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Pourquoi les meilleures initiatives horlogères sont-elles trop souvent les plus discrètes ?
Pourquoi les évidences horlogères les mieux établies sont-elles toujours à déconstruire ?
Pourquoi l'actualité des montres a-t-elle toujours un trou d'air à la fin mai ?
POUR CE MILIEU DE SEMAINE, LE ZAPPEUR SACHANT ZAPPER A ZAPPÉ SUR...
1)
••• LA MISE EN ORBITE NUMÉRIQUE DU PROJET
« LE GARDE TEMPS, NAISSANCE D’UNE MONTRE » (DUFOUR, GREUBEL ET FORSEY)...
Cette initiative était une des meilleures bonnes surprises du SIHH : dès le 16 janvier (info n° 2), au cœur de la « Wonder Week », Business Montres racontait comme « Robert, Stephen et Philippe » (Greubel, Forsey et Dufour, mais il y manquait Michel Boulanger) avait mis au point une binôme mentor-élève pour « sauvegarder, perpétuer et transmettre le savoir-faire horloger ». Comprenez par là que, dans le cadre du projet « Le garde temps, naissance d’une montre », Philippe Dufour allait former, à l’ancienne et avec des outils traditionnels, un « élève » - déjà confirmé, puis Michel Boulanger était tout de même professeur dans une école d’horlogerie parisienne - pour le guider vers la réalisation totalement traditionnelle d’un chef-d‘œuvre quasi-compagnonnique décliné en une série de onze montres de (très) haute horlogerie. De quoi nous conforter dans notre analyse de la « révolution culturelle » comme vrai enjeu pour l’horlogerie des années 2010...
••• Depuis, le projet a pris de l’ampleur et il s’offre maintenant une vitrine numérique et sur les réseaux sociaux. Personnage central : un certain Nicolas Maillechort (qui n’est aucun des protagonistes qui pilotent le projet), chargé de jouer le narrateur – non horloger – qui donne des explications sur les opérations en cours. Il a pour mission d’animer le site Le garde temps, naissance d’une montre et ses différentes pages : la démarche collaborative et le parti-pris de transparence est impressionnant. En fréquentant souvent ces pages, on en saura plus sur la haute horlogerie, son univers mental et ses procédures techniques, que les élèves qui sortent des écoles d’horlogerie. Ne manquez pas, dans la page « Photos/vidéos », non seulement les films qui racontent le début de l’aventure, mais aussi les cartes postales de Lignières, près de Neuchâtel, où les comploteurs se réunissent...
••• On retrouve ce brave et si loquace Nicolas Maillechort sur Facebook (GardeTemps), avec encore plus d’articles, de schémas techniques et de dessins qui vont faire de chaque « ami » un véritable virtuose de la création horlogère et quelque chose comme un Léonard de Vinci de la montre mécanique, au moins par procuration (image ci-dessus). La stratégie open source est là aussi impressionnante de maturité et d’ambition dans la volonté de faire flotter haut et fort, sans considérations marchandes parasitaires, les couleurs de la haute horlogerie mécanique. Après tout, pourquoi ne pas tout mettre en ligne – ce ne sont pas les petits marquis de la technocratie horlo-financière qui s’y intéresseront ? À suivre, et de très près, comme on vous le conseillait déjà en janvier dernier...
••• Une seule critique (pour l’instant) : on peut comprendre le souhait de faire partager ces informations à toute la planète (donc le choix de la langue anglaise), mais on ne peut admettre qu’il n’y ait pas une version originale systématique dans ce français qui est – encore – la « langue officielle » de l’horlogerie, la langue naturelle des autochtones mechanical natives et la langue véhiculaire de 95 % des personnes impliquées dans ce projet...
2)
••• LE PAVÉ DANS LA MARE DE JOSEPH FLORES,
QUI DESCEND EN FLAMMES LE LIVRE DE JEAN-CLAUDE SABRIER...
Joli, le pavé qui éclabousse une descente en flammes, non ? Difficile de parler aux lecteurs de Business Montres d’un livre qui ne leur a pas encore été présenté - on y travaille, rassurez-vous : c’est sur liste d’attente ! -, mais on ne peut passer sous silence le pavé dans la mare dont Joseph Flores, le spécialiste de la « préhistoire » des mouvements automatiques, vient d’éclabousser les coulisses de l’histoire horlogère. Trois raisons expliquent notre intérêt pour cette analyse détaillée et argumentée du livre de Jean-Claude Sabrier sur La montre à remontage automatique :
• Première raison : Joseph Flores est à la fois horloger et historien. Il est même le seul dans ce cas parmi les chercheurs en histoire des objets du temps. Et il est d’autant plus historien que, comme tous les autodidactes, il s’en tient très scrupuleusement aux règles de la critique historique. Ses ouvrages sont imparables, tant sur le plan technique que sur le plan académique...
• Deuxième raison : le livre de Jean-Claude Sabrier est trop important pour qu’on puisse négliger un avis autorisé sur son contenu, et Jean-Claude Sabrier est lui-même un personnage trop important sur le marché des montres de collection pour qu’on puisse rester indifférent aux commentaires suscités par son livre...
• Troisième raison : d’autres historiens de la montre ont entamé une revue systématique du livre de Jean-Claude Sabrier, notamment Richard Watkins (Australie), qui a mis en ligne une première volée de bois vert le 16 mai, avant de redoubler ses coups dans une seconde livraison. 23 000 signes, 3 700 mots (en anglais) : on ne néglige pas ce travail en profondeur d’un historien de la montre, très respecté dans l’univers anglo-saxon...
••• Les pièces du dossier Sabrier sont donc sur la table : les lecteurs pourront s’en faire une idée plus précise en les lisant – ce qui est la moindre des choses ! Les 28 pages (en français) de Joseph Flores sont évidemment centrées sur les premières chapitres du livre de Jean-Claude Sabrier et sur cette « préhistoire » de la montre automatique, sujet qui le passionne depuis des années et pour lequel il a exhumé des documents techniques qu’il est impossible d’ignorer – ce que fait pourtant Jean-Claude Sabrier, qui ne cite même pas Joseph Flores dans sa bibliographie et qui nous a encore récemment affirmé qu’il n’avait pas publié le schéma technique d’Hubert Sarton parce qu’il craignait que Joseph Flores ne s’en offense !
••• C’est pourtant ce schéma qui change tout et qui emporte l’adhésion de tous les horlogers auquel il est présenté (révélation Business Montres du 17 janvier 2010). Découvert à l’Académie des sciences de Paris, où il était oublié, ce plan technique – déposé et annoté par Hubert Sarton – établit la parenté incontestable de tous les mouvements automatiques jusqu’ici attribués à Abraham Louis Perrelet. D’où Sarton tenait ce dessin, s’il n’est pas de sa plume ? C’est un tout autre débat - que nous reprendrions volontiers ici, puisque chacun sait que l’histoire n’est jamais définitivement écrire -, mais ignorer cet apport décisif à l’histoire de la montre automatique met Jean-Claude Sabrier – qui en connaît et qui en admet l’existence – en contravention flagrante avec les règles de l’éthique historique. Pour le reste, à chacun de se faire sa propre idée sur la rigueur logique de la critique opérée par Joseph Flores, sur la portée de ses arguments et sur les subtilités techniques qui les fondent - c’est là qu’on voit l’avantage d’avoir une formation d’horloger -.
••• On s’efforcera de raison garder au sujet de ces montres qualifiées alors de « perpétuelles » en jetant un œil sur la notice historique du Révérend Père P. Thüelle (Wikipedia), auquel on attribue la vraie invention du vrai premier mouvement automatique ! Ce n’est ni Joseph Flores, ni Jean-Claude Sabrier qui l’affirment, mais le grand Abraham Louis Breguet en personne, mais sans donner le nom de ce fameux jésuite (découverte Business Montres du 1er avril dernier)...
3)
••• LES PROJETS DE TOURNEAU POUR CRÉER
CHEZ J.C. PENNEY UN VÉRITABLE « SÉPHORA DE LA MONTRE »...
« Tourneau va faire pour nous ce que Sephora a fait pour nous pour la parfumerie et les cosmétiques » : Ron Johnson, le CEO de J.C. Penney (Etats-Unis) n’a pas mâché ses mots pour présenter le nouveau concept The Watch Gear by Tourneau, qu’on devrait retrouver dans tous les grands magasins J.C. Penney. Précision du CEO, qui pèse à peu près 17 milliards de dollars et qui emploie 156 000 personnes : « Sephora nous a permis de toucher toutes les marques dans un fantastique environnement commercial ». Prévision, dans l’esprit de la stratégie des « prix bas tous les jours » chère à J.C. Penney : « Nous allons pratiquer des prix dont nous n’avons pas l’habitude, mais nous n’avons pas l’intention d’être aussi chers que dans la 57e rue ».
••• C’est donc parti pour ouvrir des comptoirs et des ateliers horlogers dans les meilleurs des 1 110 department stores que J.C. Penney possède dans 50 des Etats américains. La question des outlets J.C. Penney n’a pas été évoquée, mais le concept introduit par Tourneau un magnifique ballon d’oxygène à la fois pour Tourneau et pour les marques suisses implantées sur un marché américain qui marque le pas quand il ne régresse pas. C’est là qu’on va juger de la pertinence des stratégies de « verticalisation » qui sont à la mode : un peu de chiffre d’affaires dans quelques boutiques, ou beaucoup de bonnes affaires dans de nombreuses boutiques ?
4)
••• LES SCULPTURES ÉLECTRIQUES DE FRANK BUCHWALD
À LA M.A.D GALLERY DE GENÈVE (« MAX BÜSSER’S CHOICE »)...
Cette galerie-boutique (on y vend toutes sortes de « machines », dont des montres) présente de nouvelles séries d’objets - quel autre mot ?- mécaniques articulés qui détournent l’esprit des lampes et des ampoules électriques pour créer des sculptures hybrides. Franck Buchwald est un créateur allemand visiblement fasciné par l’esprit « industriel » : les « ampoules mécaniques » qu’il expose à la M.A.D. Gallery recyclent les codes de cette ère industrielle pour les intégrer dans un concept de décoration post-industrielle, à mi-chemin entre le délire d’ingénieur et le rêve d’apprivoiser la lumière qui sommeille au fond du cerveau de tous les designers (beaucoup d’images de ces sculptures et de l’atelier de Frank Buchwald sur le site MB&F)...
5)
••• QUELQUES INFORMATIONS HORLOGÈRES NOTÉES
À LA VOLÉE, EN VRAC, EN BREF ET EN TOUTE CURIOSITÉ ÉDITORIALE...
••• PRINTEMPS : pas rancuniers, les responsables des montres du Printemps Haussmann, à Paris. Clairement poignardés dans le dos par l’ouverture d’Old England quasiment sous leurs fenêtres, ils n’en invitent pas moins les marques du groupe Richemont (Baume et Mercier, Cartier, IWC, Jaeger-LeCoultre, Montblanc, Officine Panerai, Piaget, Van Cleef & Arpels) à exposer leurs nouveautés au sein de l’espace « Luxe et accessoires » du premier étage. Il s’agit de célébrer « le savoir-faire, l’héritage, l’innovation et la créativité d’un art d’exception »...
••• BLAKEN (PANERAI) : la nouvelle marque allemande de personnalisation des Rolex (Business Montres du 7 mai, info n° 7) s’attaque maintenant au marché des Panerai « noircies » DLC. La nouvelle Verarena propose un cadran noir avec des index et des inscriptions contrastées, sur un bracelet en nylon vert de type OTAN ( elle ne sera éditée qu’en dix exemplaires)...
••• MARCO POLO : pas nouvelle, mais toujours active sur le marché américain, sur le créneau très précis des montres à « heures universelles », Marco Polo s’avance à la bataille avec des prix canons (guère plus de 400 dollars) et des mouvements électroniques (quartz) suisses...
••• OMEGA : une superbe publicité pour les Jeux de Londres de cet été, avec beaucoup de rythme et des images très toniques (et même un peu décalées, quoiqu’ultra-réalistes), en plus des Rolling Stones en bande-son (normal, ces Londoniens fêtent cette année leurs 50 ans). Comme quoi, quand on veut, on peut vendre l’image d’une manufacture horlogère sans passer par le traditionnel refrain sur le savoir-faire immémorial des paysans-horlogers de ces vallées, bla-bla-bla et tout le reste (à découvrir sans tarder sur la chaîne images Business Montres). Dommage que la version longue soit si courte...
••• PORSCHE DESIGN : gros déstockage en ligne sur Vente Exclusive (Bénélux), avec des réductions qui dépassent parfois les 50 % du prix neuf...
••• SCHALINS RINGAR : dur, pour une marque de joaillerie, de s’appeler Schalins Ringar. Impossible de se présenter sous ce vocalbe dans un pays francophone. Même pour une marque suédoise, et même si le Ringar de Schalins Ringar se traduit tout simplement par... « anneaux » !
••• SEIKO : tout arrive, même les marketing chez Seiko, qui cesse apparemment de tout miser sur l'innovation pour tenter de se trouver un chemin dans le celebrity marketing et dans le glamour avec la jolie championne Darya Klishina. Du copié-collé de ce que font les grandes marques suisses (image : Seiko)...
••• TECHNOMARINE : un nouveau site, minimaliste et dépouillé, qui permet un accès facile et intuitif à toutes les informations qu’on peut chercher sur la marque. Technomarine.com propose ainsi une circulation horizontale (et non plus verticale), dont la seule faiblesse est la présentation assez banale et pas très appétissante des collections – heureusement, la présentation des modèles est bien plus dynamique. A ne pas manquer : la nouvelle campagne de publicité et les nouveaux visages des « pirates » de l’année : montre sur l’œil, mais visages plus crédibles que les « gueules » savamment travaillées de l’année dernière. Business Montres y reviendra très prochainement...
••• CHINE : les sites de vente en ligne explosent en Chine, mais surtout les sites de déstockage et de ventes à prix écrasés. Classique, sauf que cette féroce guerre des prix est spectaculaire et qu’elle n’épargne aucune catégorie de biens de consommation ou de services. A quand les montres ? Comme toujours en Chine, ce marché du e-commerce accélère très vite et il fera très peu d’élus pour beaucoup d’appelés en faillite (source : Quotidien du Peuple en ligne)...
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