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Dernières foulées dans les allées de Baselworld (fermeture aujourd’hui), alors que les vitrines commencent à se vider et que les manutentionnaires remplacent les hôtesses d’accueil...
2012 restera comme un grand millésime pour Baselworld, moins dans l’extravagance des pièces présentées ou des commandes enregistrées que pour l’habileté dont tout le monde a fait preuve pour se renouveler sans prendre de risques excessifs.
AVANT DE QUITTER UN SALON EN PASSE DE DEVENIR LA RÉFÉRENCE UNIQUE DE LA PROFESSION, LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD A...
1)
••• PRIS LA TEMPÉRATURE
MÉDIATIQUE ET COMMERCIALE DE L'ÉDITION 2012...
C’est globalement un bulletin de santé très satisfaisant que Baselworld vient de nous délivrer. Même si les grandes marques ont tellement bien mangé qu’elles risquent l’apoplexie, avec de sérieux risques pour leur taux de cholestérol. Et même si les petites marques ont tellement minci qu’il ne faudrait pas que le jeûne qu’on leur impose nuise à leur équilibre et à leur créativité.
••• Pour prendre un exemple chez LVMH, Francesco Trapani ne cachait pas son sourire à l’issue de la « Comex » horlogère qui réunissait à Bâle les patrons des marques du groupe : tout le monde a bien travaillé – à commencer par Hublot qui affiche, pour Bâle + Genève, plus de 200 millions de francs suisses de commandes, soit un montant supérieur au chiffre d’affaires consolidé de toute l’année 2008. On n’est pas obligé de croire Jean-Christophe Babin (TAG Heuer) quand il annonce avoisiner le milliard de francs suisses fin 2012, mais il n’en sera sans doute pas loin des 850-900 millions – ce qui est déjà impressionnant, compte tenu des « investissements capacitaires » consentis par la marque pour augmenter son indépendance industrielle...
••• Les marques du Swatch Group ont également enregistré une croissance raisonnable et raisonnée des commandes, avec l’habituel effet de loupe grossissante pour les marques majeures, au détriment des marques plus faibles. Excellent niveau d’activité chez PPR (Gucci), grand succès pour les nouveautés de l’année chez Rolex, Patek Philippe er les grands indépendants – à l’exception des marques de moyenne gamme, toujours victimes des tensions imposées chez les détaillants par les grandes marques...
••• Les créateurs indépendants qui ont eu la sagesse de replier la voilure et de recentrer leur offre sont sold out sur le peu de pièces dont ils disposaient, mais ceux qui n’ont pas encore accepté les nouvelles données du marché (exclusivité de l’offre, sélectivité de la distribution et repositionnement tarifaire) peinent à tirer leur épingle du jeu. Les toutes nouvelles marques de l’année avaient intérêt à avoir des propositions hors du commun (HYT, de Vincent Perriard, Qlocktwo Watch) pour écouler leur première collection. En période de disette, les plus maigres vont avoir du mal à se mettre de quoi survivre sous la dent...
••• Et puis il y a tous les autres, ceux qui vivent un succès phénoménal (Ice-Watch et ses 4,2 millions de montres par an, Nixon qui vient régater avec les marques horlogères traditionnelles) et ceux qui vivent mal leur descente aux enfers (par charité, on ne donnera pas leurs noms, mais il y a du rachat dans l’air), ceux qui sortent de convalescence (Jacob & Co) et ceux qui feraient mieux de courir aux urgences, les surfeurs de tendances et les serial copieurs, les intermittents du spectacle et les optimistes incurables, bref, le petit monde de nos marionnettes horlogères...
••• Enfin, il y a nos amis les détaillants, un peu chahutés par l’accélération du rythme des marchés et des économies. Néanmoins, le marché américain s’est réveillé plus que prévu et le marché européen reste moins déliquescent qu’on l’annonçait, alors même que l’Amérique du sud explose et que les Chinois ne freinent pas autant qu’on le craignait. Manifestement, les détaillants classiques viennent moins à Baselworld, et moins nombreux, mais ceux qui y étaient venus cette année avaient faim de nouveautés, qu’on parle de celles des grandes marques (les créations 2012 représentent 80 % de commandes) ou des marques indépendantes vers lesquelles se tournent beaucoup de détaillants, du moins ceux qui ont compris qu’ils allaient devoir restructurer leur portefeuille. C’est ce qui a poussé beaucoup de visiteurs des pays émergents (concept élastique, mais nombre de visiteurs en hausse) vers le Palace plus que vers le Hall 5 : on sait désormais que c’est là qu’on trouve des marques et des marchandises un peu plus rock’n’roll !
••• Les seuls à être clairement venus plus nombreux sont les « journalistes », mais l’étaient-ils vraiment tous ? On a constaté la même inflation des médias de toutes sortes au récent SIHH et la même nuée de sauterelles numériques, entre lesquelles il est plus difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Si on n’a rien contre les nouveaux médias sociaux - au contraire, nous n’avons pas cessé d’encourager les marques à les prendre en compte -, il faut admettre qu’on est aux limites du n’importe quoi avec des « néo-journalistes » pas toujours bien éduqués, pas toujours pertinents et pas toujours compétents. Ils ont au moins l’avantage – pour les marques – de ne pas lésiner sur la brosse à reluire et la béatitude admirative, mais il faudra sans doute que les autorités du salon se montrent plus vigilantes et sélectives l’année prochaine...
••• Une évidence alors que les portes se referment : l’intelligence collective de la profession (celle des marques qui n’ont pas exagéré et celle des détaillants qui ont réfléchi avant de s'emballer). Ce qui fait de 2012 le salon le plus « intello » depuis deux ou trois décennies...
2)
••• SENTI S’IMPOSER LENTEMENT
L’IDÉE DE BASELWORLD COMME « RENDEZ-VOUS UNIQUE » DE LA PROFESSION...
Comme il ne faut pas le dire, nous le disons ouvertement : cette édition 2012 a vraiment consacré Baselworld comme le seul rendez-vous totalement inconcournable de toute la branche horlogère, là où se trouvent tous les métiers, de l’amont vers l’aval, et quasiment toutes les marques. On pourrait en dire autant de la bijouterie. S’il venait à se confirmer (Business Montres du 12 mars, info n° 2) que d’autres grandes marques – et non des moindres ! – s’apprêtent à rejoindre Baselworld en 2013, le triomphe du concept bâlois serait total et toute la communauté horlogère gagnerait à se retrouver, unie, une fois par an, dans le creuset bâlois, irremplaçable par son brassage d’affaires, d'informations, d’images et de relations. En 2013, dans des stands encore plus grands et encore plus architecturés, avec des vitrines encore plus fortes, sur des « plateaux » (halles) qu’on espère plus cohérents dans leur géopolitique de marques, l’événement horloger devrait être encore plus retentissant. C’est la vérification de l’axiome économique des années 2010 : la prime au leader (dans chaque éconiche, les plus gros grossissent et les autres dépérissent)...
3)
••• AIMÉ L’ÉLÉGANTE SIMPLICITÉ SPORTIVE
DU NOUVEAU CALENDRIER ANNUEL DE CORUM (ADMIRAL’S CUP)...
Le boîtier à douze pans de l’Admiral’s Cup est aujourd’hui une icône de l’horlogerie contemporaine, avec son décor de pavillons nautiques qui calent d’emblée cette montre dans le créneau de « sportives chic » qui peuvent tout se permettre, du plus extrême dépouillement (heures, minutes, secondes) aux plus grandes complications (tourbillon répétition minutes). Corum ne s’en est pas privé, mais Antonio Calce a voulu développer pour cette « légende » une petite complication élégante et fonctionnelle, mais directement reliée à l’univers actif et urbain de ses amateurs. En avant donc pour un calendrier annuel, qu’on ne règle qu’une fois par an, le 28 ou le 29 février : le tout est ensuite de prévoir un boîtier dont le rapport largeur/épaisseur garantisse le chic recherché et dont les détails horlogers attestent du luxe revendiqué. En 42 mm, on ne prend pas de risques avec un quantième annuel, surtout si on sait arrondir les angles d’une forme généralement plus brutale (image ci-dessus). Si on traite en monochromie les pavillons nautiques du réhaut, on évite la vulgarité de citations sportives trop galvaudées. Quand on joue le décompte des mois en petite seconde et avec un calendrier circulaire pour les jours, on reste dans les codes de la grande horlogerie, ce que confirment l’aiguille des secondes qui porte la clé de Corum en contrepoids et le verre saphir qui permet de vérifier que le mouvement est automatique. Les finitions sont impeccables (beau travail sur les index et le cadran). Que demander de plus à cette Admiral’s Cup Legend 42 Annual Calendar, sinon une série limitée (25 montres en or rose, 150 en acier) ?
4)
••• NOTÉ QUELQUES DERNIERS
MENUS DÉTAILS REMARQUÉS DANS LES ALLÉES DU SALON
••• L'EXPLOSION DES COULEURS : la réaction en chaîne a été amorcée à Hong Kong il y a cinq ou six ans avec la prolifération des concepts monomatière et monochrome, mais l’explosion des couleurs franches dans les montres atteint maintenant la haute horlogerie et les grandes marques. Cette hyperchromie s’exprime dans les détails comme dans les boîtiers ou les cadrans, ainsi que dans les états de surface : selon le type de polissage, l’acier, l’aluminium ou la céramique changent de reflets et viennent encore élargir la palette des teintes proposées...
••• LES TIMBRES-POSTE : jolie idée graphique de Zenith pour célébrer quelques anniversaires horlogers et sa nouvelle ligne Pilot, des timbres-poste à l’effigie de Blériot et des tampons « Pôle Sud » pour affranchir le courrier « Air Mail » à l’ancienne...
••• LA MONTRE LA PLUS LOURDE DU SALON : elle pesait une bonne vingtaine de kilos et on la trouvait – comment en douter ? – sur le stand Artya (Yvan Arpa). C’est une vraie montre, qui donne l’heure, mais qui est à moitié coulée dans un bloc de béton armé, le cadran étant lui-même taillé dans une rondelle de béton armé. Exactement le genre de cadeau horloger que les tueurs de la Mafia offriront à leurs victimes, avant de les précipiter au fond du lac. Entraîné au fond par sa montre : y aurait-il une plus belle mort pour un amateur ?
••• LE MUSÉE DE LA MÉTÉORITE HORLOGÈRE : on le trouvait – ça devient une habitude, et les collections sont plus riches d’année en année – sur le stand Louis Moinet, qui s’est fait une spécialité de cadrans ornés de fragments de vraies météorites de toutes origines célestes. Mais les pierres de notre planète intéressent aussi Jean-Marie Schaller, qui présentait cette année un cadran en labrdorite, une magnifique pierre naturelle bleue (collection Treasures of the World)...
••• LES DIAMANTS INTERSTELLAIRES : toujours chez le même Jean-Marie Schaller (qui devient décidément le grand lapidaire de la haute horlogerie), une montre Stardance dont la Lune (celle des phases) est taillée dans une météorite (Enstatite EH3) semée de « diamants interstellaires ». C’est une vraie première horlogère : ces nanodiamants sont âgés de bien plus de 4,5 milliards d’années et ils sont donc plus vieux que le système solaire. Ils naissent dans les nuages intestellaires lors de l’explosion d’une étoile géante. Quelle fantastique fusion cosmique que ces diamants extraterrestres pour décorer une montre féminine du XXIe siècle !
••• L'ICE-PHONE : vous avez aimé Ice-Swatch ? Vous aurez maintenant Ice-Phone, un concept très amusant de base d’iPhone (fonctionnelle) en forme de téléphone à l’ancienne (boîte et combiné), le tout en silicone de couleur vive. Les détaillants adorent (chiffre d'affaires additionnel) et ça emballe les client(e)s (gadget additionnel)...
5)
••• RELEVÉ LES COMPTEURS
DE SES STATISTIQUES PERSONNELLES...
Heureusement que Timex fait des montres avec podomètre incorporé : ça permet de calculer qu’un journaliste en mission à Baselworld fait en moyenne entre 10 et 12 km par jour pour arpenter les différentes halles. Dommage qu’il n’y ait de compteurs de poignée de mains ! Pour Business Montres, c’est 9 jours sur place à Bâle, à peu près 3 litres d’eau par jour (pas une goutte de champagne) et 1 cahier de notes Moleskine (192 p.) totalement griffonné. C’est aussi 126 marques passées (plus ou moins rapidement) au scanner, plus quelques autres « survolées », 83 cartes de visite pour les nouveaux contacts et à peu près 12 kg de clés USB, de CD et de documentation papier vraiment indispensable - pitié : évitez les clés USB en céramique, c’est très lourd quand tout le monde s’y met, et préférez les emballages de CD en carton ! -.
••• Ajoutons quelques kilos de « cadeaux presse » plus ou moins intelligents, plus ou moins utiles et plus ou moins loufoques, de la boîte de chocolats (toujours agréable) au carnet Moleskine (toujours utile) en passant tous les outils nomades (téléphones, tablettes, accessoires), les livres, les vestes de quart, les cravates, les casquettes (si, si, ça marche toujours !), les boutons de manchette en or rose (chez Jacob & Co), les parfums (Chanel), les stylos et toute la bimbeloterie qui fait la prospérité des spécialistes du « cadeau d’entreprise ».
••• Le must en matière de collector simple, fonctionnel et bien pensé : le petit stylo Patek Philippe by Caran d’Ache, Swiss Made comme il se doit (tout le monde n’y pense pas) et, en plus, superbe dans sa livrée gris titane. Impossible d’en conserver un seul pour soi : tout le monde le voulait (et les filles l'exigeaient) dès qu’on le sortait pour écrire ! Pour le reste, Business Montres maintient son classement : le prix de la plus belle clé USB revient à Gucci pour son anneau « Bamboo ». Accessits à Marc Ecko pour sa clé USB-plaque d’identité (spécial geekette fashionista) et à Victorinox pour sa clé-couteau suisse.
••• Baselworld est aussi un rendez-vous gourmand : comme tous les ans, on trouvait le meilleur risotto <="" em=""> chez De Grisogono et le meilleur jabugo (avec son coupeur attitré) à la cantine du groupe Festina (merci, Miguel !), mais le pata negra proposé chez Hublot, avec le fromage de Jean-Claude Biver, était aussi délicieux, quoique tranché avec moins de maestria. Pour la cave, personne ne peut rivaliser avec Hublot, qui nous a régalé de Cheval-Blanc, de Latour, de Margaux et même d’un Yquem 1995 d'anthologie, à tomber sur un foie gras « trois étoiles » préparé par Philippe Rochat...
••• Merci à tous ceux que nous avons pu rencontrer, désolé pour tous ceux que nous n’avons pas pu visiter, bonnet d’âne aux péniches qui pratiquent l’extorsion de fonds numérique - 5 CHF les 15 minutes de wifi à bord !] et félicitations à l’équipe de Baselworld pour un salon 2012 pratiquement sans la moindre bavure [à quelques déficiences du réseau wifi près : il faudra tirer les oreilles de Swisscom ! -. Pour tout le monde, à l’année prochaine pour de nouvelles aventures, dans un complexe de halles totalement repensées...
••• D’ici au 25 avril 2013, ouverture du prochain Baselworld, Business Montres vous tiendra de toute façon informés des évolutions géostratégiques dans le partage territorial des halles stratégiques (essentiellement le 1.0). Ne serait-ce que pour de banales questions de délais techniques de construction des nouveaux stands (une quinzaine des dix-neuf espaces de marques prévus au 1.0 seront reconstruits, en plus des mégastands dans les autres halles), tous les dossiers doivent être bouclés avant la fin mars. Donc, Stay Tuned et reposez-vous bien : plus que treize mois avant le départ de la prochaine fantasia bâloise...
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