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Un volumineux catalogue de 624 numéros et l’habituel fatras de belles Allemandes, d’émailleries anciennes d’une authenticité moyennement convaincante, de pièces dépareillées, de bricolages disparates et de mécaniques horlogères de haute culture.
La maison Auktionen Dr. Crott (Allemagne) ouvrira le bal pour les enchères du printemps 2012, dès le samedi 12 mai...
••• UN CATALOGUE DE POIDS POUR UNE VENTE
QUI MISE SUR LA CULTURE HORLOGÈRE CHÈRE AUX AMATEURS ALLEMANDS...
Hormis les dix-neuf lots Breguet de ce copieux catalogue (Business Montres du 27 avril, info n° 5), nous avons déjà signalé le « Boxing Timer » Excelsior-Park (lot n° 624), spectaculaire, mais rare sous le marteau, puisqu’on n’en relève que deux autres dans les enchères de ces dix dernières années (Business Montres du 27 avril).
••• On appréciera aussi, dans ce 85e catalogue de la maison Auktionen Dr. Crott, les efforts de mise en page et de « contextualisation » de certains lots, présentés et mis en scène « en ambiance », avec les portraits des horlogers et des images d’époque, comme la désopilante page des lots n° 205 et n° 206, accompagnés, sur fond rose, de jeunes gens d’époque (1975), très Village People en version germanique (image ci-dessus : la page du catalogue PDF). On aimera aussi les gros plans, toujours passionnants pour les amateurs de mécaniques, dont très peu auront l’occasion de voir les montres lors de l’exposition, dès le vendredi 11, au Sheraton de l’aéroport de Francfort...
••• Comme d’habitude, on trouvera le pire et le meilleur dans ce catalogue, avec le classique « tunnel » des A. Lange & Söhne et des montres allemandes pour les cinquante premiers lots, dont le n° 36 qui fait la couverture (grande complication de 1920, estimée 300 000-4000 000 euros). On reste en Allemagne (enfin, presque) avec la Panerai Radiomir (stérile) d'un instructeur Kampf-Schwimmer de la Kriegsmarine (1944), un lot n° 76 estimé 70 000-90 000 euros et à peu près bien référencé. La promenade militaro-horlogère continue avec un beau chronomètre de marine (lot n° 92) de Paul Ditisheim (5 000-12 000 euros)...
••• Continuons la promenade dans les allées de l’histoire horlogère, avec des lots que les initiés apprécieront pour leurs subtilités mécaniques, comme le chronomètre de poche Patek Philippe (lot n° 95), le chronomètre Charles Fasold (lot n° 96), le chronomètre de table Louis Berthoud de 1808 (lot n° 103), le chronomètre de marine Breguet de 1820 (lot n° 104), le chronomètre Recordon de 1815 (lot n° 108) ou le chronomètre de marine hexagonal réalisé par l'Anglais John Arnold en 1783 (lot n° 109). L’équation du temps de Lepaute, datée de 1807, mérite également le détour (lot n° 105). Tous ces lots se négocient au prix d’une montre-bracelet contemporaine, alors qu’il s’agit véritablement de « monuments historiques » pas encore touchés par la spéculation...
••• En revanche, la fièvre des amateurs chinois pour les montres émaillées et pour les montres de poche explique qu’on en vienne aujourd’hui à bricoler tout et n’importe quoi pour mettre de vrais « monstres » sur le marché. Quelques exemples frappants :
• Lot n° 153 : c’est une des lots-phares de la vente (400 000-500 000 euros), mais cette montre émaillée et sertie est attribué sans nuance (et sans preuve historique) au duc de Wellington, alors que c’était une simple suggestion lors de la précédente vente de cette pièce chez Antiquorum – ça devrait tout de même impressionner les Chinois...
• Lot n° 197 : à qui fera-t-on croire que le boîtier de cette répétition des quarts Breguet est d’origine ?
• Lot n° 260 : même un amateur très moyennement éclairé comprend tout de suite que le décor émaillé de cette montre anglaise a un siècle et demi de retard sur la date annoncée par le catalogue (1780)...
• Lot n° 275 : ou bien c’est la boîte émaillée, ou bien c’est le mouvement (trop restauré), mais rien ne colle dans cette montre de poche attribuée - pourquoi se gêner ? - à Pierre II Huaud, dont ce travail n’est pas digne...
• Lot n° 276 : un émail de style 1900, voire plus récent, dans une montre de 1740, ça ne choque personne ?
• Lot n° 298 : mais quel est le gougnafier qui a gravé aussi sommairement cette montre de poche dont le mouvement est peut-être bon, mais la boîte grotesque de médiocrité ?
• Lot n° 300 : présentée comme une pièce de l’Ecole de Blois, cette montre émaillée de 1620 a tort de vouloir se faire passer pour ce qu’elle n’est pas – et de loin ! Même le pendant est anachronique (trop épais)...
• Lot n° 304 : on n’est vraiment pas obligé d’y croire, pas un instant, mais ça peut toujours impressionner un néophyte chinois un peu myope...
• Lot n° 405 : un scoop historique, puisqu’on nous affirme qu’on faisait déjà des cadrans à heures décimales en 1785 (dix ans avant l’heure révolutionnaire) ! De toute façon, le cadran semble refait tellement il est neuf...
• Lot n° 411 : cette pendulette est un vrai « montage » remonté à partir d’éléments hétéroclites. À 22 000 euros, même la maison d’enchères n’y croit pas...
• On va s’arrêter là faute de pouvoir pointer tous les cadrans refaits, les interpolations historiques et les assemblages douteux dans ces montres de poche émaillées dont les automates sont souvent récupérés et bricolés avec des pièces « cannibalisées » au petit bonheur la chance...
••• Ce qui ne veut pas dire que tout est douteux ! Le lot n° 140 (montre émaillée d’Ilbery) est superbe (il aurait été plus honnête de signaler la réparation sur l’émail), tout comme la bague émaillée à automates et mouvement doté d’une sonnerie du lot n° 149 (Piguet & Capt : on n’en connaît qu’un seul autre exemplaire). La collection de pendulettes de voyage est de toute beauté, même si toutes les pièces ne sont pas parfaitement « dans leur jus » (lots n° 154 à 183). Quelques-unes des Breguet (lors n° 196 à 200) méritent attention, tout comme la répétition minutes de Charles Frodsham (lot n° 239). La montre émaillée anglaise du lot n° 277 (marché turc) est délicieuse. Les « objets du temps (sablier, équatoires, cadrans solaires équatoriaux, horloges de table, etc.) des lots n° 278 à 296 sont uniques dans leur genre.
••• Pour le plus grand bonheur des amateurs, on trouvera également dans ce catalogue de nombreux montres-bracelets de collection, avec des estimations volontairement hautes qui donnent à l’enchérisseur l’impression d’avoir fait une bonne enchère quand le coup de marteau tombe sans qu’on ait atteint ce plafond. C’est très allemand, et contraire à la pratique genevoise de l’enchère basse qui excite les passions. Donc, ne pas négliger quelques sympathiques Rolex en or (elles sont moins cotées en Allemagne), une Submariner du Special Boat Service (40 000-50 000 euros pour ce lot n° 75), une Omega Speedmaster Broad Arrow de 1958 (45 000-65 000 euros, tout de même, pour ce lot n° 562 !) et les habituelles litanies de Patek Philippe. Dès la fin de la vente, les marchands se précipiteront pour attraper le dernier avion et s’envoler pour Genève, où trois ventes de ventes intensives les attendent – à commencer par la dispersion Antiquorum de dimanche... |