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Même sans drapeau suisse, l’horlogerie est impliquée dans la 34e America’s Cup, dont les nouveaux équipages procèdent actuellement à quelques ronds dans l’eau salée de la lagune vénitienne...
L’épreuve est sportive, et le plateau relevé, avec les principaux concurrents de la prochaine Louis Vuitton Cup (présélection), dont le vainqueur affrontera Oracle Team USA, le Defender et vainqueur de la précédente édition, en septembre 2013, dans la rade de San Francisco.
En attendant, on s'entraîne dur et on se marque à la culotte, avec le soutien de quelques marques...
1)
••• UNE PRÉ-AMERICA’S CUP QUI SE COURT
AU RAS DES QUAIS DE LA CITÉ DES DOGES, À L’ENTRÉE DU GRAND CANAL...
Trois horlogers sont officiellement dans la course pour ces America’s Cup Worlds Series, qui ont pour mission de rôder les équipages à leurs multicoques et de populariser l’America’s Cup auprès du public européen : TAG Heuer avec Oracle, Omega avec Team New Zealand et Corum avec le syndicat français Energy Team de Loïck Peyron – qui est aussi ambassadeur et consultant nautique de Corum. On peut y ajouter Louis Vuitton, qui est le chronométreur officiel de ces pré-séries et de toute la compétion.
••• Hier, les galères marchandes de la flotte vénitienne venaient décharger leurs ballots dans les entrepôts de la Douane de mer, qui en restent encore imprégnés d’un parfum d’épices et de produits exotiques. Aujourd’hui, c’est devant cette Douane de mer, face au quai des Esclavons de la place Saint-Marc, que sont hissés les drapeaux à damier de l’arrivée des épreuves de l’épisode vénitien des AC World Series. La promesse de l’America’s Cup tient en quatre mots : « The best sailors, the fatest boats » (« les meilleurs marins dans les bateaux les plus rapides »). Il faudra ajouter un troisième terme à l’équation : une course dans les « plus célèbres plans d’eau du monde »...
2)
••• À BORD D’« ENERGY TEAM » (CORUM),
ON PARLE FRANÇAIS ENTRE ÉQUIPIERS FRANÇAIS...
La foule des Vénitiens et des touristes de passage (très nombreux pour ce week-end de l’Ascension) avait de quoi applaudir neuf équipages ou les pavillons de sept pays (France, Italie, Nouvelle-Zelande, Etats-Unis, Suède, Chine et Corée). A l’applaudimètre, les Italiens l’emportent à domicile, ce qui est normal, mais les Français suivent, stimulés par le drapeau tricolore au sommet du mât-aile d’Energy Team et par les pavillons bleu-blanc-rouge frappé des deux étoiles des bateaux d’assistance. C’est le pavillon du Yacht Club de France, créé en 1867 par Napoléon III, dont Energy Team est le représentant sur cette 34e America’s Cup...
••• Précision sympathique : dirigé par Loïck et Bruno Peyron, deux frères qui ont – à eux deux ] le plus prestigieux palmarès sportif de tout l’univers nautique, le syndicat Energy Team est, en dépit de son nom, le plus authentiquement national de tous les équipages de la flotte : on y parle français à bord, et non globish, cet anglais international qui sert à bord de tous les bateaux, où on aura du mal à trouver des Coréens et des Chinois sous les pavillons asiatiques, guère plus d’Américains, de Suédois, voire d’Italiens à bord des autres challengers, dominé par les gros bataillons australiens et kiwis (néo-zélandais)...
••• Pas étonnant que Corum soit à sa place, comme « grand » sponsor et comme « chronométreur officiel », dans cette équipe largement française, qui affiche les couleurs au-dessus de sa « base » (image ci-dessus). Corum, c’est La Chaux-de-Fonds, c’est la Suisse romande, le berceau de l’horlogerie dont la français reste la langue officielle, et c’est donc le dépositaire, dans cette 34e America’s Cup, des intérêts de toute la communauté des montres suisses. D’ailleurs, en compétition, Loïck Peyron porte son Admiral’s Cup (celle qui commémore son récent exploit : 45 jours de voile pour faire le tour du monde dans le cadre du Trophée Jules Verne)...
3)
••• LES RITUELS IMMUABLES
D’UNE AMERICA’S CUP PLUS PASSIONNANTE QUE JAMAIS...
Les années passent, les Coupe se suivent, elles diffèrent parfois pour le pire (oublions les ridicules chicanes hélvéto-américaines de la 33e édition), mais elles finissent toujours par se ressembler dans le meilleur. Plus ou moins chaude, l’eau est toujours salée. D’Auckland à San Diego, en passant par Valence ; Naples ou même Marseille (et donc désormais Venise), le décor change, mais l’horizon reste la prochaine bouée et le bâbord amures. Les marins ont toujours le cuir tanné, avec cette fausse désinvolture qui cache une extrême attention et beaucoup d’acuité au moindre détail derrière leur nonchalance étudiée. Si les tenues des équipages sont moins bariolées de marquages publicitaires - cette 34e édition est encore loin d’avoir mobilisé les sponsors -, elle sont plus seyantes sous leur parti-pris technique.
••• On pourrait les qualifier de « clochards de la voile », ces équipiers dont certains sont nés lors des précédentes éditions de la Coupe, où ils ont trouvé leur âme-sœur et même fait des enfants au hasard des villes-étapes. Le village de la Coupe se reforme ponctuellement tous les trois ou quatre ans, mais ses habitants restent liés à la mer par le jeu des compétitions intermédiaires et des embarquements provisoires : on a toujours besoin d’un marin à bord ! Ils habitent au hasard d’appartements plus ou moins co-loués proches de leurs « bases » en toile et en containers. Ce sont des nomades de l’océan et des vagabonds de la mer : à bord de certains bateaux, en additionnant l’expérience des membres de l’équipage, on peut cumuler jusqu’à une quinzaine de Coupes précédentes. Ce sera encore plus flagrant quand on sera passé au format AC 72, pour remplacer l’actuel format AC 45.
••• Parce qu’il est là, le vrai changement, dans les nouvelles règles qui rendent la compétition plus lisible, plus télégénique et surtout moins dispendieuse. Tant que la Coupe était un hochet de milliardaire qui se disputait entre milliardaires assez capricieux pour dépenser leurs milliards en voiles et en coques, on pouvait se contenter des règles de 1851. Aujourd’hui, même les milliardaires en tiennent pour un spectacle de qualité : ils veulent une victoire à la barre, et non plus à la banque ou dans un prétoire. Pour rassembler les meilleurs marins du monde, il faut pouvoir les payer. Pour les mettre en compétition, il faut plusieurs équipes, donc plusieurs armateurs et plusieurs syndicats d’excellent niveau. Larry Ellison – qui a écrasé Alinghi dans la 33e édition – l’a compris : cette 34e America’s Cup est donc plus accessible (moins coûteuse) et plus médiatique (au moins dans sa volonté de rallier de nouvelles audiences).
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