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Le chœur des vierges s’est effarouché. Les intégristes d’une suissitude obsidionale ont lancé leur fatwa contre TAG Heuer, coupable de se fournir en spiraux chez Seiko.
Et si on remettait le dossier bien à plat pour pouvoir en discuter posément ?
Le défi capacitaire lancé par le Swatch Group à TAG Heuer est effectivement stratégique : parlons-en !
••• Voir également nos informations sur cette opération Seiko-TAG Heuer : Business Montres du 21 mars, infos n° 1 et 2...
••• Première partie de cet article : Business Montres du 21 mars...
3)
••• LES BONNES QUESTIONS POSÉES
PAR UNE SOLUTION JAPONAISE POUR UN PROBLÈME PUREMENT « SWISS MADE »...
In extremis, une solution Nivarox n’aurait-elle pas été préférable à une solution Seiko ? Sans doute que si ! A la fois pour l’image de la place horlogère suisse en général et pour celle de TAG Heuer en particulier. Pas évident, malgré tout, que cela ait été possible.
• De source interne Nivarox, on confirme qu’il y a bien eu une demande de TAG Heuer pour des échappements spéciaux destinés aux chronographes de la marque, mais Nivarox (donc le Swatch Group) n’a pas voulu donner suite. Il ne s’est écoulé que huit mois entre l’annonce du non-renouvellement du contrat et s péremption effective. L’état d’urgence étant décrété au 31 décembre 2011, Jean-Christophe Babin n’avait plus le choix pour trouver une solution industrielle : rien en Suisse, rien dans l’Union européenne, des volumes de piètre qualité en Russie et en Inde, des ressources au Japon, chez Citizen et chez Seiko – solution finalement préférée pour la bonne connaissance qu’en avait le groupe LVMH et pour la culture mécanique de Seiko (qui travaille déjà un échappement en 5 Hz pour la collection Grand Seiko).
• Chez Nivarox, on confirme également qu’une alternative a été ultérieurement proposée à TAG Heuer, mais trop tard ! On peut se demander si l’idée de manœuvre n’était pas de pousser perfidement TAG Heuer dans les bras des Japonais, histoire de créer à la marque un « problème d’image » qu’il serait toujours temps d’exploiter - on verra ci-dessous que c’est sans doute mal connaître l’opinion des amateurs ! -...
••• Un bon point pour TAG Heuer, qui a mis en place la meilleure réponse industrielle possible à ce nouveau défi, en acceptant ce risque d’image, mais dans la posture de la victime involontaire de Nivarox – ce qui est toujours médiatiquement payant !
••• N’était-il tout de même pas possible d’éviter un recours aux spiraux Seiko ? Industriellement, non ! Mais peut-être que oui - voir ci-dessous -... Le devoir d’un chef d’entreprise est de développer son activité, en répondant du mieux qu’il le peut aux défis de son marché et de son environnement commercial. Faute de grives, on mange des merles ! En obligeant Jean-Christophe Babin à se tourner vers les Japonais, le Swatch Group s’est tiré une autre balle dans le pied, moins de trois semaines après avoir installé les Japonais de Citizen au cœur de La Chaux-de-Fonds. Cette fois, ce sont les Japonais de Seiko qui font battre le cœur d’un chronographe suisse, avec des spiraux en Liga de nouvelle génération dont TAG Heuer sera le banc d’essai international pour le Swiss Made.
• Bravo, le Swatch Group ! Désormais swissmadisé, le groupe Seiko va désormais parader en racontant – comme le faisait Nicolas Hayek Senior avec Nivarox – que les Suisses préfèrent la qualité Seiko. Chapeau, les stratèges biennois, qui verrouillent par ailleurs les brevets sur la production des spiraux en silicium et en Liga (exclusivité Swatch Group, Rolex et Patek Philippe), empêchant ainsi les marques suisses de se doter de leurs propres échappements high-tech. Du coup, si TAG Heuer le fait, d’autres iront se servir chez Seiko en attendant la mise en place de nouvelles capacités suisses, vers 2015. Un double auto-goal dont l’horlogerie suisse n’avait pas vraiment besoin, et un second pavillon nippon (symbolique) dans le ciel de La Chaux-de-Fonds...
••• Un double mauvais point pour le Swatch Group, victime d’un double effet pervers qui crée à Nivarox une concurrence internationale redoutable (Seiko +Citizen) dans son propre pré carré...
••• La solution Seiko n’était-elle pas « trop facile » ? Sans doute un peu, et on aurait pu initier une réponse suisse à cette question des spiraux si on l’avait voulu. L’équipe des consultants du Swatch Group a fait le tour de la Suisse horlogère et des fabricants d’échappements pour auditer les solutions industrielles possibles. La partie était cependant faussée : s’il y avait en Suisse des fournisseurs capables de travailler aux prix actuels de Nivarox dans des quantités et avec des qualités comparables, ça se saurait !
• Donc, toutes les propositions – souvent réalistes, surtout les plus high-tech – se sont avérées trop chères, pas forcément fiables - ce qui est discutable - et quantitativement trop limitées. On se situe ici sur des besoins à six chiffres, pas sur des séries limitées à quatre oiy mêm cinq chiffres. Toujours trop cher, comparé aux tarifs Nivarox. A croire que l’idée était de dépenser encore moins qu’avec Nivarox - leader quasi-monopoliste d’un marché - et donc d’orienter TAG Heuer vers une solution de facilité japonaise préparée à l’avance, histoire de ne pas trop plomber les comptes de Francesco Trapani, patron de la branche, à la fin 2012. A croire qu’on n’avait pas vraiment envie d’investir le moindre centime dans les assortiments, pour tout miser sur les composants et les mouvements, jugés prioritaires. La survie de TAG Heuer s’est joué avec une logique de consultant marketing contre une logique d’ingénieur : pas sûr que l’industrie suisse y ait gagné...
••• Un mauvais point pour TAG Heuer, qui ne semble pas avoir tenté de tout mettre en œuvre pour « inventer » une réponse suisse au défi de Nivarox et qui fait aujourd’hui passer les fournisseurs suisses pour des rigolos incapables de développer des projets industriels crédibles. La marque a simplement changé de supermarché, sans modifier ses habitudes de consommateur, et non de consommacteur du marché : on est passé des composants achetés sur étagère au Swatch Group à des échappements achetés sur étagère au Japon...
4)
••• LA GUERRE DES SPIRAUX RALLUMÉE PAR TAG HEUER
EST UNE BOÎTE DE PANDORE DONT LES VACHES SACRÉES SUISSES FERONT LES FRAIS...
De mesquineries commerciales en querelles d’égos, on a multiplié les effets pervers et les retournements imprévisibles. Hayek contre Babin : l’affiches est plaisante. Qui pouvait imaginer que Jean-Christophe Babin se laisserait étrangler dans l’ombre, sans réagir, par les sicaires du Swatch Group ? Mais qui pouvait imaginer que le Swatch Group laisserait s’implanter les deux concurrents japonais majeurs à La Chaux-de-Fonds ? Les deux stratégies déployées par les deux adversaires sont fondées sur le seul mouvement : Nick Hayek veut priver Jean-Christophe Babin des munitions indispensables à sa croissance, mais Jean-Christophe Babin a choisi de refonder toute sa politique d’investissement capacitaire sur le mouvement, au détriment de l’assortiment.
• Une victime dans les deux cas : les balanciers-spiraux suisses, classiques ou high-tech, qui auraient eu tout à gagner à de nouveaux efforts de R&D. On a sacrifié la créativité – et TAG Heuer ne manque pas d’imagination dans ce domaine – à la profitabilité. La brutalité du Swatch Group n’a ici d’égale que la cupidité du groupe LVMH...
••• Un double mauvais point pour TAG Heuer et pour le Swatch Group, dans un jeu à sommes perdantes qui ne rassurera pas les analystes boursiers le jour où ils regarderont plus loin que le bout de leur nez, mais ont-ils jamais compris quelque chose aux réalités du marché horloger ?
••• Le groupe Seiko (SII) n’est-il pas le vrai gagnant de ces mesquineries helvéto-suisses ? Personne n’en doute ! Voilà les Japonais – éternels rivaux de l’industrie suisse – mués en arbitres des élégances Swiss Made, en attendant que Citizen (Miyota) n’ait l’idée d’implanter un atelier de spiraux-balanciers chez La Joux-Perret, à La Chaux-de-Fonds. Comme l’exemple de TAG Heuer sera vite suivi, les répliques de cette première secousse ne vont pas manquer. La direction de Seiko commençait à douter de ses chances de pouvoir un jour jouer un rôle significatif sur le marché mondial des montres mécaniques, où les parts du groupe restent modestres, mais elle trouvera dans cet accord commercial sur les spiraux de nouvelles raisons d’espérer et de revaloriser son image internationale.
• Repoussé du vivant de Nicolas Hayek Senior, le cauchemar d’une nouvelle intrusion japonaise dans le village horloger suisse s’est réalisé après sa mort. Demain, on verra peut-être des spiraux russes, indiens ou même allemands régler les montres d’autres marques suisses...
••• Un mauvais point collectif pour TAG Heuer et pour le Swatch Group, qui ouvrent un boulevard à l’ennemi héréditaire nippon, l’un par refus de sacrifier ses marges, l’autre par volonté d’écraser un concurrent sans le combattre sur le terrain. Pas de quoi pavoiser...
••• Est-ce que ce ne serait pas le moment de repenser tout le « Swiss Made » ? N’importe quel acheteur de Mercedes est très fier de la qualité allemande de sa voiture, mais il ne s’inquiète pas de savoir si elle a été fabriquée en Allemagne, au Brésil ou aux Etats-Unis. Un amateur de Ferrari ne se pose pas de questions existentielles sur l’origine japonaise des pistons de son moteur. Pourquoi l’amateurs de montres se soucierait-il de la provenance non-suisse d’un composant qualifié un peu vite de stratégique, alors qu’il n’est qu’un des éléments d’une chaîne de création de valeur dont il est loin de résumer les atouts. En acceptant de répondre au défi capacitaire du Swatch Group par une contre-initiative japonaise, Jean-Christophe Babin met les pieds dans le plat et bouscule les vaches sacrées : il nous oblige à nous interroger sur ce qui fonde l’image des montres suisses.
• Cette image, est-ce la force et l’influence des marques suisses, ou la génétique de leurs composants, voire la puissance de l’industrie qui les produit ? Une montre cesse-t-elle de porter les couleurs suisses à 49 % ou à 59 % de Swissness ? Et le redevient-elle – comment et pourquoi – dès qu’elle repasse la barre des 51 % et des 61 % ? On ne distingue pas clairement en quoi une supply chain sincèrement et impeccablement Swiss Made – de la première gouache au contrôle qualité final – serait brutalement disqualifiée par l’introduction d’un composant relativement banalisé et sans réelle valeur ajoutée technologique - toutes les marques ont pratiquement les mêmes spiraux, un peu comme si les Ferrari, les Porsche et les Rolls-Royce avaient les mêmes carburateurs. Qu’est-ce qu’un spiral dans le prix de revient d’un chronographe mécanique ? Pas grand-chose. Que signifient les nouvelles dispositions prévues (un jour, dans longtemps) pour le Swiss Made ? Pas grand-chose non plus...
••• Un mauvais point pour le Swatch Group, qui a pris le risque de s’attaquer à TAG Heuer (qui a les moyens industriels de riposter et de moduler ses prix), alors que cette initiative de pénurie planifiée va surtout pénaliser les marques moyennes et mettre un peu plus à mal le Swiss Made. On veut frapper les riches, mais ce sont les pauvres qui vont payer les pots cassés : même quand on veut récupérer de la marge et handicaper le concurrent, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation...
••• L’« économie de la rente » née des mesures conservatoires prises pendant la révolution du quartz n’a-t-elle pas fait son temps ? Cette rente est née de regroupements imposés à Nicolas Hayek, qui a su recréer une industrie dynamique à partir de lambeaux épars. On paye aujourd’hui cette sous-capacité, qui freine le développement international des marques tout en garantissant au Swatch Group une enviable rente de situation. Initialement vertueux, ce modèle économique devient vicieux dans un contexte de croissance mondiale. Au cœur de ce modèle, une définition obsolète, sinon rétrograde, du Swiss Made, conçu dans une logique matérielle helvétocentrée, alors que nous évoluons désormais dans un univers dématérialisé planéto-globalisé.
• La valeur suisse d’une montre est dans l’intégrité de son esprit, non dans la génétique de sa matière. Elle est dans la créativité de la vision qu’elle incarne et dans les émotions qu’elle véhicule, pas dans l’ausweis ou le stampel douanier de ses composants. On le vérifie en permanence avec les diamants (non suisses) comme avec les bracelets (si rarement suisses), mais on se focalise sur quelques composants. C’est une question d’âme, et c’est ce qui fait la différence entre le tout et la somme des parties (Aristote) : on ne pèse pas une âme sur un trébuchet, et on ne l’enferme pas dans des pourcentages bureaucratiques. Le seul juge est ici le consommateur – quand il est informé et qu’il bénéficie d’une certaine transparence des propositions...
••• Un mauvais point pour... les autorités de l’horlogerie, qui obscurcissent un débat sur le Swiss Made en le ramenant à des querelles algébriques de boutiquiers, sans vraiment sanctionner les tricheurs et sans chercher à promouvoir une transparence multi-géographique qui simplifierait tout...
4)
••• LA PARTIE DE POKER MENTEUR ENGAGÉE
ENTRE TAG HEUER ET LE SWATCH GROUP EST AVANT TOUT UNE GUERRE D’IMAGE...
Maintenant qu’on a ouvert la boîte de Pandore en libérant le génie asiatique qui y était confiné, plus rien ne permettra de la refermer. Ce sera une lutte parole contre parole, discours contre discours et influence contre influence. Si la transparence a provisoirement désarmé les mauvaises langues et les interventions numériques de concurrents qui adorent jeter de l’huile sur le feu, la rumeur court. Les journalistes « amis » des uns distillent leur venin sur les autres. L’enjeu est l’opinion publique horlogère, dont on a supposé – côté Swatch Group – qu’elle ne pourrait que condamner un emprunt nippon dans un mouvement suisse. Sauf que ce raisonnement reflète plus le nombrilisme suisse qu’une tendance avérée (et vérifiée) du jugement des amateurs.
• Une intéressante étude Ipsos (2011) circule actuellement chez les marketeurs horlogers : elle tendrait à prouver que, pour les consommateurs internationaux (marchés traditionnels et marchés émergents), les valeurs déterminantes soient prioritairement la « valeur dans le temps » (Rolex l’emporte de loin devant Omega, Breitling et TAG Heuer, dans l’ordre mais à quelques fractions près), la « qualité perçue » (toujours Rolex, mais de moins loin devant TAG Heuer, Breitling et Omega, toujours dans l’ordre), puis la « force de la marque » (encore Rolex, toujours devant TAG Heuer, Omega et Breitling) et, enfin, le « Swiss Made » (avec un score médiocre, même pour Rolex, suivi de près par TAG Heuer, Omega et Breitling ne faisant guère mieux que Longines !). Moralité : pour les montres à plus de 1 000 euros, le discriminant Swiss Made n’est pas le plus différenciant. On en déduira que, à l’intérieur de ce Swiss Made faiblement valorisé, le référent purement géographique d’un composant relativement banalisé comme le spiral est encore moins créateur de différence et d’exclusivité...
••• Un mauvais point pour le Swatch Group, qui joue à attiser les tensions autour du Swiss Made, mais au risque d’attirer les regards sur les dessous d’un label qui a été vidé de son sens par ceux-là même qui auraient dû en rester les gardiens.
••• Sans mauvais point, un carton jaune à TAG Heuer, qui a raison d’entériner le fait que le spiral est tout sauf un marqueur de luxe pour l’horlogerie, mais qui a tort d’être la marque par laquelle le scandale arrive et celle qui ouvre la fameuse boîte de Pandore...
••• Est-ce qu’il ne serait opportun d’en finir avec l’omerta horlogère et avec cette culture du secret transmise par les paysans-horlogers dont l’actuelle industrie est l’héritière ? Qui a vraiment peur de cette transparence qui permettrait aux marques de préciser l’origine des composants majeurs de leurs montres (habillage et mouvement, sans fausses pudeurs ni faux-semblants ? Si l’image de marque des montres suisses tient vraiment à la seule glaise lémanique qui s’accroche à ses bottes, il y a péril en la demeure. Si la Migros – institution suisse s’il en est – peut se permettre de s’essuyer les pieds sur le paillasson Swiss Made en proposant à 99 CHF des montres qui n’ont rien de suisse, sinon la croix sur le cadran Made in China (Business Montres du 21 février), c’est que les règles du jeu ne sont pas plus respectables que respectées. Il convient donc de les changer, en expliquant ce qu’on fait et en faisant ce qu’on explique. Maintenant qu’on va pouvoir s’expliquer sur le peu d’intérêt de polémiquer autour de quelques grammes de spiral japonais, autant en profiter pour remettre tout à plat et mener une réflexion sur le vrai impact du Swiss Made et sur les... composants de son image...
••• Un bon point au Swatch Group et à TAG Heuer, pas forcément mérité aujourd’hui, mais pour les inciter à profiter de ce divertissement nippon pour engager, chacun de leur côté, des actions destinées à arracher l’horlogerie suisse à ses carcans réglementaires et à ses routines mentales. L’un comme l’autre ont tout à gagner à une nouvelle transparence : il faut plus que jamais penser hors des clous. Le coup d’éclat de TAG Heuer nous y invite...
••• Au fond, est-ce que nous n’assisterions pas aux premières escarmouches d’une prochaine guerre de tranchées entre le Swatch Group et le groupe LVMH ? La guerre a été clairement déclarée à TAG Heuer il y a cinq ans (Business Montres du 9 avril 2007), mais elle n’a cessé de s’étendre pour protéger la prééminence d’Omega. Il existe un triumvirat de fait pour contrôler l’horlogerie suisse, avec des « grandes puissances » historiques (Swatch Group, groupe Richemont, Rolex) qui se partagent le pouvoir. Depuis l’an 2000, n nouveau venu a su se faire une place au soleil avec des volumes importants, une croissance forte et des parts de marché significatives : LVMH (essentiellement TAG Heuer, Hublot, Zenith, Dior et désormais Bvlgari). L’offensive cible aujourd’hui Zenith (par la réduction des livraisons d’échappements) et, désormais, Hublot, pour lequel il semblerait qu’on soit en train de repositionner Blancpain pour mener l’offensive, avant de passer à Bvlgari. L’asphyxie par manque de mouvements et d’assortiments n’est qu’une première bataille pour faire bouger les lignes. Il y en aura certainement d’autres, encore plus féroces, sur le terrain commercial et sur des marchés-clés comme les Etats-Unis, terre de mission pour le Swatch Group.
••• Un bon point pour le Swatch Group, qui a provisoirement l’avantage d’être adossé à ses usines suisses et de tirer d’énormes profits du marché chinois, où il semble inexpugnable, alors que le groupe LVMH n’y a pas encore atteint un poids critique et qu’il est en pleine phase d’investissements capacitaires. Dès 2012, il manquera à TAG Heuer, à Hublot, à Bvlgari et à Zenith des mouvements pour accompagner leur croissance, alors que les marques du Swatch Group n’auront aucun problème d’approvisionnement. On soldera les comptes en 2015...
••• La position dominante du Swatch Group est-elle inéluctable ? Pour l’instant, Nick Hayek tient le couteau par le manche, et personne ne devrait pouvoir lui faire lâcher avant 2015, faute d’alternatives industrielles crédibles aux offres du Swatch Group. Dans une économie cyclique comme celle du luxe horloger, l’appareil de production est régulièrement soumis à de terribles tensions, en accélération comme en décélération. Pour avoir engrangé récemment de substantiels profits avec ses usines de mouvements et de composants, le Swatch Group peut rapidement voir s’inverser la tendance, à la faveur d’un coup de déprime économique qui se coinjuguerait à la verticalisation et à l’autonomie stratégique chèrement acquise par certaines marques. Autant le cliquet industriel devient multiplicateur avec une demande croissante, autant il peut se faire diviseur et générateur de pertes - toujours par effet industriel - si la demande s’inverse. De même, faute d’investissements dans la R&D et dans les avancées des techniques de production, on prend vite un retard impossible à rattraper : n’oublions pas que la plupart des mouvements proposés par ETA sont tombés dans le domaine public et qu’ils frôlent à présent le demi-siècle. De même, les technologies de production des spiraux et des échappements n’ont guère évolué, hormis dans la maîtrise du silicium. Donc, comme dit le poète, « rien n’est jamais acquis à l’homme »...
••• Pas de point distribué pour conclure, puisque seul l’avenir dira si l’envie de couper l’eau et l’électricité aux concurrents trop dangereux était une bonne intuition stratégique ou une erreur tactique de premier plan...
••• ÉPISODE PRÉCÉDENT (première partie) :
Les vrais chiffres du dossier, les vraies raisons du refus de livrer des assortiments Nivarox à TAG Heuer, les vraies coulisses de la stratégie « mouvements-spiraux » du Swatch Group, etc. (Business Montres du 21 mars)...
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