). Très bien, mais pas de quoi bouleverser le parcours du combattant du franc-tireur de Baselworld…
••• Sauf que Baselworld n’a pas le même sens de l’humour que Jacques-Philippe Auriol, le patron de TechnoMarine. Premier jour : pas question pour l’honorable « Sefa Robinson » de rester avec sa pancarte devant le salon. Deuxième jour : sans pancarte, l’homme-sandwich du teasing – sa tête suffit comme panneau indicateur – est interpellé par la police bâloise, menotté et emmené au poste pour contrôle d’identité. Troisième jour : la direction de Baselworld demande à TechnoMarine de tout arrêter, immédiatement, sous peine de sanctions. Avec la perspective d’être (ou non) au bon endroit en 2013, c’est un argument qui porte ! Fin du teasing le plus hasardeux de Baselworld et conclusion de cette « TechnoMarinade » : ne jamais « sur-teaser » en solitaire, mais mettre assez de médias dans le coup, avant l’opération, pour en faire un épisode public impossible à gommer d’un coup de baguette sur les doigts, comme à la maternelle…
••• On devrait trouver ces jours-ci toute l’aventure en vidéo sur le site de TechnoMarine, où on peut déjà découvrir l’histoire de Sefa Robinson, l’homme qui parlait à l’oreille des têtes de mort…
5)
••• LES MILLIONS (ET MÊME LES MILLIARDS)
QUE SE RÉCLAMENT MUTUELLEMENT TIFFANY & CO ET LE SWATCH GROUP…
Côté Swatch Group, on exige de Tiffany & Co 3,8 milliards de francs suisses de dommages et intérêts : au cours de leur partenariat (qui s’est terminé par un claquement de porte en décembre 2011 : (Business Montres du 12 eptembre 2011, info n° 5), le Swatch Group estime avoir dépensé en vain beaucoup d’argent (« des millions ») pour développer et vendre des collections de montres Tiffany & Co, sous la casquette de Tiffany Watch Co. Les milliards réclamés devant la justice américaine correspondraient au manque à gagner : le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé était de 250 à 350 millions de francs suisses, mais il n’a guère dépassé les 16 millions au mieux de la période d’activité… Côté Tiffany & Co, à l’issue de cette coopération lancée en décembre 2007 à grands roulements de tambours, on riposte par une exigence simultanée de 541 millions de dollars.
••• Les enjeux financiers de la querelle ne sont pas minces, même si on peut imaginer, au final, un match nul et une transaction amiable. De quoi se repencher sur ce dossier compliqué. L’idée de Nicolas Hayek (senior) était de se trouver un relais de croissance dans l’univers de la joaillerie, volet qui manquait au Swatch Group dans les grandes batailles du luxe. Mettre un pied chez Tiffany & Co, c’était à la fois se donner une légitimité horlogère (consolidée par la mise en place de Dress Your Body, structure confiée à Arlette Emch pour centraliser les opérations du groupe dans la joaillerie) et empêcher les concurrents des autres groupes de luxe de mettre la main sur Tiffany & Co. L’horlogerie étant l’axe naturel de croissance d’une marque de joaillerie, le Swatch Group bloquait ainsi toute initiative de développement d’un éventuel repreneur : qui aurait voulu racheter Tiffany & Co – cible potentielle plus ou moins sur le marché – avec le Swatch Group en embuscade sur le porte-bagages arrière ? C’était plutôt bien pensé, le Swatch Group devenant le plus légitime des partenaires pour s’offrir ultérieurement Tiffany & Co – alors même que plusieurs maisons de joaillerie lui étaient passées sous le nez (Chaumet, notamment).
••• Le pilotage de la joint-venture avec Tiffany & Co ayant été confié à Nayla Hayek, des nouvelles collections étaient mises en chantier et une nouvelle « manufacture » programmée. Trois problèmes dans cette approche très « horlogère » :
• Culturellement, l’expérience du luxe est assez limitée dans les équipes du Swatch Group et Tiffany & Co évolue tout de même au deuxième rang mondial des marques de joaillerie (derrière Cartier). Symétriquement, les équipes de Tiffany & Co New York n’avaient aucune expérience de l’horlogerie et, du haut de leur prestigieuse joaillerie, on considérait les « petits Suisses » avec une certaine condescendance…
• Créativement, les premières collections de montres Tiffany & Co n’avaient rien de bouleversant, ni de sensationnel. Logiquement, elles n’ont pas fait sensation, ni bouleversé les détaillants, qui ont prudemment préféré s’abstenir : même dans les réseaux Swatch, ça ramait ferme…
• Economiquement, le lancement s’est opéré en pleine crise financière internationale. Quand Lehman Brothers part en faillite, les marchés se rassurent avec des références éprouvées, pas avec des approches marketing. Les clients avaient la tête ailleurs et il y a une loi horlogère non écrite qui veut que les marques mal parties n’y arrivent jamais - le cas des montres Ralph Lauren, lancées à la même époque, est tout aussi symbolique…
••• La disparition de Nicolas Hayek, à l’été 2010, a scellé le sort de l’opération Tiffany & Co, qui n’avait soudain plus rien de stratégique. Nick Hayek n’a guère d’affinités avec l’univers de la joaillerie, marché où il estime – non sans raisons – qu’il est difficile de tirer rapidement son épingle du jeu sans marque forte et sans investissements massifs. Pour le Swatch Group, qui n’a aucune légitimité sur ce terrain, prendre des parts de marché significatives aurait pris de longues années, en patientant sur le strapontin Tiffany & Co. C’est ce que le groupe LVMH s’est épargné en achetant d’emblée Bvlgari, ce qui assombrissait un peu plus l’horizon joaillier virtuel du Swatch Group…
••• En pleine succession de Nicolas Hayek, le démantèlement de Dress Your Body et le recentrage d’Arlette Emch sur Swatch allaient accélérer le processus de désengagement d’un Swatch Group un peu excédé par le manque de coopération sur le terrain, notamment dans les boutiques Tiffany & Co en Chine, où on était à la limite d’un impudent sabotage. De son côté, Tiffany & Co rêvait déjà de se jeter dans les bras d’un nouvel amant et envisageait donc sans chagrin, ni aménité, ce divorce à la new-yorkaise.
••• Depuis ces avanies, des deux côtés, adieu, veaux, vaches, cochons ! L’insatisfaction a tourné à la crise de nerfs : pas de nouvel amant malaisien pour Tiffany & Co et pas la moindre compensation pour l’horloger de Bienne, qui a vu paradoxalement son rival LVMH bétonner ses positions joaillières au moment où il devait renoncer aux siennes ! Si procès public il devait y avoir entre les deux anciens « partenaires à long terme », le déballage de quelques affaires serait croustillant pour les amateurs d’anecdotes sur les coulisses internationales du marché horloger…
••• Une analyse voisine de celle de Business Montres trouvée dans Challenges (France) : « Pourquoi Swatch et Tiffany sont passés de l’amour à la guerre »…
6)
••• LE TOP FIVE (PROVISOIRE)
QUE TOUT LE MONDE NOUS DEMANDE…
En attendant la fermeture officielle du salon et l’heure des comptes, alors même qu’il reste encore deux jours pour tenter de tout voir - déjà 117 marques au compteur de Business Montres, sur le pont depuis mardi dernier -, une première impression (provisoire, forcément subjective et non exhaustive) sur les montres les plus intéressantes du salon (on reviendra sur un bilan plus détaillé dans les jours à venir) :
•• Hors concours pour sa dimension transhistorique, son pouvoir déflagrant pour notre culture horlogère et pour les gouffres de réflexion philosophique qu’elle nous révèle : la montre Anticythère présentée par Hublot, en même temps qu’une maquette qui tente de reconstituer le « mécanisme » original. C’est la mécanique lunaire la plus précise jamais réalisée par l’homme (ses rouages vont bien au-delà de toutes les actuelles « lunes de précision » de l’horlogerie) et c’est un témoignage exceptionnel (autant qu’énigmatique) du savoir-faire des mécaniciens grecs, dont les actuels « machinateurs » de la nouvelle horlogerie sont les héritiers…
•• Plus belle mécanique pour l’ingéniosité de ses engrenages et de ses pignons, mais pour la beauté de ses aiguilles qui renversent le temps : l’Opus 12 d’Harry Winston, qui sait s’imposer comme très « conceptuelle » (voire même un peu intello) en même temps que demeurer très horlogère dans son traitement de la mesure du temps qui passe. C’est une fantastique « machine » mécanique en même temps qu’une superbe montre (Business Montres du 9 mars)…
•• Plus beau symbole d’élégance au poignet et de raffinement dans l’exécution des moindres détails horlogers : l’Ivresse de Badollet, montre à laquelle on ne saurait rien reprocher (ni dans son principe mécanique de tourbillon volant cintré, ni dans son parti-pris de « culte du moins » esthétique) et auprès de laquelle bien des « stars » de marques plus réputées pâlissent et s’éclipsent faute de répondant…
•• Plus belle « folie » (au sens du XVIIIe siècle : « maison de villégiature à l’architecture extravagante) de cette saison horlogère : le tourbillon sculpté par Tournaire et mis en mouvement par Technotime, en hommage aux monuments de Paris, qu’on peut découvrir en micro-sculptures serties à travers le panorama en verre saphir du boîtier de la montre (révélation Business Montres du 10 mars).
•• Plus belle héritière d’un grand nom, d’une grande tradition de montres de référence et d’une grande tête couronnée : la nouvelle Sky Dweller de Rolex, qui est une des plus complexes « complications » mécaniques jamais lancées par Rolex en même temps qu’une « montre à vivre » totalement contemporaine par son design et ses fonctionnalités de quantième annuel à double fuseau horaire. D’habitude, quand il naît un héritier à la couronne, on tire quelques coups de canon. Là, on aurait dû – mais Business Montres reviendra plus tard sur cette montre qui marquera 2012…
7)
••• LE SCANDALE DES HABITS VERTS
« EMBEDDED » DANS LES NÉGOCATIONS MARCHANDES DU « FIGARO »...
Heureusement pour Le Figaro, Paris est un peu loin de Baselworld, où le « scandale des académiciens » n’a guère eu d’échos. Apparemment, le supplément montres du quotidien a secoué tout Paris : sur 24 pages, de vénérables académiciens étaient pris en otage par des publicités pour des marques de luxe horloger. Prétexte : des interviews sur leur rapport au temps, mais on n’avait pas précisé aux habits verts interrogés qu’ils seraient embedded dans les tractactions marchandes du Figaro, comme de vulgaires reporters de guerre dans les unités de l’armée américaine. 24 pages de supplément « horloger », 12 académiciens et une « protestation solennelle » de ces derniers contre une « manipulation » au service d’une « publication manifestement publicitaire ».
••• On ne peut ici que louer le flair exceptionnel de ces académiciens, qui auront tout de même mis une bonne décennie à réaliser le côté « manifestement publicitaire » de ce que peut imprimer Le Figaro, dont la part purement rédactionnelle ne cesse de reculer au profit des éditoriaux pilotés par diverses retombées commerciales. Que, face à une J12 de Chanel, Valéry Giscard d’Estaing disserte doctement sur le fait que « l’impatience est un grand défaut » ne révolutionnera en rien l’intelligence française. Que Jean d’Ormesson, Alain Decaux ou Hélène Carrère d’Encausse soient écrasés sous des publicités Corum ou Cartier ne blessera que leur égo, pas même apaisé par le « regrettable malentendu » évoqué par Etienne Mougeotte, le directeur du journal, qui évoque pudiquement un « cahier thématique consacré à l'art de vivre et à la mode et réalisé par des journalistes ». De quoi introduire une nouvelle entrée dans la neuvième édition du fameux Dictionnaire de l’Académie française : « Cahier thématique : supplément publicitaire travesti en contenus éditoriaux sous pavillon journalistique »…
••• L’affaire serait cocasse si, fouaillés par les académiens, les vieux lecteurs du Figaro n’avaient pas, eux aussi, brutalement découvert le brouet mercantile dont on les nourrit depuis des années. Là encore, il aura fallu quelques décennies pour que cette ambiance de courtisanerie publi-rédactionnelle ne dessille leurs yeux. Dire qu’ils s’imaginaient qu’Etienne Mougeotte était un journaliste : quelle désillusion !
8)
••• QUELQUES INFORMATIONS HORLOGÈRES NOTÉES
À LA VOLÉE, EN VRAC, EN BREF ET EN TOUTE LIBERTÉ…
••• MONOPOLY HORLOGER : les nouveaux actionnaires de De Grisogono. Ils sont venus du continent noir pour sauver la manufacture du petit prince des diamants noirs (révélation Business Montres du 13 mars)...
••• CHAISES MUSICALES : petite, mais inquiétante hémorragie chez Antiquorum, qui perd coup sur coup Thomas Perazzi, qui était responsable de la maison d’enchèrs pour l’Italie, et Charles Tearle, qui avait été nommé cet été responsable du bureau d’Antiquorum en Asie après un carrière aux Etats-Unis. Tous les deux partent chez… Sotheby’s, qui renforce ainsi son équipe horlogère de deux « poids lourds » : Thomas Perazzi – dont la valeur comme expert n’a pas attendu le nombre des années – secondera Geoffroy Ader à Genève, tandis que Charles Tearle renforcera l’équipe de Tim Bourne, qui chapeaute toute la division Montres de Sotheby’s…
••• GALUCHAT : les « anti-galuchat » (ceux qui s’opposent à l’utilisation des « cuirs d’océan » – raies et requins – par les industries du luxe) ne sont pas venus manifester à Baselworld, mais ils ont profité du salon pour demander, une fois de plus, aux marques de montres de ne pas utiliser des peaux qui proviennent d’animaux sauvages abattus encore plus sauvagement. Malheureusement, d’année en année, la liste des marques qui s’interdisent ces pratiques ne s’allonge pas…
••• THE WATCHES.TV : beau travail de l’équipe de TheWatchesTV à Baselworld, avec un journal vidéo quotidien de dix minutes pendant toute la durée du salon, sans interférences publicitaires, juste pour le plaisir des yeux (interviews, reportages et choses vues à découvrir sur le site de TheWatches.TV)…
••• BADOLLET : qui saurait contester à la nouvelle Ivresse le titre de « montre la plus élégante de Baselworld 2012 » ? Ceux qui ont eu la chance de la prendre en main en sont tombés amoureux, comme nous : on ne s’attendait pas à un retour de Badollet à un tel niveau d’excellence (Business Montres du 13 mars)…
••• DIESEL : contrairement à une idée reçue, la montre de pilote présentée à Baselworld par Zenith n’est pas « la-plus-grande-montre-du-salon » ! Elle est largement battue par la nouvelle Master Brigade de Diesel (68 mm x 57 mm, 27 mm pour le bracelet), inspirée par des matériaux militaires (image ci-dessus). Portable, pas portable : c’est un autre débat, mais les fashionistas – mâles et femelles – adorent se faire peur au poignet…
••• GRAFF : ceux qui ont manqué le tourbillon deux axes à lune sphérique ou la répétition minutes à 2,5 millions de dollars de Graff sont passés à côté d’émotions fortes, dans un salon qui n’en manquait pourtant pas (découverte Business Montres du 10 mars)…
••• Gc (GUESS) : une céramique de couleur utilisable dans l’horlogerie, tout le monde en rêve ! Guess (groupe Timex) pourrait bien avoir trouvé une solution avec la céramique grise d’une des montres de la nouvelle collection Gc, traitée dans un superbe gris mat qui ne ressemble à aucune couleur de métal - on est assez proche de ce qui serait un aluminium terne et sans reflets. Un matériau dont on reparlera…
••• « AFFAIRE OLD ENGLAND » : pour les auditeurs qui auraient manqué l’émission sur BFM Business pendant Baselworld, un retour sur information à propos de l’affaire Old england. « Goûts de luxe » (Emmanuel Rubin et Karine Vergniol) consacrait deux heures au nouveau quartier de l’Opéra : on y a forcément parlé du prochain mégastore horloger ouvert par Richemont et le groupe Bucherer à l’emplacement d’Old England (révélations Business Montres du 29 novembre dernier). En direct de Baselworld, la chronique horlogère de Business Montres est à la minute 23:45 de l’émission des 10 et 11 mars dernier (podcast)…
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