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Au vu de ses chiffres, l’horlogerie suisse respire la santé. Pourtant, une grosse décélération interviendra en deuxième partie d’année, assure Gregory Pons, grand connaisseurs des arcanes horlogers.
«Les chiffres restent stupéfiants tellement ils sont bons. Mais en discutant avec les directions des marques, on voit vite que tout le monde est mort de trouille pour les mois à venir!»
Grégory Pons n’a jamais la langue dans sa poche. Et comme avant la dernière crise, il tire la sonnette d’alarme. Entre l’été et la fin de l’année, la branche enregistrera de fortes chutes d’exportations.
«On est à -30% de commandes à Hong Kong, mais ça n’est pas encore remonté jusqu’en Suisse», assure le journaliste spécialisé. Avant d’indiquer qu’«en réalité, cette correction est déjà inscrite dans les chiffres réels».
Les statistiques d’exportations renvoient aux montres sorties de Suisse. Ce qui ne veut pas encore dire qu’elles ornent le bras du client chinois. Elles sont plus souvent stockées dans les filiales, chez l’agent, le distributeur ou le détaillant.
«Pendant des années, on a bourré les tuyaux et les stocks intermédiaires, explique Gregory Pons. Aujourd’hui les tuyaux sont pleins. Ça fait un grand tonneau avec un tout petit robinet. Les Chinois achètent des montres, mais pas à ces niveaux là.»
Premiers signes tangibles
L’horlogerie serait donc à deux doigts de devoir inverser les pompes. Avec à la clé, en Suisse, annulations de commandes et de mises en fabrication. «Chez les fournisseurs, assure Grégory Pons, ça commence à freiner un peu. Les grands groupes retardent ou annulent une partie des commandes passées dans l’euphorie de Bâle.»
Observateur de longue date de la branche, il juge toutefois que les licenciements massifs ne sont pas courus d’avance. Les groupes horlogers pourraient chercher à éviter la dislocation de leurs équipes. Car il faut des années pour les remonter. D’où difficulté à embrayer une fois la reprise venue.
Cette correction annoncée découle de l’absence de reprise économique en Europe et aux Etats-Unis, qui impacte la Chine et l’Asie. Mais aussi de la politique intérieure chinoise et ses incertitudes.
La Chine changera de gouvernement cette année mais elle cherche aussi à développer sa consommation intérieure. De produits chinois. D’où ses velléités de taxer le luxe occidental consommé par les Chinois en déplacement.
Régime du coup de fouet
Grégory Pons regrette que la branche reste mal préparée à la prochaine crise. «On vit dans l’horlogerie suisse le régime du coup de fouet et de l’effet de vague. Un petit coup au départ engendre un grand coup à l’arrivée.»
En clair, une petite commande à Hong Kong déclenche une grande commande à La Chaux-de-Fonds. Inversement, par mauvais temps, une petite annulation à Hong-Kong engendre une grande annulation à La Chaux-de-Fonds…
«On pensait que l’horlogerie était guérie de cet effet après la crise de 2009. Ce n’est pas le cas, on est en train d’y replonger», avertit Grégory Pons.
Par Pierre-François Besson
24heures
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