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Un peu longs les SMS de ce jeudi, mais ils résument bien l'actualité des montres en toute liberté...
Onze infos qui vont beaucoup se promener du côté des salles de vente et de la Bourse de Hong Kong ou des vitrines de Ginza, mais qui se terminent, c'est la tradition, par une chanson dédiée à Audemars Piguet par un rappeur de choc...
1)
••• LES PERFORMANCES DE CHRISTIE’S À HONG KONG...
La vente aux enchères d’hier s’annonçait « stratégique » pour Christie’s (alerte Business Montres du 29 mai). Autant pour la richesse du catalogue (577 lots) que pour la lecture qu’on pourrait faire de ses résultats (pièces anciennes, montres modernes, créations de la nouvelle génération). Le moins qu’on puisse dire est que cette vente a tenu ses promesses : 21,6 millions de dollars, c’est la plus importante vente aux enchères de montres jamais tenue à Hong Kong, si ce n’est en Asie - difficile d’en être sûr : les ventes réalisées en Chine intérieure par des maisons comme Poly Auction sont particulièrement opaques et très mal communiquées. 89 % des lots ont été vendus : c’est un petit peu moins que d’habitude, même en tenant compte des lots retirés immédiatement avant la vente (nous y reviendrons), puisqu’il n’y avait au final que 563 lots réellement proposés et 499 lots vendus.
2)
••• L’ANALYSE PLUS FINE DES CHIFFRES DE CETTE VENTE...
C’est dans les détails qu’on trouvera les vrais enseignements de cette session d’enchères. En valeur, on est à 92 % de la valeur des lots présentés : sachant que 53 % des lots vendus l’ont été au-dessus de l’estimation haute, on en déduira qu’il s’est produit une véritable envolée vers le haut des lots les plus intéressants, assortie d’une descente vers le bas des lots les plus ordinaires. Conclusion : le marché est de plus en plus sélectif, ce qui confirme nos propres analyses sur les récentes sessions de Genève (ci-dessus, la Patek Philippe réf. 5002, adjugée 1,2 millions de dollars). On peut même constater que le marché – asiatique et, plus généralement, occidental – est plus perfectionniste que jamais : l’exceptionnel autorise des enchères exceptionnelles, quand la marchandise ordinaire ne déclenche que des adjudications ordinaires - et pas d’enchères du tout si le prix de réserve n’est pas satisfaisant -. C’est la structure de marché en « sablier » récemment diagnostiquée par Business Montres (lien ci-dessus). Le cas des deux Patek Philippe émaillées réf. 2481 (lots n° 4715 et 4925) était ici symbolique : émail parfait (jungle) au double de l’estimation pour l’une ; craquelures (phare) pour le lot ravalé, quoique de décor soit très rare. Ce n’est plus un délire d’investisseurs aveugles et ivres de leur puissance financière : c’est un marché de blue chips où le moindre frémissement d’inquiétude (un doute sur la pièce, un défaut, une fêlure sur l’émail, un retour trop récent sur le marché) se traduit par une passivité résolue et ostentatoire des enchérisseurs. L’équivalent de l’actuel syndrome Facebook chez les boursiers : quand ce n’est pas clair, ça plonge !
3)
••• LES BONS RÉSULTATS QUI EN DISENT LONG SUR CETTE VENTE...
Continuons dans l’analyse du non-dit du communiqué officiel : 900 à 1 000 enchérisseurs, c’est un peu moins que pour les sessions précédentes, ce qui signifie que seuls les plus motivés sont restés (puisque le chiffre d’affaires est en hausse). En revanche, 40 pays d’origine différents pour ces enchérisseurs, c’est plus que d’habitude. Les enchères sont désormais un phénomène international, où qu’elles aient lieu dans le monde. A ce jeu, Christie’s reste largement dominant sur ce marché : quand ses concurrents font moitié moins de chiffre d’affaires avec autant de lots (Antiquorum) ou 30 % de moins en résultat global (Sotheby’s à 13 millions avec ou sans « effet Tim Bourne »), Christie’s s’arroge les deux-tiers des parts de marché...
4)
••• LE TRÈS JEUNE MARCHÉ DES ENCHÈRES POUR LA NOUVELLE GÉNÉRATION...
On attendait au tournant la première collection d’Opus Harry Winston dispersée là en bloc homogène. Christie’s avait soigné la mise en scène et assumé son rôle pédagogique en organisant un dîner spécial entre les meilleurs collectionneurs locaux et Maximilian Büsser (MB&F) , le vrai et le seul « père » des Opus. Qui mieux que lui aurait pu raconter la genèse de cette collection (Business Montres du 29 mai) ? Qui mieux que Christie’s – leader sur son marché – peut assumer cette mission d’éducation du marché aux nouvelles cultures horlogères ? Le résultat de la vente de ces Opus reste cependant en demi-teinte : les « marques » connues ont été un succès (notamment l’Opus 6 de Robert Greubel et Stephen Forsey, ou l’Opus 5 de Felix Baumgartner-Urwerk) : les signatures moins « travaillées » sont restées très sages, quoiqu’elles aient été toutes vendues. Deux de ces Opus ont été retirées avant la vente pour être allouées – en transaction privées – à des passeurs d’ordre mieux disants, notamment l’Opus 1 de François-Paul Journe : pas de risque sous le marteau ! C’était également le cas de « grosses pièces », généralement serties (Rolex, tourbillon Chopard) ou exceptionnement compliquées (Aeternitas Mega 4 de Franck Muller), pour lesquelles « un tien vaut mieux que deux tu l’auras » : les enchères ne sont pas une science exacte ! Du coup, en décomptant la valeur de ces lots retirés et en déduisant celle des lots non vendus pour se concentrer sur la seule valeur estimée des lots réellement mis en vente, on découvre que le produit de la vente était – sous le marteau – à plus de 35 % au-dessus de l’estimation haute (on passe de 12,5 millions à 17,5 millions). Ce qui est finalement rassurant pour un marché qu’on peut estimer « de crise »...
5)
••• LES CHAISES MUSICALES DU JOUR...
Patrick Jaton, qui dirigeait Timelab (Genève), où il avait mis en place tout le projet du nouveau Poinçon de Genève, a quitté sau fauteuil le mois dernier : il n’aura pas attendu longtemps avant de se recaser. « Charly » Torrès (Vacheron Constantin), qui le connaissait bien, n’allait pas passer à côté d’une telle « bonne affaire » : on retrouvera donc Patrick Jaton, dès demain 1er juin, en vallée de Joux, pour veiller sur tout le département qualité de Vacheron Constantin au Sentier...
6)
••• LA VITRINE LA PLUS EXTRAORDINAIRE DE L’ANNÉE... PROCHAINE !
On attendra Baselworld 2013 pour la découvrir, et elle sera signée – on s’en doutait ! – Xavier Dietlin, qui ne fait rien pour ne pas mériter son titre de « vitriniste le plus allumé de sa génération ». Son futur nouveau concept est basé sur unenouvelle et révolutionnaire utilisation des vidéos pour les marques présentées : on ne va plus regarder les films, on va les vivre ! Impossible d’en dire plus pour l’instant, sinon pour préciser que cette initiative associe la maison Dietlin (le plus petit vitriniste du monde) à un des plus grands groupes horlogers du monde et – plus étonnant – au plus grand cigarettier du monde. Un peu de patience, Business Montres vous en racontera un peu plus dans les semaines à venir...
7)
••• LA VITRINE LA PLUS RÉVOLUTIONNAIRE DE... CETTE ANNÉE !
C’est évidemment le concept Slide développé par Xavier Dietlin et découvert cette année à Baselworld sur le stand Hublot. Tout le monde en veut pour ses vitrines : c’est un principe d’exposition qui permet de s’adapter aux différences culturelles constatées sur chaque grand marché. Un de ses autres avantages est de permettre une mise à jour instantanée dans le monde entier, en phase avec l’actualité de la marque. Une nouvelle génération de Slide vient d’être mise en place à Ginza (boutique Hublot de Tokyo) : on peut découvrir sur la chaîne images Business Montres Vision comment Xavier Dietlin fait ramper des pythons dans la vitrine dès qu’il s’agit d’accompagner le ballet des Big Bang à bracelets en python. On devrait retrouver ces nouvelles vitrines Slide à Madison, à Londres et dans les principales boutiques Hublot de la planète...
8)
••• LA PASSION DES RAPPEURS POUR AUDEMARS PIGUET
« Sur le poignet, j’ai le salaire annuel d’un cadre » : c’est parti pour le rap français de l’été, « Audemars Piguet posé sur le poignet gauche », quand « glauque » rime avec « époque » et « Royal Oak ». And so on : pas sûr qu’on ait vraiment l’autorisation du Brassus de faire tout ça, mais c’est en tout cas la proposition de Black Kent, pour un morceau titré comme il se doit Audemars Piguet...
9)
••• LE PESSIMISME PRESQUE ALARMISTE DU « TEMPS »...
« L’euphorie n’est plus de mise. Les premiers licenciements sont intervenus chez des fournisseurs » : sensible lui aussi à la théorie du « coup de fouet » (bullwhip effect), Bastien Buss tire la sonnette d’alarme dans Le Temps. « Les perspectives pour l’horlogerie commencent à s’assombrir... (...) L’exception horlogère serait en passe de prendre fin » : ce qui confirme les pronostics récents sur le « retour de la crise avant 2013 » (Business Montres du 23 mai), ainsi que nos informations du 24 mai sur le retour du chômage partiel.
••• Informations que nous nous faisons un devoir de démentir, comme nous nous y étions engagés, pour ce qui concerne Cartier : Bernard Fornas tient fermement à souligner que « ces informations sont totalement infondées. Non seulement aucune annonce de ce type n’a été effectué, mais surtout il n’existe à ce jour aucun plan visant à réduire nos capacités manufacturières ». Donc acte (et même avec plaisir parce que ça va mieux comme ça), mais Business Montres maintient ses affirmations pour les annulations de commandes passées aux fournisseurs par Cartier : on pourra encore le vérifier la semaine prochaine à l’EPHJ – même si les sous-traitants sont soumis à une pression d’enfer pour que soit respectée la loi de l’omerta horlogère...
10)
••• LA CONFIRMATION DES MAUVAISES NOUVELLES DU FRONT DE L’EST...
On parle du front asiatique, bien évidemment ! La conjoncture, très porteuse en début d’année, s’est brutalement retournée en quelques mois. Les trésoreries sont à sec : le client final n’a plus d’argent à dépenser en montres, donc il ne fréquente plus les boutiques, donc les détaillants tirent la langue et ne payent plus les marques. Par « effet coup de fouet », le bloquage remonte en s’amplifiant vers les vallées suisses. Côté chiffres, sans citer de noms, on parle de 50 % de baisse de fréquentation dans les malls de certaines métropoles chinoises : - 30 % pour le sell-out d’une manufacture genevoise de premier plan et – 8 % pour la marque biennoise la plus chaude sur le marché chinois. Dans les pays périphériques, par exemple en Malaisie, les stocks des marques phares d’un grand groupe industriel suisse débordent : ils avaient été commandés dans l’euphorie de la fin 2011 et du début 2012 et on avait passablement bourré les tiroirs des détaillants. Le déstockage n’a pas encore commencé, mais la filiale asiatique du groupe semble avoir choisi de fermer les yeux : ce « nuage » de montres invendues, qui ne devraient pas rester longtemps sur les bras des détaillants en peine de cash, pourrait faire le tour de la planète et perturber les marchés européens ou américains...
11)
••• LA PRUDENCE DE GRAFF À LA BOURSE DE HONG KONG...
Ce devait l’entrée sur le marché la plus spectaculaire de l’année, mais Graff a préféré renoncer à son projet d’introduction en Bourse. Pour le milliard de dollars escompté pour cette opération, repassez après la crise qui s’annonce. La déprime des places financières asiatiques et le ralentissement économique sont tels en Asie qu’il n’était pas question de prendre le moindre risque, et surtout pas celui de se retrouver dans la situation de Facebook. Au même moment, on apprend d’ailleurs que Tiffany & Co a vu son action baisser de 14 % (le perspectives ont été sérieusement revues à la baisse la semaine dernière). De son côté, l’action Chow Tai Fook a perdu 23 % en quelques jours : dommage pour le grand groupe de luxe genevois qui était en train de monter une grande opération avec le milliardaire de la joaillerie chinoise...
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