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Tout le monde parlait de lui, mais personne ne savait vraiment de qui il s’agissait...
On vient de retrouver vingt nouvelles pages du grand manuscrit inédit de Breguet...
On y découvre des notes écrites de sa main concernant ce Jésuite français qui aurait inventé le premier mouvement automatique...
1)
••• À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
DANS LES MANUSCRITS INÉDITS D’ABRAHAM LOUIS BREGUET...
On ne parlera que de ces nouveaux feuillets manuscrits dans les prochaines ventes aux enchères genevoises. Plusieurs dizaines de montres Breguet y seront dispersées au fil des différents catalogues, mais les conversations seront polarisées par ces pages inédites et par les détails qu’elles contiennent sur les montres perpétuelles.
••• En 2010, on se souvient de la vente des manuscrits Breguet : les sept lots signés Breguet avaient été adjugés par Osvaldo Patrizzi pour 2,3 millions de francs, suisses, à un Nicolas Hayek qui n’en pouvait plus d’impatience au téléphone (Business Montres du 7 mai 2010). Conservés au musée Breguet, ces cahiers manuscrits, accompagnés de dessins, sont aujourd’hui en cours d’étude et de publication.
••• Huit mois après la vente, à la fin de l’hiver 2010, le même Osvaldo Patrizzi a été recontacté par le vendeur, qui avait « retrouvé » – perdu dans des piles de paperasses – un autre lot d’une vingtaine de feuillets manuscrits, d’autant plus intéressants qu’ils traitaient des montres « perpétuelles » et qu’ils étaient constitués de notes prises à la hâte plus que de textes parfaitement structurés. Authentifiés par l’infatigable Emmanuel Breguet, ces feuillets inconnus ont été déchiffrés et ils ont livré une mention qui révolutionne l’histoire de la montre automatique : le nom du Révérend Père jésuite dont Breguet avait déjà mentionné l’existence en lui attribuant la première montre « perpétuelle » connue.
••• La mention de ce « P. Thuëlle » (en haut, à gauche, du document ci-dessus) est d’autant plus intéressante qu’elle est accompagnée du dessin de la « masse » qui permettait le remontage automatique de la montre – celle-ci n’a pas été retrouvée, mais Breguet devait l'avoir vue (dessin malhabile dans la marge du manuscrit : le contraste a été augmenté pour mieux distinguer le trait de Breguet). Ce R. P. Pierre Thuëlle n’est pas tout-à-fait un inconnu, puisqu’on trouve sur Wikipedia une notice qui regroupe les rares éléments biographiques dont nous disposons à son sujet : il est le seul Jésuite horloger à porter ce nom au cours des XVIIe et XVIIIe siècle. Des recherches sont en cours auprès de la Compagnie de Jésus pour trouver de plus substantielles précisions biographiques...
2)
••• L’INJUSTE DESTIN MALHEUREUX
DU RÉVÉREND PÈRE P. THUËLLE, HORLOGER OUBLIÉ...
Nul doute que ce Jésuite inconnu ne trouve rapidement sa place dans les manuels d’histoire de l’horlogerie, qui passent un peu allègrement sur les grands créateurs horlogers du XVIIe siècle. Dès que la totalité des notes manuscrites d’Abraham Louis Breguet seront déchiffrées, on en saura sans doute plus sur le premier « inventeur » d’une montre automatique, désormais tamponné d’un « certificat Breguet » incontestable. Ces mentions marginales semblent avoir servi d’aide-mémoire ponctuels à Breguet, qui prévoyait sans doute de dicter à Louis Moinet des éléments plus substantiels. Sans doute n’en a-t-il pas eu le temps...
••• La découverte de ces manuscrits inconnus, qui feront – semble-t-il – l’objet d’une transaction privée, et non d’une vente aux enchères publiques - on sait qu’Osvaldo Patrizzi s’est retiré du marché, même s’il reste très actif auprès des grands collectionneurs internationaux -, remet en cause toute l’actuelle querelle historique au sujet du mystérieux Abraham Louis Perrelet (Le Locle) et du non moins dérangeant Hubert Sarton (Liège), tous deux candidats à l’invention de la « première-montre-automatique » (avec ou sans rotor, on en discute toujours). S’il n’existe pas de portrait connu du R.P. P. Thuëlle, comme d’ailleurs d’Abraham Louis Perrelet, on a au moins quelques certitudes concernant ses travaux horlogers pour le compte des Jésuites, qui étaient à l’époque les fournisseurs non commerciaux de la cour impériale chinoise : on sait que la Mission jésuite en Chine remonte à 1582, et elle s’est poursuivi jusqu’en 1773, avec la dissolution de l’Ordre, dont les archives ont été conservées.
•••Avantage de ce Pierre Thuëlle sur Abraham Louis Perrelet, dont il existait, à l'époque, une bonne quinzaine d’homonymes, horlogèrement actifs dans la vallée du Locle : il n’y a qu’un R.P. de ce nom dans les rôles français de la Compagnie de Jésus. Avantage du jésuite inconnu sur le maître-horloger Hubert Sarton : il est maintenant établi que le grand Breguet parle de Thuëlle, alors qu’il ne dit pas un mot de l’horloger liégeois, dont les créations et les inventions horlogères sont par ailleurs aussi nombreuses que bien connues et historiquement attestées...
••• La parole est maintenant aux historiens et aux chercheurs sérieux, pour qu'ils écrivent l'histoire sans préjugés, en partant des documents retrouvés au lieu de compiler ce que d'autres avaient travaillé à leur place... |